Slomosa - Tundra Rock
Chronique CD album (38:17)

- Style
Feelgood stoner rock - Label(s)
Stickman Records - Date de sortie
13 septembre 2024 - écouter via bandcamp
Ils avaient explosé dès leur tout premier album avec le désormais emblématique chameau sur fond noir de la pochette. Un galop d’essai immédiatement élevé au rang de classique dans le monde du stoner, proposant des chapelets de tubes parmi lesquels « Horses » dont le titre génère, depuis, moult memes et clins d’œil sur les réseaux sociaux dès que l’occasion se présente, c’est-à-dire dès qu’on croise sur son chemin une devanture de magasin faisant référence à l’animal, par exemple, jusqu’à pousser les fans à se présenter en concert coiffés d’un masque de canasson. Depuis, les Norvégiens n’ont cessé d’écumer les festivals, du Hellfest au Desertfest Antwerp, en passant par les quatre coins de l’Europe, en compagnie de cadors du genre comme Sasquatch. A l’heure où nous bouclons cette chronique ultime, le quatuor qui vient d’intégrer le label de Elder, se trouve en pleine conquête des Etats-Unis. Sacrée success story ! Méritée, tant le groupe apporte un vent de fraîcheur à la scène stoner mondiale. Si vous ne les connaissez pas encore, c’est le moment de combler cette lacune à l’occasion de la sortie de leur second opus : Tundra Rock. Msieudames : Slomosa.
Slomosa compte parmi ces groupes qui, sans révolutionner le genre, sans chercher à cacher leurs influences, sans prétendre à l’originalité, parviennent à se construire paradoxalement une identité propre, à soigner leur son et surtout, à séduire sans passer par de vains détours. En clair, la troupe de Bergen possède un sens redoutable du riffing, à la fois puissant et entraînant ; de la mélodie, de celle qui s’imprime immédiatement dans l’esprit sans affèterie ; et le tout habité par un groove insensé qui, s’il se ressent sur les versions studio des chansons, prend tout son sens sur les planches. Car il convient de voir le groupe en live pour se rendre compte de l’efficacité de sa musique, en cela qu’il faut être paraplégique, sourd, ou pas du tout amateur de wock’n’woll de bon aloi pour rester statique : un concert de Slomosa vous donne irrépressiblement et littéralement envie de danser, de communier avec vos voisins et avec les musiciens, le sourire aux lèvres et les cheveux dans le vent. La voix claire de Benjamin Berdous, le guitariste-chanteur, qui rappelle celle de Dexter Holland, le chanteur de The Offspring, donne corps aux mélodies, tandis que ses acolytes, sans se perdre dans des soli à rallonge (certains titres n’en comportent tout bonnement aucun) ni dans des ruptures alambiquées, entraînent l’auditeur en allant à l’essentiel. Mais jamais sans se déprendre de subtils arrangements. Au rayon des gimmicks dans leurs compositions, on notera cette maîtrise des relances, des pauses instantanées comme lorsqu’on reprend son souffle pour repartir de plus belle, et cette façon de faire monter la sauce pour maintenir l’intensité du groove. Témoin, sur le 1e album, le passage basse/batterie au milieu de « Scavengers » qui reprend la même dynamique que celle de ses premières mesures.
Avec un tel coup de maître, l’attente du second album s’avère fébrile. Comment se renouveler, continuer à surprendre, sans se perdre ni décevoir ? Les premiers extraits distillés avant la sortie rassuraient et intriguaient à la fois. En effet, on savait que figurerait dans la tracklist « Cabin fever », un titre datant et écarté du 1e album, mais que le groupe jouait déjà en live. C’est d’ailleurs avec ce titre que Slomosa avait ouvert son concert au Hellfest. On pouvait donc espérer une certaine forme de continuité. Mais le groupe avait également dévoilé 2 chansons explorant davantage l’univers de la pop : « Rice » (qui se construit tout de même sur des riffs musclés) et ses mélodies vocales plus posées et surtout « Battlling guns » (et son passage central laissant la basse de Marie Moe s’exprimer pleinement) qui semble lorgner du côté du rock plus mainstream. A l’écoute de l’album, ces 2 chansons qui se démarquent de la tracklist du précédent se fondent parfaitement dans l’ensemble, ce qui laisse présager d’une évolution future de la musique du groupe, en toute fluidité. Et donc, autant l’affirmer ici : de par sa variété, Tundra Rock s’avère aussi bon que son prédécesseur, voire meilleur, et participe dès sa sortie à l’élévation de 2024 au rang de millésime d’exception. On y retrouve tous les éléments qui nourrissent le pouvoir de séduction de la musique de Slomosa déjà listés plus haut : un sens du riffing hors-pair, des mélodies amènes et un groove omniprésent, le tout vous foutant la banane.
