Squid Pisser - Dreams Of Puke

Chronique CD album (20:32)

chronique Squid Pisser - Dreams Of Puke

Si un jour l'erreur 404 vous bloque l'accès à la page d'accueil de CoreAndCo, je vous autorise à en rejeter une partie de la faute sur mes goûts musicaux... exotiques. En l'occurrence, rien que l'artwork et le titre de Dreams of Puke se passent, me semble-t-il, de commentaire. En attendant que ne tombe le blâme de Pidji, le noisecore n'en possède pas moins cette esthétique provocatrice et je-m'en-foutiste si propre au défouloir pour ceux qui le pratiquent – cadeau bonus : les plus chanceux d'entre vous ont déjà pu voir Tommy Meehan, frontman du groupe dont on va parler, gratter la corde par chez Gwar – que le chroniquer, je n'en démords pas : ça m'illumine une soirée.

Et à ce niveau-là, Squid Pisser pousse si loin l'onanisme qu'à la simple lecture de leur processus créatif, cerné par les « livraisons vocales aux airs de troupeau de grenouilles jeté dans une poubelle », « montagne anthropomorphisée de boue nucléaire et de méthamphétamine injectée par intraveineuse » et autres « collection de tracks forgées dans un maelstrom sonore de pus et de glu », j'ai déjà la moitié de mon job servi prémâché sur un plateau d'or massif. D'un autre côté, malgré l'humour ultra-potache sous-jacent, un tel amalgame de formulations aussi outrancières déversé avec une telle maîtrise dans la retenue, juste assez pour ne pas hurler à la débilité crasse, pourrait presque faire passer la démarche pour plus facile que l'ouverture d'un paquet d'emmental râpé Président, pour ne pas dire simpliste. Même de la part d'un groupe de noisecore, soit parmi les genres moins regardants sur la question.

En y regardant de plus près, toute cette logorhée pèche même par cette même retenue dans l'exagération : Dreams of Puke n'oserait en effet prétendre à exploser le record du monde de rapidité, ni celui de la musique la plus insoutenable. Last Days of Humanity ou Gore Beyond Necropsy ont encore de la marge à ce niveau-là. Quelques breaks ponctuels émaillant « Heaven's a Place on Earth » ou « Dreams of Puke » apportent même leurs épars – et trompeurs – moments de répit, comme autant de remontées gastriques ravalées entre deux dégueulis éthylliques. Squid Pisser préfère pousser l'extrêmentation dans un martèlement sauvage parcouru d'une overdose d'effets d'ultra-saturation et de réverbes hâchées menu. Une rythmique et une hargne carrément mathcore se dégagent de l'ensemble, tant les cordes jouent à fond les fuzz et autres distos bordéliques jusqu'à la convulsion port-mortem. « Felching your Gods » et « Cancel the Family » en constituent des points d'orgue à la mesure de leur longueur n'osant même plus se payer le luxe de passer le cap de la minute. Classique dans le grind, mais toujours efficace.

En fait, même en regard des standards les plus bas du noisecore, Dreams of Puke constitue une aberration. Mais une aberration à la prod' si soigneusement bâclée, à l'imagerie si bideusement ridicule, de l'artwork aux titres des morceaux – bon « Kill all your friends » et « Gack Action God » quand Anal Cunt existe à côté c'est un peu du niveau d'un racket au fusil à eau par Jean-Fabien le bourgeois rebelle de Levallois-Perret, mais bon on fait avec ce qu'on a –, que le pur bruit qui s'érige au fil de cette flaque de vomi ne manque pas de surprises pour le moins incongrues. Toujours aussi classico-classique dans le grind, mais pour le coup d'autant plus satisfaisant lorsqu'ils dépassent le simple sample de scène porno pour prendre le risque d'une rapide incursion ambient d'obscur film gore russe des années 90 en intro de « Vaporize a Neighbor ». Peut-être Squid Pisser pèche-t-il également parfois par excès de déstructuration vis-à-vis du manque de resserrement de ses compos, il n'en garde pas moins un visage aussi sombre que répugnant, par ses thématiques autant que ses modulations harmoniques brillamment disparates.

Dreams of Puke ne berne bien évidemment personne, la démarche entière animant le groupe tenant du nanar volontaire. A la nuance près que dans les plus sombres déclinaisons du grind, noisecore en première ligne, c'est limite obligatoire. C'est même là que pourrait réellement se situer la limite qualitative du genre : à la manière dont il parvient à calibrer lui-même l'équilibre le plus propice à la réceptivité des trois-quatre pélos pas plus qui écoutent chacun de ses groupes. Trop groovy dans la radicalité de ses percus ? Trop propre pour assumer pleinement sa dégueulasserie revendiquée ? Si ce deuxième LP tabasse sans aucun conteste, Tommy Meehan et Seth Carolina se prennent tout de même sacrément au sérieux. Moucheter son noisecore d'éléments hardcore ne signifie pas l'avoir réinventé ; dans le principe l'un est même assez intrinsèquement lié à l'autre. Tant qu'ils continuent à en maîtriser les lignes les plus directrices et qu'ils ne se prennent pas non plus pour les maîtres du monde moi ça me va ; Squid Pisser parvient encore à faire dégager les traînards de mes apéros du mardi soir, on va dire que rien n'est encore perdu.

photo de Aldorus Berthier
le 27/09/2024

1 COMMENTAIRE

Pingouins

Pingouins le 27/09/2024 à 16:57:29

Ah j'avais bien aimé le précédent avec trouze mille invité.e.s, j'ai pas encore eu le temps d'écouter celui-ci.

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