Spiritbox - Eternal Blue
Chronique CD album (43:12)

- Style
Djent / pop - Label(s)
Pale Chord Records / Rise Records - Date de sortie
17 septembre 2021 - écouter via bandcamp
Si vous suivez un peu l'actualité musicale, vous aurez peut-être déjà vu passer le nom de Spiritbox. Le groupe, dont c'est ici le premier album après un EP plutôt bien accueilli, n'est pas composé de parfait-e-s inconnu-e-s puisque l'on retrouve derrière le mic Courtney LaPlante, qui n'en est pas à son coup d'essai : c'est elle qui avait remplacé Krysta Cameron lorsque cette dernière, enceinte, avait quitté le groupe de nawako-deathcore Iwrestledabearonce, back in the days. Un groupe dont est par ailleurs également issu – sur la fin – le guitariste Mike Stringer.
Spiritbox ont vu leur notoriété bondir très rapidement, notamment par l'effet de la combinaison de l'appel d'air provoqué par l'explosion de Jinjer ces dernières années avec l'essor parallèle des chaînes youtube de réaction à tout et n'importe quoi. Cela du fait du caractère un peu « shocking » pour les néophytes pas vraiment au fait de la réalité, à savoir que oui, le genre féminin aussi peut pousser la gueulante, avoir une grosse voix, growler et avoir toute la boîte à outils dans le coffre de la R5. Et comme on le disait plus haut, Courtney LaPlante n'en est pas à son coup d'essai dans le domaine. Ce n'est clairement pas la plus impressionnante là-dedans, mais elle fait le boulot sans problème.
Ce côté « hype youtube », alimentée par le fait que la plupart des morceaux sont clippés ou livés pour justement jouer sur cette exposition là au public, a fait que leur premier album était, selon plusieurs magazines metal spécialisés, parmi les plus attendus de 2021. De fait, ils ont fait péter les charts US dans le genre, en plus d'avoir une tournée avec Limp Bizkit à l'été 2021, finalement annulée, avec pas mal de dettes en conséquence. Mais cela donne une idée de l'ampleur que le groupe a rapidement pris.
Alors soyons clairs : je supporte souvent très mal les voix claires dans les musiques dites « extrêmes », et cet album en est bourré. Du genre assez bourré pour que vos potes vous prennent vos clés de bagnole pour vous empêcher de prendre le volant. Je ne piffre pas l'usage du vocoder (bien que j'écoute pas mal de rap / hip-hop, mais décidément old-school), et Spiritbox ne sont pas les dernier-e-s à en faire usage (soit ça, soit un lissage extrême en post-prod), même si cela reste souvent discret.
Une fois n'est pas coutume, c'est sur la paire de morceaux du milieu de l'album que je commencerai à parler du contenu : « Silk in the Strings » puis « Holy Roller » avec sa vibe indus, placées en tant que balancier, sont probablement, en plus d'être les plus courtes, les plus rentre-dedans des pistes présentes sur Eternal Blue et – exception sur ce disque – dépourvues de voix claire. C'est donc (tout à fait personnellement) en toute logique la partie que je préfère sur le disque.
Avant et après, si l'album est très largement organisé autour du chant, très mis en avant, on évolue dans une vague plutôt djent du point de vue instrumental, avec une belle basse bien ronde, des structures rythmiques souvent techniques et complexes et en à-coups et une production vraiment très propre. En dehors de ces deux morceau précités, et exception faite du plus brutal et metalcore « Circle With Me » en fin d'album, c'est du côté de la pop qu'il faut aller chercher l'impression rendue par les voix claires, ultra-majoritaires : de nombreux morceaux ne comportent aucune voix hurlée, ou alors totalement attendues derrière un break au cliffhanger peu surprenant, mais tout de même bien réalisés et appréciables.
Les structures générales à refrains contribuent à cet effet pop, mais Spiritbox font tout de même en sorte de varier les plaisirs dans le domaine, un peu plus dark et vaguement psychédélique sur le morceau éponyme « Eternal Blue », à la limite de la pop/r'n'b alternative sur la première moitié de « We Live In A Strange World », ou encore le côté outro de fin de saison de série avec une rétrospective sur les personnages sur le final « Constance ».
Bref, Spiritbox, je n'en ferais pas l'élégie. Mais au-delà de la hype youtube, et contre toute attente en ce qui me concerne, j'y suis revenu un peu timidement, puis un peu vers certains morceaux, bien foutus dans l'ensemble. Et c'est tout. Et si je ne suis toujours pas en extase devant ce que les Canadien-ne-s ont à offrir sur Eternal Blue, et que je pense avoir préféré leurs morceaux sur leur EP précédent, je reconnais bien volontiers que leur musique est bien construite et que ce côté dark pop peut avoir son charme.
Le travail sur les arrangements rythmiques est en général fort bien réalisé, avec une large place laissée à la basse doublée de la grosse caisse pour insister sur certains coups de butoir, notamment sur les (prévisibles) breaks où Courtney LaPlante abandonne sa voix mielleuse pour avoiner un peu plus. On a donc ici une porte d'entrée extrêmement accessible, tant au niveau vocal qu'instrumental, et plus qu'avec Jinjer à mon sens (et même si je voulais éviter de sombrer dans la comparaison simpliste), au monde des musiques un peu énervées. Notons par ailleurs la présence de Sam Carter, frontman d'Architects, sur le morceau « Yellowjacket ».
Pour dire encore un mot sur l'album, son titre Eternal Blue vient du fait que la frontwoman et compositrice des paroles se sent en permanence blue, comme dans l'expression anglaise, c'est-à-dire déprimée, désabusée, ayant cette impression « d'un monde où le soleil serait mort, sur une planète condamnée elle aussi à le suivre dans ce destin ». Les paroles des morceaux sont un reflet de cet état d'esprit de base.
Cela ne m'étonne donc pas du tout que Spiritbox aient du succès aujourd'hui, auprès de celles et ceux qui découvrent cet univers un peu plus abrasif pour les cages à miel ou, au contraire, de celles et ceux aux oreilles déjà bien limées et qui cherchent parfois des choses qui glissent un peu plus facilement, plus grand public, plus légères peut-être. Moi, je me contenterai d'aligner les quelques morceaux qui me plaisent bien dans ma playlist en aléatoire, et ça me fera plaisir de retomber dessus de temps en temps. Pas plus. Mais peut-être qu'Eternal Blue vous parlera plus à vous qu'à moi.
A écouter parce que « vu d'ici notre avenir ressemble toujours à une tête de mort », comme dirait un groupe dont je ne citerai pas le nom, parce qu'il n'a rien à voir. Alors pourquoi pas.
2 COMMENTAIRES
cglaume le 16/02/2022 à 15:02:57
« le genre féminin aussi peut … avoir toute la boîte à outils dans le coffre de la R5 »
Haha, ça m’a bien fait marrer :D
(Par contre faut un T à « peut » ;) )
Pingouins le 16/02/2022 à 15:17:07
Corrigé !
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