Ropes Inside A Hole - A Man And His Nature
Chronique CD album (45:55)

- Style
Post-rock metallisé - Label(s)
Shove Records / Voice of the Unheard - Date de sortie
10 janvier 2023 - écouter via bandcamp
Derrière ce nom qui inspire bon la joie de vivre et qu'on imagine volontiers être originaire de fort grises contrées se cache en réalité une formation originaire de Bologne en Italie, assistée d'un supplément suédois derrière le micro, en la personne de Daniel Loefgren, officiant déjà chez Suffocate For Fuck Sake (dont le dernier album est sorti en 2021, pour celles et ceux que ça intéresse).
Et avant toute chose et en guise d'avertissement, je dois vous dire que si vous ne jurez que par les vocaux crachotants, glairants et vrombissants, vous pouvez passer votre chemin, ce type d'éructations étant totalement inexistantes sur cet album.
En effet, Ropes Inside A Hole, au nom donc finalement assez raccord avec la nebbia (la brume) qui enveloppe la région de la pianura padana, dont Bologne fait partie, posent sur cet album leur interprétation d'un post-rock désabusé, jusque dans les titres tristounes des morceaux, mais aussi métalisé (avec notamment un usage occasionnel de double-pédale, pas si commun dans le style), avec des influences qui semblent assez évidentes d'Isis (et notamment les sections aériennes d'Oceanic et Panopticon) en une version modernisée, assez proche de ce que font par ailleurs les Suisses de When Icarus Falls, avec de longues plages instrumentales aux arrangements souvent très travaillés et un chant qui n'intervient que parcimonieusement, par à-coups. Mais comme on le disait plus haut, exclusivement clair.
Il y a sur cet album A Man and His Nature quelque chose qui pousse à l'abandon, à se laisser se perdre dans sa mélancolie, et le côté toujours très discret du chant ajoute à ce côté introspectif. De plus, le groupe a l'intelligence d'alterner les pistes comportant du chant avec d'autres totalement instrumentaux, parvenant à insuffler assez de renouveau entre leurs morceaux pour ne pas perdre ou lasser son auditoire. Ce qui, à l'inverse de ce qui se passait avec Suffocate For Fuck Sake, rend aussi ce chant clair plus digeste en ce qui me concerne.
On notera par exemple la belle tension qui s'installe sur la fin de « Loss and Grief » avec le retour de la distorsion et de l'usage parcimonieux de la double pédale, ou l'intéressant et relativement inattendu saxophone (par le jazzman William Suvanne ) qui hante « Feet in The Swamp, Gaze to the Sky », ou encore quelques parties plus portées sur la distorsion et une approche un peu plus rentre-dedans (le début d' « Overwhelmed », entre autres) qui pourra satisfaire celles et ceux qui d'habitude se cantonnent à un post-rock plus aérien, et pourront là avoir l'impression de pouvoir dire « ouais, j'écoute des trucs pas gentils », comme un premier pas vers le grindcore (ok, il reste encore une belle rando encore pour arriver jusque-là). Un autre élément d'intérêt, selon moi, est qu'en se permettant d'aller jusqu'à des sonorités métalliques, le groupe pousse un peu plus loin qu'à l'accoutumée les classiques montées aériennes du post-rock.
C'est en partie du fait de la distance provoquée par le confinement que RIAH, en plus de leur évolution de line-up, ont composé cet album avec un autre oeil et d'autres idées, et aussi ce qui leur a permis de travailler avec d'autres artistes, qu'on retrouve ici invités : Suvanne au saxo, on l'a déjà évoqué, mais aussi le violon de Hernan Paulitti, le violoncelle de Francesco "Fresco" Cellini ou les claviers de Mohammed Ashfarf. Ce n'est pas pour rien si le premier morceau se nomme « Distance ».
Bref, avec A Man and His Nature, Ropes Inside A Hole font en sorte de se creuser leur petit trou, ce qui n'est pas aisé dans un style où l'on a souvent des sentiments de redite ou a minima de similitudes exacerbées. Peut-être est-ce du au fait que je n'ai pas une connaissance très pointue du monde du post-rock, mais il m'a semblé tout de même que les Italiens (et le Suédois) avaient quelque chose porteur d'un réel intérêt à offrir, et j'espère que celles et ceux qui naviguent depuis plus longtemps dans ces eaux-ci pourront confirmer ou infirmer, en tout cas préciser, ces quelques impressions.
Personnellement, je conseillerais volontiers de l'écouter, car il est bien construit, la production est parfaite, très propre conformément au style, et malgré tout assez lourde pour être prenante.
Vous qui vous y connaissez mieux, faites vous entendre !
A écouter avec en bouche les relents d'amertume d'un café noir, noir comme le monde que l'on voit passer devant sa fenêtre et qu'on a la flemme d'aller rejoindre.
3 COMMENTAIRES
el gep le 27/01/2023 à 20:42:29
Belle conclusion, encore.
Suffocate For Fuck Sake est un super nom de groupe, sinon. Allitérations et assonances et en plus c'est à la fois drôle et légèrement malsain.
En est-il de même de leur musique ? Only Fuck knows... Tant qu't'écoutes pas...
cglaume le 27/01/2023 à 21:12:56
« Suffocate For Fuck Sake est un super nom de groupe »
J’abonde dans ton sens (… c’est moi ou cette expression a un sens caché particulièrement fripon ?)
Pingouins le 28/01/2023 à 16:55:59
Merci Gep !
SFFS le nom est chouette oui ! J'ai jamais réussi à vraiment rentrer dedans par contre, même si je trouve que l'intégration très régulière de spoken word est une bonne idée.
Cglaume: ça dépend si le saké t'excite :p
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