Scorn - Winds of torment
Chronique CD album (37:39)

- Style
Death / Thrash - Label(s)
Great Dane Records - Date de sortie
25 mars 2022 - écouter via bandcamp
C’est malheureux, mais c’est un fait : il est relativement rare que les envois promotionnels en provenance du label Great Dane Records provoquent en moi ces excès d’euphorie caractéristiques du Roger Rabbit recevant sur le museau la lingerie de Jessica. Il y a bien quelques exceptions, étiquetées Carcariass, Exocrine ou Recueil Morbide, mais elles sont rares. Les probabilités étaient donc faibles pour que, en ce 27 mars 2022 déjà lointain, l'arrivée d'un email sobrement intitulé « review sumission » provoque en moi ce genre de fiévreux frétillements. Encore moins probable était l'éventualité que de telles bouffées de chaleur puissent être provoquées non pas par le fort potentiel de l’une des nouvelles sorties vantée par cette écurie nordique, mais carrément par celui des deux albums promus au sein de cette unique missive électronique. Et pourtant, crénom, c'est ce qui arriva. On vous a déjà parlé du croustillant mélange mélo-brutal du premier de ceux-ci – Terrified Beyond Measure de Gorebringer... Il est à présent temps de s'intéresser à son collègue de promo, Winds of Torment, première émanation des gaillards de Scorn.
Alors j’imagine que chacun des papiers consacrés à cet album a dû se fendre du même avertissement préalable : non, il ne s’agit pas ici du groupe Indus piloté par Mick Harris, prédécesseur de Danny Herrera derrière les fûts de Napalm Death. Ce Scorn-ci est un petit nouveau venu dans le monde du Death/Thrash. A noter que malgré ce statut de bleu-bite, il comporte en ses rangs quelques notables vieux de la vieille – dont Tony Vayo, batteur d’un autre groupe greatdanien chroniqué en nos pages (Red Dead), et Guillaume Perraudeau, ex-guitariste de Psychobolia et Outcast.
… Et toute cette expérience accumulée de ressortir avec évidence sur 10 morceaux ramassés et claquant méchamment le beignet, en apparence bruts de chez brutaux et sans détours, mais en vérité affutés comme des lames de katana. De ce point de vue « Let Me See Your Blood » met tout de suite les poings sur les i en même temps que dans nos gueules : le message est limpide, on va servir de punching-ball au groupe. Mais la volée de bois vert n’est pas administrée par des bourrins écervelés. Certes les coups pleuvent, secs, extrêmement précis, visant les points névralgiques, mais le tout est effectué dans le cadre d’une chorégraphie qui – si elle vise avant tout l’efficacité – est manifestement le fruit d’une véritable recherche de sophistication, et ne dédaigne l’importance ni de l’esthétique, ni des détails. Bref, c’est virulent, mais également exigeant. De ce point de vue le groupe devrait plaire aux fans d’Algebra.
Et nos amis ont suffisamment de souffle pour que la bastonnade reste intense durant les 38 minutes que dure l’album. Si leur mélange de Thrash et de Death se concentre la plupart du temps sur le diptyque agression & précision, les solos, passages groovy et plans plus particulièrement juteux permettent de tout le temps remettre du charbon dans la machine afin de garder intacte l'attention. On apprécie que le groupe réaffirme son goût pour le vite-fait-bien-fait via « Scorn », un « You Suffer » maison condensant en 13 secondes leur vision du Metal. On aime également sentir la forte influence de Cannibal Corpse époque Georges Fisher sur la première partie de « Despondency » (ce débit, ces gimmicks de la lead, ce déroulé inexorable à partir de 1:38…). Et on valide l’ensemble de la démarche sur un morceau-titre tendu, mouvant, toujours sur le qui-vive, dense et cinglant – une démonstration de savoir-faire, en somme.
OK, Scorn n’a pas la trempe des grands défricheurs de terres vierges, ni une personnalité susceptible de marquer durablement les esprits à l'international. Il s’agit plutôt d’un artisan méticuleux proposant le meilleur de ce qui se fait dans son domaine, ceci juste au coin de la rue – consommons local que diable ! Il est par ailleurs vrai que notre « Meilleur ouvrier de France » a laissé quelques pistes plus mornes – ou disons moins grisantes – se glisser dans la tracklist, telles « The Urge to Kill » et « The Horde » (... au début pourtant assez engageant). Pour autant il s’agit clairement de l’un de ces petits groupes précieux qui parlera à tout ceux qui sont en quête d’authenticité, de brutalité maîtrisée et de technicité contrôlée.
La chronique, version courte: Virulent, sec, impitoyable… Et pourtant chiadé, pour ne pas dire joliment technique parfois : le Death/Thrash de Scorn ne joue pas l’esbroufe. Il est plus l’œuvre de boxeurs que de fleurettistes, mais de boxeurs portant leurs coups au cours d’une chorégraphie aussi belle que savante, élégante sans jamais sacrifier l'efficacité sur l'autel de la dentelle inutile. Pouvant évoquer, selon la couleur et le morceau, aussi bien Algebra que Cannibal Corpse, le quatuor français ne bouleverse pas le quotidien du thrasheur moyen, mais lui rappelle pourquoi il aime cette musique aussi impitoyable que chirurgicale.
3 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 06/03/2023 à 09:44:54
Ouh ben dis donc, m'en vais testé ça, boudiou !
Crom-Cruach le 06/03/2023 à 16:52:44
C'est bien rugueux comme j'aime.
cglaume le 06/03/2023 à 17:14:30
Ça ne me surprend pas outre mesure 🙂
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