Pupil Slicer - BLOSSOM

Chronique CD album (46:22)

chronique Pupil Slicer - BLOSSOM

C’était un dimanche, le 2 juin 2024, j’m’en souviens encore. J’arrive à mon bureau au sein de l’impressionnant C&Co Building. C’était vers 10h30, normal, c’était un dimanche. Après avoir gravi les 14 étages à pied (mon côté "Core Éco"), alors que j'étais encore à quelques pas de mon bureau, je ne vois que lui. Un petit carré jaune trônant maladroitement au milieu de mon écran, peinturluré d’une écriture rageuse au marqueur rouge. Le message était lapidaire: "Tes fesses…Mon bureau". C’était le Patron, ça! Et ça sentait pas bon même si je savais pas quelle était la raison de cette convocation. Et là, ça me revient…Ca devait être ma semaine…

Que je vous explique: chaque dimanche, le patron se faisait livrer une caisse de bières par un membre de l’équipe. Et fallait pas se gourer dans le choix de la bibine parce que sinon le patron, il se mettait en boule. Du coup, on a fait la méthode à Gilles avec un planning et tout, et on tourne. Il y a 3 semaines, c’était Pingouins, lui, il oubliait jamais son tour et il tapait toujours juste question choix de boissons. La semaine d’après, c’était Tookie, un connaisseur aussi et la semaine dernière, c’était CGlaume qui s’en était occupé. D’ailleurs, ça s’était mal passé. Ce fou avait fait son malin en remplaçant les étiquettes d’une caisse de "Kwak" par "Nawak". Il s’était cassé le cul à redessiner parfaitement les lettres, c’était vachement bien fait du reste, l’a toujours été doué pour manipuler les lettres l’autre lapinou, sauf que l’patron, il l’avait pas apprécié le jeu d’mot, mais j’en dis pas plus, faut épargner les sensibles et c’est Dimanche. En tout cas, le lapin, il a fait le malin et il est tombé dans le ravin.

Du coup...Tookie...Pingouins...Cglaume..Saperlilopette, effectivement, c’était peut-être mon tour à moins que...Bah, le seul moyen, c’était encore d’y aller voir. Tant pis, c’est dimanche, je suis pas croyant mais on sait jamais, p’t’etre que, pour une fois, le barbu est pas en train de se faire un rapido au PMU pendant qu'une de ses ouailles va se faire dézinguer le comptoir. Le courage dans les deux mains, et les mains dans les deux poches, j’y allais...

 

Le patron, il était déjà dans son antre, parce que son bureau, c’était pas une pièce, c’était un concept d’intérieur, de quoi transformer Valérie Damido en Philippe Etchebest avec surplus de barbe. Les fenêtres étaient couvertes de posters moisis de groupes rendus inconnus par les jaunissures du temps sur l’papier. On savait pas si des piles de cd, de cassettes et de vinyles s’appuyaient sous son bureau ou si c’était l’inverse mais ça tenait, y en avait même au dessus mais ça bronchait pas, c’était lui le patron, même les meubles le savaient.

Les murs étaient couverts de flyers, de tickets de concerts dans un inconcevable patchwork bordélique mais dont il pouvait parler pendant des heures même quand personne n’était là pour l’écouter, il s’en foutait, il racontait tout ça au silence qui fermait bien sa gueule quand le taulier parlait.

Exactement face à son bureau, sur un mur, une petite vitrine ouverte contenaient des bouteilles vides. Chacune avait touché les lèvres d’un artiste dont le nom s’exposait fièrement sur un petit présentoir en papier mal griffonné. Il fallait au moins bien ça pour exposer la dernière bouteille de Kronenbourg de Jeff Hanneman, la dernière de Jack de Lemmy, une autre de Pepto Bismol ayant appartenu à Dio...Une vraie bouteillothèque. Ce devait être le seul coin (à peu près) propre et (grosso merdo) entretenu de la pièce.

