Miladojka Youneed - Schizophonik
Chronique CD album (44:26)
- Style
Funk Metal - Label(s)
Dallas Records - Sortie
1998 - Lieu d'enregistrement Miladojka Studio
écouter "Turning Lathe"
Si vous êtes musicien et que vous vous laissez embarquer au sein d’un atelier organisé dans le cadre du Jazz Festival Ljubljana, quel risque courrez-vous ? Celui de fonder un groupe de Funk Metal, eh oui, rien de moins ! C’est en tous cas ce qui est arrivé aux zigotos qui ont mis sur pied Miladojka Youneed… Notez qu'eux prétendent jouer du Free Punk Funk Jazz, mais taratata : ils ne trompent personne ! Et figurez-vous que Miss Dojka, Mila de son prénom, n’en est pas restée au stade de petit caprice créatif de week-end trop arrosé : cette belle créature slovène a fait parler d’elle de 1985 à 1998, période pendant laquelle elle a sorti pas moins de 5 albums et un live !
Quels que soient nos désaccords au sujet du style pratiqué, accordons quand même cela à la formation : elle n’aime pas trop rester sagement sur des rails, même ceux du Funk Metal. Le « Free » revendiqué dans son étiquette auto-accolée n’est donc pas complètement déconnant. Que ce soit via sa lointaine ressemblance avec Waltari (auquel on pense notamment sur « I'm a Fire » et « Expect »), ou sur ces morceaux nettement plus barrés que la moyenne (« Goodmorning » et « Disco Boy »), on sent en effet que le groupe serait frustré si on lui demandait de ne pas s’éloigner trop loin en dehors des limites tracées par les Red Hot Chili Peppers et leurs pairs. Et quand on écoute son ode au réveille-matin, on se dit que c’est tant mieux si les loustics éprouvent de telles envies d’ailleurs. Car ce « Goodmoring » est un génial assemblage jazzy-bricolo construit par petites touches et couches, qui peut, de par ce côté un peu mécanique et cette approche freestyle, évoquer de loin le « Rockit » de Herbie Hancock. Un « Rockit » sacrément cuivré, par contre… Les expérimentations vont même encore plus loin sur « Disco Boy », un peu trop loin peut-être, le ton s’y avérant plus rêche, plus minimaliste et plus simiesque… Moins sexy, au final, bien que joliment Nawak.
On peinera plus à trouver un côté Punk à Schizophonic – mais cet album étant leur dernier, peut-être cette dimension s’est-elle estompée avec le temps. La dimension « Jazz » est quant à elle plus justifiée, non seulement de par la présence pas-omni-mais-presque du saxo, mais également du fait de certaines compos plus typées que la moyenne. Dont « Goodmoring », oui, toujours elle, mais aussi « Underground », qui préfère explorer la dimension « lounge » de cette scène où John Coltrane et Charlie Parker sont rois…
Mais je vous le disais en début de chronique : Schizophonic est avant tout un putain de bon album de Funk Metal. La dimension « Metal » est certes assez peu rugueuse, et d’autres préféreront peut-être parler de Rock. Sauf que les fans de Scat Opera, Bootsauce et autre Fungo Mungo frétilleront furieusement du booty en découvrant « Turning Lathe », claqueront inconsciemment des doigts sur « Do You Love », et ne pourront s’empêcher de choper des binouzes dans la glacière quand « Eternity » – morceau qu’on croirait extrait du premier album de White Trash – retentira sur l’autoradio de la Cadillac. La seule vraie doléance que l’on pourra finalement accepter, c’est que ce Funk Metal est assez souvent indolent, et qu’il ne satisfera donc pas forcément les fans de musique sur trampoline. C’est vrai, « I’m a Fire » se laisse parfois aller à fermer les paupières. OK, « Goddesses » est une ode so 80s aux dîners estivaux pris à l’ombre du saxo (… et que c’est bon ‘di diou !). Certes, « Expect » avance sur la pointe de pieds dans les vapeurs d’une fumerie d’opium. Quant à « Blues My Way », il vous accompagnera idéalement lorsque vous cheminerez sur les traces du marchand de sable. C’est d’ailleurs ce manque occasionnel de nerf qui me pousse à maintenir l’album sous le plafond de verre du 8/10…
C'est donc un fait : la Slovénie pourrait tout à fait, elle aussi, présenter de solides athlètes aux Olympiades du Funk Metal. D’ailleurs Schizophonic serait même en mesure de ramener une médaille aux épreuves Jazz-expé’-qui-Jumpe. On regrettera donc que Miladojka Youneed se soit retiré de la compétition après ce dernier album… Heureusement qu’on a les rediff’ pour se consoler !
La chronique, version courte : 1998. Le Funk Metal ne fait plus trop frétiller dans les chaumières. Et ceux qui espèrent encore voir émerger quelques pépites de cette scène mourante gardent les yeux rivés sur les États-Unis – tout en jetant de rares coups d’œil en direction de l’Europe occidentale, des fois que. Pas étonnant, donc, que tout le monde ait loupé Schizophonic, le croustillant cinquième album de Miladojka Youneed, aussi cuivré que posé, aussi expérimentalo-jazzy que savoureux. Un disque à déguster sans arrière-pensées, pour profiter des beaux restes de l'été !
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