Psychonaut 4 - Beautyfall / სულდაცემა

Chronique CD album (57:35)

chronique Psychonaut 4 - Beautyfall / სულდაცემა

En fan invétéré de Black Metal – je rebaptiserais bien volontiers CoreAndCo en BlackAndCo –, je me voyais chroniquer (restons en Europe) bien sûr des formations scandinaves, hexagonales, polonaises et allemandes, sans souci ukrainiennes, suisses, russes et baltes, pourquoi pas portugaises, espagnoles, grecques et italiennes, à la rigueur belgo-bataves, roumaines, autrichiennes et biélorusses. Mais jamais n’aurais-je imaginé un jour balancer un texte sur une formation originaire de … Tbilissi en Géorgie ! Même la base de données du webzine n’avait pas vu le coup venir !!

 

C’est désormais chose faite avec Psychonaut 4 !

 

Sans doute bien à l’étroit dans son pays sud-caucasien, toujours entravé par sa transition vers un pouvoir et une économie post-soviétiques et encore mobilisé – 67 ans après sa mort – à effacer les traces du Géorgien le plus encombrant et le plus brutal de l’Histoire, ce sextet regarde depuis ses débuts par-delà sa fenêtre. En attendant d’accéder à un lointain inaccessible, il pratique depuis dix ans maintenant, avec 4 albums et 5 splits au compteur, un « Depressive Suicidal Black Metal ». Plus précisément une marqueterie bien poisseuse entre Black, Rock et Post-Punk, où il n’est question que de mort, dépression, désespoir alcoolisé, en résumé de vie sans horizon. N’attendez pas la quiétude et la langueur mélancoliques du Post- comme dans le dernier Anteros, fraîchement chroniqué dans notre ‘zine. C’est heurté, trituré, maussade ("And Sorrow, Again").

 

Mais, il n’y a pas que ça. Contextualisée, cette offrande DSBM claque sa mère en enfer. Beautyfall va en effet comme un gant à 2020, année exquise à bien des titres. Liberté de se déplacer empêchée, rapport à l’Autre quasi confisqué, regard vers l’avenir obturé, psyché au point de se briser… c’est comme si les Géorgiens étaient parvenus à mettre en bouteille toutes les scories et entraves qui ont traversé et qui malheureusement traversent encore de part en part cette période bien pourrave, propice au repliement et à la perte de repères. D’ailleurs, ils nous invitent à adhérer à leur « Club non-anonyme de gens au bord de la crise de nerfs » !

 

Du « Depressive Pandemic Post Black Metal » pour ainsi dire.

 

2020 et Psychonaut 4 vous saluent bien...

 

Musicalement, une fois passées les trois premières minutes de "One Man's War", ce nouveau Psychonaut 4 frappe fort par sa diversité de composition et son intensité d’orchestration. Ça te glace la moelle, te tord les boyaux, te fait vibrer le pubis – en tout cas ça a fait vibrer le mien –, à commencer par "Sana-Sana-Sana Cura-Cura-Cura" avec une entame à la S.O.A.D. bien troussée, qui laisse la place à du Post- bien maîtrisé. S’il ne faut en écouter qu’un, c’est bien celui-là. Ce DBSM ne serait rien sans les performances particulièrement sombres de Graf au chant, oscillant entre paroles incantatoires et déchirures vocales (impressionnantes sur "…And How Are You ?"), idéales pour mettre en lumière nos tourments et nos tiraillements intérieurs. L’identité caucasienne suinte agréablement de ce joli travail ("Tbilissi Tragedy" tantôt agressif, tantôt aérien et plus encore "#tostoreandtouse" aux riffings ciselés). Notons d’ailleurs un usage parcimonieux, mais bien placé de l’accordéon ("And Sorrow, Again") et plus encore du saxophone, qui – je m'étais déjà fait la remarque avec White Ward – donne de la rondeur et de la chaleur au morceau ainsi bonifié, "Dust, The Enemy", autre grand moment de cet album (surtout lorsqu’il tire vers ses deux dernières minutes). L’épilogue, quant à lui, prend la forme d’un cover de Silencer ("Sterile Nails And Thunderbowels") ; les premières secondes sont enrichies – sans être outragées –par de l’accordéon (là encore), avant de reprendre les lignes de force du morceau soigneusement décalqué, spécialement dans le chant torturé.

 

Un regret pour terminer : celui de ne pas avoir les pouvoirs magiques pour transformer cette musique décharnée et angoissante en objet contondant, afin de l’enfoncer profondément dans le fion des angoissologues/collapsologues – Éric Z. en tête – de notre temps. La quiche – en tant qu’émotion pure et sincère –, je préfère l’avoir en écoutant pendant près d’une heure ce beau long format, souvent brillant, qu’en prêtant une oreille, même lointaine, à cet aréopage maudit de prédicateurs. L’écoute de Beautyfall donnerait-il même l'envie de se pendre ? Sûrement : d’ailleurs, depuis le 30 octobre, date de sortie de ce nouveau Psychonaut 4, j’ai déjà un nœud coulant qui m’attend, solidement accroché à un arbre. Mais, rassurez-vous, cette forêt se trouve à moins d’un kilomètre de chez moi…

 

 

 

photo de Seisachtheion
le 10/11/2020

3 COMMENTAIRES

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 10/11/2020 à 20:23:43

Arf!  Je m'attendais à un son diablement plus crade que ça. Bonne découverte!

Xuaterc

Xuaterc le 11/11/2020 à 10:18:33

La BO idéale pour 2020 en effet.
Le plaisir de voyager en musique grâce à COREandCO
Biélorussie: https://www.coreandco.fr/chroniques/mora-prokaza-by-chance-7875.html
et même Kyrgyzstan: https://www.coreandco.fr/chroniques/darkestrah-sary-oy-7067.html

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 11/11/2020 à 11:03:23

Et j'ai la chro de Birth of Monolith à faire. BM venu de Sibérie...☺️

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