Ne Obliviscaris - Exul

Me voilà contraint à me présenter à vous par un aveu presque honteux…

C’est par un simple concours de circonstances que mon intérêt s’est porté sur Ne Obliviscaris… Non pas que je leur tournais le dos, pensant comme certains que leur musique est destinée à ceux qui aiment trop astiquer le manche de leur guitare (bien évidemment). Mais la scène metal étant tellement vaste que l’on ne peut suivre chaque groupe… « Ouais là… quand même… t’abuses gros… » me direz-vous… Alors oui, je reconnais qu’étant constamment en quête de nouveauté, une formation de metal extrême introduisant le violon dans sa composition, élargissant ainsi ses influences à la musique contemporaine et au classique… j’aurais dû tilter… Est donc arrivé ce concert d’un de mes groupes favoris… avec qui en tête d’affiche ? Oui… forcément… vous l’avez deviné… Bref… un groupe qui en emmène un autre que j’affectionne particulièrement faire le tour du monde mérite que je lui porte une attention des plus sérieuses.

Mars 2023, Exul pointait enfin le bout de son nez, succédant à Urn (2017) de six ans son aîné. Gestation inhabituellement longue pour NeO (intimité oblige) dont les sorties ne s’espaçaient jusqu’alors pas de plus de trois ans. Ce quatrième album était initialement planifié pour fin 2020 mais de nombreuses complications mirent le projet au quasi point mort, notamment la fermeture des frontières australiennes durant la feu pandémie, bloquant Benjamin Baret (lead guitariste) et Martino Garattoni (nouveau bassiste depuis 2018) sur le vieux continent quelques jours avant le début des sessions d’enregistrement. Congé forcé mais pas totalement stérile pour ces deux derniers qui, en travailleurs passionnés, ont continué à écrire et échanger avec les autres membres, maintenant de peu le groupe en vie. Durant cette période creuse, la formation fût aussi affectée par le départ de Dan Presland, batteur depuis 2005, laissant tout de même l’enregistrement de ses parties en cadeau d’adieu. Un accouchement difficile donc pour ce petit dernier qui a sans doute influé sur son caractère, plus opaque et plus massif que ses grands frères.

Un pavé. Voilà ma première impression à la découverte d’Exul. Bien sûr de nombreux passages, plus immédiats, font que même l’oreille néophyte trouve des points d’ancrage mais quelques retours sur Urn et Citadel (2015) suffisent à percevoir l’évolution vers une musicalité moins évidente aux entrées en matière plus directes. Hormis l’outro, l’ouverture du très réussi « Misericorde II » reste d’ailleurs la seule section, purement acoustique, qui prend le temps de vraiment poser une ambiance. L’extraverti Tim Charles s’en donne à cœur joie, frottant son violon en pleurs, s’abandonnant pour une fois au lyrisme que peut lui prêter sa voix. Le violoniste et chanteur livre une performance justement nuancée, apportant les bouffées d’air nécessaires à l’auditeur, sachant néanmoins se mettre au diapason en malmenant son instrument (« Suspyre », « Graal »). Car le climat général de l’album est sombre, le tempo élevé. Dan Presland (remplacé par Kévin Paradis pour les tournées), pour sa dernière prestation au sein du groupe, nous laisse peu de répit, rythmant des tempêtes de riffs lourds et recherchés, où gronde la voix gutturale et rauque de Xenoyr, au chant parfois trop monocorde à mon goût. La basse, elle, est mélodique à souhait, charismatique et régulièrement mise en avant, opacifiant presque le jeu des guitares. Mais ne nous méprenons pas, ce sont bien les nombreux soli, certes archi-travaillés mais plus classieux les uns que les autres, d’un Benjamin Baret en totale maîtrise, qui nous guident vers ces finals en forme d’apothéoses musicales (« Equus », le diptyque « Misericorde », « Graal »).

Exul nécessite le temps et l’investissement propres aux albums qui, chez moi, s’installent sur le long terme. Ses premiers filages complets sont moins confortables que ceux de ses prédécesseurs mais la récompense est grande. Je n’aurais certainement pas été aussi persévérant si leur set, avoisinant les deux heures, ne m’avait pas laissé sur le cul, annihilant la performance, pourtant haute, d’un groupe que j’attendais de voir depuis longtemps. Il m’est évident aujourd’hui que cette musique prend tout son sens quand on lui laisse remplir l’espace, alors je m’applique régulièrement à combler aussi les lacunes de mes voisins. Après une tournée européenne au printemps, Ne Obliviscaris qui, dix ans plus tôt, a réussi à expatrier sa musique grâce au financement participatif, repart dans quelques jours au contact de son public nord-américain, preuve que les choses vont mieux pour les fers de lance du metal progressif haut de gamme (avec violon bien sûr).

AdicTo

le 29/08/2023