Senshi - Rise Again
Chronique CD album (41:34)

- Style
Ragga Metal japanophile - Label(s)
Hi-PLY Records - Date de sortie
25 mars 2023 - Lieu d'enregistrement Grasshopper Sound Studio
écouter "Evil In Dem Eyes"
Ils sont les seuls dans ce créneau, et ils sont de retour. Sans que leur style ait évolué du moindre poil. « Ils », ce sont les Serbes de Senshi – si vous n'aviez pas deviné, abandonnez votre projet de participer à Questions Pour Un Champion. Le style en question, c'est un improbable mélange de Metal moshy, de Reggae raggamuffinisant et de musique traditionnelle japonaise, débité en petites tranches pimentées dépassant rarement les 4 minutes. Quant au poil dont ils n'ont pas bougé, il faudra l'extraire à la dur des dreadlocks d'Adam Rakic, le šamouraï en chef de ce rugissant dojo, car vous le savez sans doute : ce n'est pas un matériau très toléré dans les mangas, même les plus hentai. L'immobilisme artistique dont témoigne Rise Again – parfaitement justifié, vu que les loustics ont bâti eux-mêmes cette niche stylistique à la force des pognes – devrait ravir les amateurs de Senshi No Seishin, l'album de 2018. Car non contents d'explorer plus à fond les possibilités de ce métissage qu'on pourrait croire conçu pour déclencher des spasmes épileptiques chez les adeptes du Necro-Black nihiliste tant les deux esthétiques sont aux antipodes l'une de l'autre, cette fois nos apprentis kenshis maîtrisent mieux leur art, dosent mieux les ingrédients, et marquent donc plus fort esprits et oreilles.
Mais passons de la théorie à la pratique en pénétrant sur le tatami de « The Fall ». Pluie fine, bruits de lames qui se croisent, halètements de guerriers, cordes traditionnelles égrenant leur mélopée pincée : bienvenue dans l'école Senshi, enfilez votre kimono, le sensei ne devrait plus tarder. Tiens, le voilà qui arrive avec le morceau-titre : ragga-bagout intarissable, riffs Néo/Thrash, flûtiau qui dispute un peu d'espace au shamisen, parenthèse Dub planante, touche pop nipponne, mosh part grassouillette... Vous avez demandé le menu ? On vous apporte la carte ! Emblématique, bonnard, coloré, il manque pourtant au morceau ce je-ne-sais-quoi qui en ferait la tuerie ultime permettant au skeud d’accéder sans tricher au cercle de nos amis discographiques les plus intimes. Heureusement il ne sera pas besoin d'aller plus loin que la 3e piste pour que « Evil in Dem Eyes » joue ce rôle de passeport pour le cœur. Plus Ragga encore que son prédécesseur, le morceau empreinte une voie un peu plus punky afin d'achever de nous convaincre, tout en ayant la main plus lourde sur la gouaille et le gras Néo. Carton plein, on tient là le parfait titre-étendard !
Mais il n'est pas le seul de son espèce. « Hold On Tight », quoiqu'un peu plus tortueux (toutes proportions gardées), marque lui aussi de nombreux points. Grâce à un refrain qui fait dans les détours sexy, à une belle guitare lead tranchante – doublée, afin de maximiser son impact –, mais aussi grâce à un break croustillant qui s'offre un détour joliment funky. Plus épique, plus mélancolique également, bien que cavalant à cru sur les pentes du mont Fuji, « Piece of Light » conclut l'album par un dernier moment fort laissant dans la tête de l'auditeur un cocktail de saveurs pétillantes qui, telle la dernière cuillère de Nutella-promis-juré, déclenche une grosse envie de reviens-y. Et chaque titre de contribuer à cette bonne impression finale, tantôt en rajoutant du scratch et des rythmiques « jungle » à la sauce moshy (« Chaos In My Soul »), tantôt en jouant une carte chiptune particulièrement appropriée dans ce contexte (« Famicore Killer »), tantôt en dégainant des « Ladidadidam Ladidadidam Hééé ! » vicieusement mémorables (« Shibuya Meltdown »).
Alors oui, c’est vrai, les couplets systématiquement tartinés de gimmicks raggrassement clichés finissent par installer un certain sentiment de redondance. C’est vrai aussi : on n’est pas sûr de comprendre l’intérêt de ces multiples featurings dont on a du mal à percevoir l’impact tant l’album est d’une homogénéité sans faille. Mais – outre les nombreux moments kiffants que l’album réserve, listés en partie ci-dessus – ces quelques relatives faiblesses sont compensées par l’absence totale de pistes moisies, et l’abondance des refrains accrocheurs.
Alors non, pas de miracle, Rise Again ne convaincra pas ceux qui n'avaient daigné s'enquérir du contenu de Senshi No Seishin qu'avec une pince à linge sur le nez (… mais pourquoi se soucier d'aussi vils personnages ?). En revanche il pourrait bien faire basculer ceux qui étaient restés au bord du « Prometteur, vraiment, mais il manque un truc » dans le grand tourbillon du « De dieu que c'est bon mon cochooooon ! ». Et pour les Fusion-addicts qui se retrouvèrent convaincus dès le round #1, en plus de provoquer un grand sourire appréciateur, celui-ci constituera l'entrée idéale avant de s'attaquer au plat de résistance Smile, nouvel album de Skindred attendu pour le début août prochain. D'ailleurs, en même temps que l’appétit, Rise Again ravive également une question ancienne : aura-t-on un jour à nouveau des nouvelles de Ninjaspy ?
La chronique, version courte: tout comme Senshi No Seishin avant lui, Rise Again mélange avec gourmandise les chapelles Ragga (-muffin ou non), Metal (Néo/Thrash/Punk/Meshultura) et Jap’ tradi’ (samishen, kimonos & pikachu). Mais en amenant le résultat un cran plus loin en termes d’accroche, de fluidité et d’impact. En 2018, Senshi marquait des points ; en 2023, Senshi va marquer les esprits.
6 COMMENTAIRES
sepulturastaman le 02/06/2023 à 08:27:05
On aurait eu ce disque il y a 25 ans on aurait été gue-din (message avec des vrais bouts d'il y a 25 ans)
cglaume le 02/06/2023 à 08:34:07
Mais je suis gue-din :D
Moland le 02/06/2023 à 10:02:36
"Moshy moshy" (Claude François)
cglaume le 02/06/2023 à 11:58:00
🤣
noideaforid le 03/06/2023 à 16:01:02
Merci lapin pour la chronique! Mon radar avait complètement zappé la sortie de cette galette ! 5 ans déjà... M'avait bien marqué sur le moment l'album précédent. Puis totalement oublié le groupe depuis... Le smile pour ce début de weekend
cglaume le 03/06/2023 à 16:08:28
En plus il fait beau, c’est idéal 🤘🤘☀️☀️
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