Ah si, il y en avait un autre: le devant de son bureau où s'exposait sa deuxième collection. Une collection de…boules à neiges. Oui! De boules à neige. T’en reviens pas ? Moi, non plus. Mais gaffe à pas se foutre de sa gueule et de l’taxer d’être kitchos le daron, c’est qu’c’est pas de la boule à neige de grand-mère avec Papa Ours en train de coïter avec Maman Ecureuil. Non, on était plutôt dans le genre crane, squelette, grosse moto et femme à poil avec une épée en guise de maillot de bain. Le patron était devenu un espèce de chasseurs de ces pokemons d’un autre temps plus ou moins estampillés metal que même dans les coins les plus gringe du Hellfest, t’as pas. En secret, toute la rédac' se foutaient bien "des boules du patrons" mais on le faisait par derrière…vraiment très loin derrière...

 

Il m’accueilla avec son plus beau sourire, celui où ses dents couleurs sang se mélangeaient cramoisement avec ses gencives couleur tabac...Il tira plus vite son ombre:

  • Hey, joyeux anniversaire mon con !
  • Bah, patron ! C’est pas mon anniversaire. Je suis né le 8...
  • Ferme-là, tête d’huitre. Je sais bien que c’est pas ton anniversaire même si chépa quand t’es né et d’ailleurs j’m’en cogne….
  • Désolé Patron...
  • Bah y a intérêt parce que tu as sévèrement merdé. Tu sais pas ce qu’il s’est passé y a un an tout pile, hein mon gros sac de bile ?

 

On était le 2 juin...Un anniversaire?...Alors, il y a bien celui de Wentworth Miller, mais je doutasse que le patron savait que je connaissais sa passion secrète pour le charme de cet acteur...
 

  • J’avoue que là, je sèche Patron...
  • C’est pas une question du gland. Evidemment que tu sèches vu que t'es ici…

 

Il inspira...Mais n’expira pas. Ca dura quand même quelques secondes avant qu’il ne lâche tranquillement une infime expiration. Rougi par ce soupir à sens unique, il s’adressa à ses boules à neige dans un crescendo condescendant.
 

  • Le corniaud... Il sait pas ! Il sait pas…et il fait son naïf !!
     
  1. Il me regarda fixement une bonne dizaine de secondes, pris une de ces ridicules boules à neige et l’envoya valser contre la vitrine à bouteilles. Paf ! Il éclata celle de Jonathan Davis qui se délita dans un bruit aussi geignant que gênant. Ses yeux ne m’avait pas quitté, ils étaient juste un peu plus écarlates qu’il y a 15 secondes ce qui n’était pas sans m’inquiéter.
     
  • Le 2 juin...Le 2 juin 2023, c’est le jour de la sortie de Blossom, le deuxième album de...
  • ...Pupil Slicer !
  • Exactement, face de croûte ! Et qui c’est qui s’est touché le cornichon pendant 1 an et qui m’a toujours pas envoyé sa chro. C’est qui ? C’est qui le vilain morveux?

 

Effectivement, ça me revenait maintenant. Il allait falloir jouer serrer pour protéger mes arrières. Je déglutis…Sans succès. 
 

  • Oui... … Alors… …Donc...Alors, oui donc, en fait, je pensais que c’était Pingouins qui s’en occuperait…

 

De rouge humide, il passa à un cramoisi dégoulinant, attrapa une deuxième boule et DZING, adieu la bouteille de Dio. Une odeur louche envahit la pièce. 
 

  • Mais quelle grosse balance ! Avec ses petits copains en plus. Non mais tu te prends pour qui ? Tu te prends pour moi c’est ça? 
  • Ah non, pas du tout, mais bon, comme c’est un album de mathcore, je m’étais dit, tout ça, Pingouins.. avec un peu de bagarre en plus, l’aime bien la bagarre Pingouins !! 
  • Alors, je t’arrête toute de suite mon con. Déjà, c’est bien plus qu’un album de mathcore et y a un peu plus que "un peu de bagarre"...
  • Ouais, enfin il est quand même très proche du premier, peut-être un peu moins direct…
  • Moins direct ?...Moins direct ! 

 

Il se saisit d’une superbe boule qui représentait un squelette ridicule avec un haut de forme ridicule sur une moto ridicule et SCHBLEUM, il éclata la bouteille de Jack de Lemmy dans laquelle il restait un peu de liquide qui laissa sur le mur une belle tâche verrolée. Pas certain qu’on l’oublie de sitôt celle-là.

