Knocked Loose - A Different Shade Of Blue

Si vous traînez vos guêtres du côté du petit monde du hardcore, ce qui est somme toute probable vu que vous vous trouvez présentement à lire ces lignes, vous aurez certainement déjà vu passer le nom de Knocked Loose, dont le dernier EP en date (A Tear In The Fabric Of Life, 2021) a obtenu une belle exposition sur la scène, qui leur a par ailleurs permis de se retrouver à accompagner Gojira lors de leur dernière tournée d'automne aux US.

Si les frenchies sont plutôt metal, comme vous le savez bien, Knocked Loose sont pour leur part issus d'une tendance plutôt proche du hardcore beatdown. Le dénominateur commun qui rend cette affiche malgré tout logique : des riffs lourds et écrasants à n'en plus pouvoir.

Leur premier album Laugh Tracks avait déjà permis de les faire émerger un cran au-dessus des autres formations, et notamment du fait d'un break mastodontique précédé d'une sorte d'aboiement en « arf arf » sur leur morceau « Counting Worms », devenu une sorte de meme et déclencheur de furie dans le pit.

Mais c'est avec ce A Different Shade of Blue, sorti en 2019, qu'ils deviennent véritablement une sorte de « gros nom » d'une période dont la tendance est au revival du hardcore métallique vraiment pas content, aux côtés d'autres groupes tels que Vein.fm ou Code Orange. Car si « blue » dans A Different Shade of Blue vient de l'expression « to feel blue », avoir le blues quoi, alors le moyen qu'ont trouvé Knocked Loose de pallier à ces épisodes de déprime ou de dépression passagère a effectivement une « teinte différente » de ce qu'on trouve généralement dans les conseils de la section bien-être de votre librairie de quartier.

De fait, comme on le disait, si on trouve dans ces douze morceaux une racine plus typiquement punk-hardcore « classique » à tendance beatdown, on ne compte par ailleurs plus le nombre de parties de breakdown qui éclateront tout le monde au sol. Je veux dire... franchement... c'est à croire que leurs grand-mères les ont inondés de pulls en laine quand ils étaient gamins, vu le point auquel ils ont envie d'en découdre.

Celui de « And Still I Wander South... », par exemple, vit rent-free dans ma tête, comme on dit en anglophonie, c'est à dire sans charges locatives et avec dispense de loyer. Mais il y en a vraiment un peu partout sur l'album, comme s'ils écrivaient ce genre de riffs à péter les dentiers pour pouvoir se refaire leur stock de médiators rapidos et à peu de frais.

L'accent est donc vraiment envoyé sur la lourdeur écrasante et totale, avec même un gimmick qui revient, celui du breakdown dans le breakdown, avec des ralentissements pour bien achever tout le monde (« In The Walls »....)

On en vient parfois vraiment à se demander si la formule « finir KO » ne devrait pas être revue par l'académie des langues pour désormais s'écrire « finir KL », parce que bien que certains d'entre eux soient straight edge, paraît-il que leurs concerts sont de vraies boucheries.

Il y a cependant suffisamment de variations et de subtilités (ahah) pour que l'on n'aie pas l'impression d'entendre toujours le même morceau : une zone quasi sludge sur la fin du premier morceau « Belleville », du poutchapoutcha plus classique (« Trapped in the Grasp of a Memory », « By The Grave » aux accents plus d-beat, « Denied By Fate »...), des breakdowns qui vont parfois tirer sur un univers plus metalcore, voire deathcore (un « Mistakes Like Fractures » plus metalcore par exemple, avec son break final arracheur de « ouch »), un côté un peu plus post peut-être sur « Guided By The Moon » et même quelques outros tranquilles qui, si elles ne sont pas foncièrement indispensables, permettent néanmoins de souffler un peu.

On trouve par ailleurs derrière le micro deux guests, en les personnes de Emma Boster de Dying Wish sur « Trapped in the Grasp of a Memory » et de Keith Buckley, alors encore chanteur d'Every Time I Die, sur « Forget Your Name », qui font clairement le taf pour apporter leur contribution aux côtés du chant très particulier de Bryan Garris.

Car sur A Different Shade of Blue comme sur les autres efforts de Knocked Loose, la voix de Garris ne laisse pas indifférent·e et peut, pour certain·e·s, se révéler particulièrement difficile à appréhender, même avec l'habitude de ce type de musique (et il y a de toute façon peu de chances de commencer les musique extrêmes directement avec KL) : ultra-hurlé et arraché, plein d'une colère débordante, le ton de sa voix est vraiment haut, ce qui est au départ assez surprenant. Mais une fois que l'on s'y fait et que l'on rentre dedans, il s'intègre finalement extrêmement bien au caractère sans concessions de la musique du combo du Kentucky.

Bref, si vous cherchez un album de hardcore ultra énervé, agrémenté de touches de metal, en mode colère noire (ou bleue, pour le coup), alors vous avez fait ici bonne pioche, parce que ça ne pardonne pas vraiment. Un peu moins beatdown que leur précédent mais toujours beaucoup plus hardcore et moins metal que le suivant, A Different Shade of Blue est une valeur sûre du hardcore de ces dernières années, et un album auquel il faut – à mon humble avis – au moins donner une paire d'écoutes si vous n'en avez pas encore eu l'occasion. Clairement l'une des plus grosses boîtes hardcore de 2019 avec, à mon sens, les Grecs de Kalpa.

A écouter si l'on est un peu lassé par son mobilier d'intérieur et qu'on décide qu'il serait temps d'en changer. Bon, il faudra prévoir aussi un bon balai et une pelle solide pour évacuer les gravats.

Pingouins

le 29/04/2022