Déjà forts de l’expérience accumulée durant les quelques années qui séparent les 2 albums, les bougres construisent intelligemment leur album et explorent, expérimentent, osent. Un court instrumental (« Afghansk Rev ») en guise d’intro, qui sent bon le sable irradié du désert, loin des froides forêts et montagnes du pays du black metal, un autre (agrémenté de quelques vocalises) en guise de conclusion (« Dune »), plus nerveux et plus fiévreux, que les connoisseurs pourront considérer comme un bel hommage à la musique des papes du genre : Kyuss. Entre les 2, un interlude de 40 secondes au piano qui sert de rampe de lancement pour « Battling guns » et son riff principal qui sonne comme un moteur lancé à plein régime, un titre qui assume totalement ses influences puisées chez Kyuss et chez Queens of the Stone Age (« MJ »), avec ce je-ne-sais-quoi qui n’appartient qu’à Slomosa, un morceau avec des incursions au chant de Marie Moe (« Red Thundra ») qui, s’il commence avec une nonchalance poppy, ne tarde pas à retrouver le groove chaleureux qui inonde toute la musique du groupe, pour s’envoler dans un final aux airs de fin de concert épique. Et puis, que dire de « Monomann » ? Typiquement le genre de titre dont on relance la lecture à l’envi : courte intro à la basse et à la batterie, bref silence, histoire d’embrayer les vitesses, et la machine se propulse sur une route qui se déploie sous nos yeux, à l’infini, vers un horizon qu’on ne cherche pas à atteindre mais juste à tutoyer. On pense alors à la célèbre citation de Nicolas Bouvier : « un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait. » Cette chanson représente la quintessence de la musique de Slomosa : elle vous prend par la main, vous emporte à sa suite, ou plutôt, en sa compagnie, et ensemble, vous cheminez allègrement sans vous soucier de la destination mais en prenant conscience de chaque parcelle de terrain foulée, du paysage qui vous entoure, et de cette incroyable sensation de vivre pleinement, totalement, l’instant.
11 COMMENTAIRES
Dams le 16/09/2024 à 13:35:14
J'avais vraiment eu un énorme coup de cœur pour le premier album et j'avais apprécié leur concert.
Cet album est bien mais moins accrocheur que le précédent, il lui manque un petit quelque chose il n'a pas ce goût de reviens-y, c'est une légère déception pour moi.
Néanmoins je vais continuer à approfondir cela quand-même.
Thedukilla le 16/09/2024 à 13:59:07
Tout l’opposé pour moi : j’avais bien plus apprécié Horses en live (au Black Lab avec Elder, au DesertFest) qu’en studio (les ayant découvert en live ça avait du jouer).
Pour le coup, ce nouvel album sonne un peu comme une évidence : tout y est clair, rapidement imprimé, ça abuse pas des gimmicks non plus, et les morceaux que j’avais entendu cet été au Rock In Bourlon y perdent beaucoup moins en studio.
Très content de les voir acquérir une stature méritée, hâte de les revoir sur les planches !
Moland le 16/09/2024 à 19:53:44
Dams, c'est 1 groupe qui se vit surtout en live, je trouve, mais je comprends que les choix d'orientation artistiques qu'ils font sur ce second album peuvent dérouter, voire décevoir. Moi, j'aime qu'ils ne restent pas sur leurs acquis sans pour autant se perdre.
Thedukilla : le live à Bourlon était dantesque, surtout quand on sait les galères qu'ils ont subies pour venir. A peine arrivés, ils installent le matos, un bref sound check et bim, ils envoient la sauce. Plug'n'play. Qu'est-ce que j'ai dansé durant ce concert !
Thedukilla le 17/09/2024 à 21:44:06
Plus de 10h sur la route pour aller à Bourlon, faut en vouloir effectivement.
Jolie réactivité du festival aussi, ce qui a permis à Healthyliving de jouer sur la grande scène (mais a un horaire qui a mon sens les a desservi).
Et effectivement dantesque est le mot, j’étais un peu triste pour eux de les voir relégués à l’arrière, et surtout APRÈS un set comme toujours impeccable de 1000 mods. Et ils ont plié le truc, devant un public déjà acquis à leur cause, un vrai beau moment de live.
Moland le 17/09/2024 à 23:25:37
16 heures de galères de transport... et la patate en arrivant. Comme s'ils venaient juste de traverser la rue.
Oui, l'organisation a été au top. Et je suis d'accord pour Healthyliving. Quant à la petite scène, ça leur va bien, je trouve. La foule, bien compacte, a bien kiffé. Quant à 1000Mods, c'était la boucherie, digne d'un concert de thrash metal, tellement le public déversait des vagues de slammeurs sur le service de sécurité. Incroyable. Z'ont remis ça quelques jours plus tard à la Valley du Hellfest.
La prochaine fois, croisons nous !
Thedukilla le 18/09/2024 à 18:32:13
Avec plaisir ! Les bières locales se marient bien avec la bonne compagnie. Et une brochette sauce Biggy.
Tookie le 24/02/2025 à 10:53:50
Découverte un peu tardive de 2024 qui n'a pas eu le temps de se caler dans mon TOP annuel où il aurait mérité une place bien douillette !
Moland le 24/02/2025 à 13:05:42
Tookie : faute professionnelle ! On a envahi des pays pour moins que ça !
pidji le 26/02/2025 à 20:28:34
Du coup je l'ai reecouté plusieurs fois et c'est vrai qu'il est bon !
Aldorus Berthier le 27/02/2025 à 18:20:59
Faut que jle réessaye tiens. M'a un peu fait ronfler à la première écoute 😪
Moland le 27/02/2025 à 22:23:12
Ah ça, Aldo, rien d'original en soi ici, juste de bons riffs, des mélodies avenantes et un groove de malade. Le tout bien équilibré pour paradoxalement créer une personnalité.
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