 

  • Il n’est pas moins direct, il est plus travaillé. Si tu avais deux sous de jugeote, tu aurais compris qu’ils n’ont pas voulu refaire un Mirrors 2. Ils ont fait quelque chose de plus progressif, plus expérimental mais pas expérimental comme les groupes de l’autre lapinou trafiqueur de bière. Pupil Slicer s’est essayé à des styles, de l’electro, de la pop, de l’émo, mais a plutôt bien réussi à les incorporant à la violence de leur mathcore originel, c’est des petites touches que t’as pas vu, grosse tâche !
  • Wah, vu comme ça, effectivement. Mais bon, la voix, elle n’est plus trop mathcore…’fin elle est cheloue, non?

 

Il se redressa d’un coup. Me refit le coup du soupir à sens unique mais dans l’autre sens, agrippa une boule qui fouetta l’air avant d’atteindre une bouteille de Coca signée de Taylor Hawkins qui se brisa avec un certain groove.
 

  • La voix, rond de cul, c’est justement une des autres aspects hyper intéressants de Pupil Slicer. On est pas sur du scream mathcore, on est presque sur quelques choses de black, quelque chose qui vient des tripes mais celles qui sont bileuses, on est pas dans la technique, on est dans l’authentique. Et sur Blossom, Katie a réussi à aborder les parties vocales avec plus de variétés en mixant intelligemment des voix très énervées avec d’autres douces et c’est un mélange ultra savoureux. C’est un point sur lequel elle a passé du temps et ça s’entend. L’approche vocal a été refléchi et c’est un album de mathcore, certes, mais ici, la musique est réellement un support des voix, elle est à son service alors que c’est plus facilement l’inverse dans ce style. Et même côté texte, elle a bossé, elle, et s’est inspiré de toutes une pile de références vidéos ou vidéos-ludiques comme Final Fantasy XIV, Event Horizon, Silent Hill, Dead Space...Et si tu avais remarqué tout ça, tête de flanc, tu aurais peut-être fait attention à un autre aspect très bon de ce skeud ?
  • La pochette ? Elle est joli la pochette. ‘fin moi j’aime bien. Ca fait un peu jeu vidéo, c’est vrai maintenant qu’vous l’dites patron.
  • Mais non, bougre de chiasse, on s’en fout de la pochette. ‘fin, non, on s’en fout pas mais là, c’est le cadet de nos souci. Non, tu vois, le mathcore, ça peut facile virer gnagna gnangnan. Tu as écouté le dernier Kaonashi? Bon, p’t’être que l’autre, il a mué mais bon, abusé! Moi, le gnagna gnangnan, j'aime pas, ça m’donne envie de me brosser les dents. Mais là, c’t’album, c’est la preuve que tu peux incorporer des trucs softy sans que ça te pète l’ambiance. Y a pas beaucoup de groupes qui arrivent a faire ça avec autant de finesse d’écriture, sans se trahir ni trahir leur public.
  • Ah ouais , genre Linkin Park? Ouais, je vois, j’aimais bien ça…

 

Je me mis à chantonner...

 

Il se saisit d’une boule, un modèle très rare avec Ben Barbaud en train de danser avec Christine Boutin. Ce couple improbable finit ses jours dans THE bouteille de la collection, celle de Dimebag Darell, dont la date de péremption affichait 2004-12-08. Une relique en moins…Une belle...Il fallait réagir…

 

  • Non mais Patron, vous inquiétez pas, je vais le pondre ce papier. J’ai compris l’affaire...


Le patron saisit, par réflexe, une boule d’une main aussi crispée que son visage à l’écarlate fureur. Il était prêt à striker mais cette fois, sa visée laser, invisible, me pointait, je le savais. Je continuais...

 

  • C’est un album dans lequel on retrouve les composantes du premier, donc c’est du mathcore mais très progy dans l’approche d’écriture plus que dans le rendu, il y a des incursions stylistiques qui permettent de varier le propos, d’apporter une autre dimension au chaos qui n’est ici ni la direction, ni la route, ni la conduite, ni le véhicule mais fait carrément parti du voyage. Ajoutons que l’approche vocale est hyper intéressante pour le style et constitue la deuxième évolution, la deuxième preuve de cette nouvelle maturité du groupe. Le son de la production est top et rend parfaitement bien l’équilibre de ces morceaux chaotique plein de pépites emo/pop/trip-hop/ambiant sucrées...Et je vais aussi insister sur la poch...

