Invicta - Triumph and Torment
Chronique CD album (56:29)

- Style
Melodeath/Thrash & Heavy - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
31 mars 2023 - Lieu d'enregistrement HM Studios
- écouter via bandcamp
Leurs noms (Shareef Hassanien, Kyle Edissi, Jonah Kay, Steven Rowlands) ne permettent pas de valider ma théorie. Pourtant j’en ai une : Invicta a été formé par des musicien allemands relocalisés au Canada. D'où ce mélange de classicisme et d’efficacité, ces hymnes de fiers guerriers, ces leads flamboyants – ici se clôt la liste des caractéristiques prétendument germaines –, cette technique affûtée, ces assauts fulminants, ces compos à rallonge, cet amour pour le hockey et le sirop d’érable.
OK, j’avoue : ce dernier point à été ajouté de manière tout à fait artificielle, parce que je n’avais pas beaucoup d’éléments caractérisant la canadité (équivalent local de la « germanité »…. Non ?) de la formation. En même temps je n’ai pas besoin de prouver ce côté Yang de leur personnalité : ils viennent de Kitchener, Ontario, tout comme leurs potes de Raider. Et certains d’entre eux sont d’ex-Razor, d’autre d’ex-Æpoch… des formations canadiennes, elles aussi (... on a également un ex-musicien live d’Heathen, mais ça ne compte pas, ces derniers étant américains).
Si l’on est tenté d’expliquer la double personnalité du groupe par un métissage culturel, artistiquement aussi, il y a métissage. Car la musique qui nous est proposée sur Triumph and Torment est une combinaison de Heavy conquérant et de Metal extrême montrant les dents, unifiés via deux solides liens : 1) un souci constant de déverser de belles mélodies sur l’auditeur, 2) la volonté de lui faire sentir – dans sa longue chevelure et sur son torse transpirant – le souffle puissant d’épopées pleines d’exploits homériques et de solos bavards. Un peu comme pourrait le faire un Into Eternity plus teuton que progressif. Ou un Exmortus moins porté sur le shredding. Ou un Skeletonwitch moins goblinesque.
Vous vous figurez la chose ?
Il n’y a qu’à appuyer sur >Play pour se prendre de plein fouet cette goûteuse schizophrénie artistique. Car dès la première piste, l’accueil est assuré par l’un de ces riffs fiérots tels que nous en pondent à la douzaine les Cult of The Glory Hammer et autres Eternal Warriors of the Blood Sword (je n’ai pas cherché, mais je vous fiche mon billet que ces formations existent. C’est sûr. Cherchez encore). Et vlan : à peine la marque des 32 secondes est-elle franchie qu’arrive un break furieux entraînant derrière lui Thrash punky, vocaux fielleux et batterie au taquet… C’est qu’elle nous chiquerait les mollets, cette sale bête ! Et l’enchevêtrement des univers de continuer ainsi pendant 56 minutes, tissé toujours aussi serré, toujours vigoureux, toujours motivé, toujours énergique.
… Mais jamais foncièrement original, par contre. Invicta préfère en effet faire dans l’efficace, dans l’éprouvé, dans le séduisant – pas dans le novateur, l’osé, ou même le varié. Le but est que vous kiffiez sans jamais avoir à analyser la situation, que l’adrénaline fuse, que les cervicales yoyotent – pas que vous suiviez les doigts sur le manche, ni que vous cherchiez la petite bête.
C’est en cela que la formation sonne allemand (ouh le vil chroniqueur ! Que sous-entend-il ? Serait-il raciste ?). En cela, ainsi que dans ces nombreuses démonstrations twin sentant le Power Metal. Et dans ces quelques interludes medievalo-folk rappelant les feux de camp de Blind Guardian.
Pour ce qui est du visage extrême du groupe, on navigue le plus souvent entre un Death/Thrash fougueux et un Melodeath burné à la Decameron. Avec, de loin en loin, quelques engelures réminiscentes de Dissection (… notamment en fin d’album). Et même, au tout début de « The Morning’s Light », la brève impression d’avoir mis les pieds sur le paillasson de Cannibal Corpse.
Mais je vilipendais la formation pour son manque d'audace. Or l’on trouve sur ce 2e album quelques compos qui cherchent à se démarquer un peu. Comme « The Morning’s Light », qui laisse des fragrances d’encens et le goût des dates typer légèrement son propos aux couleurs du Moyen-Orient. Ou comme « Parasitic Reign », qui fait principalement dans le Thrash US old school pressé et furieux. Mais ce sont là des exceptions. Car en dehors de celles-ci, le ton reste globalement uniforme. Et l’on serait bien en mal de désigner notre morceau préféré. Car c’est bien là la qualité de nombreux groupes allemands : proposer un bloc aussi solide qu'indivisible de Metal vigoureux et irréprochable. Sauf qu’un reproche on en émettra quand même un à l'encontre de cet arrogant manque de personnalité. Reproche d'autant plus justifié que – on l’oublierait presque – le groupe n’est pas allemand.
… Pas facile de s’en souvenir tant les apparences jouent contre eux !
La chronique, version courte : Invicta, c’est un groupe de Death/Thrash furieux mais mélodique, à sensibilité scandinave (si l’on s’en tient à sa dimension extrême) mais à passeport canadien, fan de Blind Guardian mais n’osant pas faire son coming out. Alors il donne juste des indices. De gros indices, bien évidents. De grosses twins qui rossignolent. De gros combats héroïques à coups d’épée à 6 cordes. Et cela fonctionne, convainc, et fait taper du pied. Mais sans enivrer, sans excès d’originalité. À l’allemande, si l’on veut caricaturer, et citer une troisième nationalité.
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