 

La porte frappa. Trois coups secs qui mirent un terme à ma tentative desespérée de me rattraper. Le patron dont la nervosité imprégnait l’air, comme par réflexe, envoya valser la boule une dernière fois dans la vitrine. Adieu, la bouteille d’Hanneman….Une araignée qui avait élu domicile dedans s’en échappa. Saloperie, j’ai jamais aimé les araignées. Crom Cruach qui était rentré pile au moment où la boule éclata la bouteille, se retrouva avec la joue très finement entaillée par un éclat. Il sourit malicieusement et du revers de sa main gauche, essuya le sang qui coulait en un fin filet, le sucotta avec une tendresse entantine, haussa les épaules et entra.

 

  • Salut les caves! J’amène la bière du patron. J’ai pris un pack

 

Un pack? Un pack de 1664! ..Un pack de 64 1664. Mais oui, c’était la semaine de Cromy, il nous avait dit ça avant hier, "J’vais pas non plus m’faire chier pour l’autre croutard, je lui prendrai des 16 quitte à prendre la porte".
Il vit la couleur épidermique de la tête de son boss, la mienne livide, la pièce jonchée de verrerie historique et compris que c’était pas le moment de faire le viking syndicaliste qui en a ras le casque.

 

  • Où qu’j’les pose ?

 

Le patron souffla, enfin, mais sans perdre en rougeur...

 

  • Tu les poses pas Cromy, tu me les amènes ici, tu les poses et tu emmènes avec toi l’espèce de chrolooser qui est devant moi.

 

Libre, j'étais libre. Je me levais fissa et vis l'album du dernier Cattle Decapitation sur son bureau. Meeeeerrrde. Je regardais Cromy qui avait vu l'album lui aussi, il savait que j'étais dessus...Et que j'allais encore prendre cher la semaine prochaine !

 

Il me tapotta l'épaule et m'entraînas vers la sortie, pleine d'une belle lumière.

 

  • Toi, tu as encore confondu crust et hardcore ? T'inquiètes le Cattle, on le fera ensemble un jour, gamin!

 

Je passais la porte, toute l'équipe était arrivée, Pingouins avaient préparé du café, du thé et plein d'autres boissons, Papy Cyril testait ses blagues du jour sur Xuaterc qui n’était pas assez avant-gardiste pour toutes les comprendre, Seisachtheion présentait les nouvelles affiches de la prochaine Seisach Metal Night à Pidji, CGlaume avait ramené des croissants au camembert, Moland montrait ses derniers clichés à Vincent, et Aldorus Berthier avait mis Blossom, le dernier Pupil Slicer dans la Boombox de la rédac. Quel album, quelle équipe et quel patron. Bref, ça allait être un dimanche magnifique comme un deuxième album de Pupil Slicer. Vivement le prochain!

photo de 8oris
le 15/07/2024

7 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 15/07/2024 à 11:42:40

Hein ? Non... KWAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa....

SPROUTCH !

cglaume

cglaume le 15/07/2024 à 11:42:49

(me suis bien marré haha)

Pingouins

Pingouins le 15/07/2024 à 12:35:50

Pour ta défense à un moment je l'avais effectivement dans les tiroirs, et puis.... pas le temps :D.
Je suis moins convaincu que toi par l'approche plus soft, qui prend un poil trop de place, mais ça reste cohérent quand même 

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 15/07/2024 à 14:48:38

Et ça bien sûr c'était juste après que j'avais passé le dernier Squid Pisser, mais ce détail-là l'Histoire a préféré le passer sous silence

Pingouins

Pingouins le 15/07/2024 à 19:41:20

C'est vrai que c'est rigolo squid pisser aussi.
Bon du coup je me réécoute ce Pupil Slicer pour la première fois depuis quelques mois et il est quand même cool, même si quand même bien plus lissé (avec une oreille habituée quand même hein) qu'un Mirrors.

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 15/07/2024 à 23:00:02

J'ai fait pareil, en plus c'était sur ma JBL pendant un apéro. Un visionnaire, ce 8oris. 

jvice

jvice le 19/07/2024 à 08:55:55

Album très faible par rapport au précèdent, trop de manières et moins de rage

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anonyme


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