The Levellers - Levelling The Land

Chronique CD album (44:33)

chronique The Levellers - Levelling The Land

Si vous ne connaissez pas The Levellers, c’est précisément avec cet album qu’il convient de plonger dans leur univers. Levelling the Land constitue le chef d’œuvre ultime de leur longue carrière toujours active, puisque leur tout dernier méfait date de fin 2020. Fondé à la fin des 80’s, le groupe de Brighton sort en 1990 A Weapon Called the Word (album que toute personne bien née écoutera avant ou après Levelling the Land, les 2 vont de pair et se suivent, dans le temps et l’esprit), dans la mouvance des Pogues, très en vogue à l’époque. On le comprend dès l’entame de cet album-là : le groupe construit sa musique autour d’un héritage punk et de la musique traditionnelle celtique. Ça sent le houblon au coin du feu d’un vieux pub enfumé, où les clients se racontent de vieux récits et refont le monde en tapant du poing sur le zinc. Avec classe et dignité, donc, loin des joueurs de Keno. Car, comme le titre de ce 1e album le précise, The Levellers utilisent la musique mais aussi les mots comme autant d’armes pour exprimer leurs idées écolo et anti capitalistes, au travers de petits récits du quotidien et d’épisodes tragiques de l’histoire de leur pays. D’ailleurs, le nom des Levellers vient d’un mouvement politique historique en Angleterre qui militait pour l’égalité des droits pour toutes les classes sociales. Un peu comme si on avait en France un groupe qui s’appellerait La France Insoumise, ou Les Verts. Adonc, A Weapon Called the Word fait entrer direct le groupe dans la cour des grands, par le truchement de ce savant mélange entre musique traditionnelle et riffs nerveux. Fort de ce succès, le combo récidive l’année suivante avec le fameux brûlot dont nous parlons ici.

 

Plus mature, déjà, et surtout, réalisant l’équilibre absolument parfait entre les 2 univers : rock et musique traditionnelle, là où la plupart des groupes officiant dans cette branche accordent toujours davantage de place soit au côté traditionnel, soit au côté rock, de leur musique. La force des Levellers tient notamment dans ce savant équilibre. Qu’il atteint avec ce 2e album, là où A Weapon Called the Word laissait la primauté au versant traditionnel. L’album débute d’ailleurs avec un tube absolu, « One way », qui contient la quintessence de cet équilibre magique : ni totalement rock, ni entièrement folk, le titre mixe les éléments de ces 2 univers à la perfection. « One way », c’est le classique ultime de leur répertoire, un peu comme le « Fear of the dark » des concerts de Maiden ou le « Tostaky » de Noir Désir : le titre qu’on attend tous en live, celui qui fait frétiller les tétons dès ses 1e notes, celui dont on massacre le refrain plus fort que le voisin, à s’en faire péter les poumons et la rate, celui qui bénéficie d’arrangements toujours surprenants en live (sur scène, cette chanson jouit de l’ajout d’un didgeridoo) et qui ne prend aucun coup de calendrier, 30 ans plus tard. Un classique, un hymne, un élément du patrimoine de l’humanité, en somme. Sans passer en revue la liste des titres de Levelling the Land, il convient néanmoins de glisser un mot sur « The game » qui s‘enchaîne avec « One way ». Là, on touche au versant punk du groupe, avec un riff de violon nerveux et rageur, et un refrain revanchard. En réalité, pour quiconque n’a jamais écouté The Levellers, je recommande les 3 premiers titres du présent album pour comprendre comment ce groupe sait jongler avec son héritage et son époque. C’est seulement à partir du 4e morceau (« The boatman ») qu’on revient à quelque chose de plus traditionnel, dans le sens folklorique du terme. En fait, si je poursuis dans cette logique, je céderais en parlant de chaque titre.

 

Mais même lorsque les chansons se montrent plus dans une veine traditionnelle, c’est toujours avec une touche très personnelle. Les instruments traditionnels (fiddle, mandoline, harmonica, etc.) ne sont pas légions (pas la peine de sortir tout le panthéon des instruments tradis) et trouvent leur place au sein des partitions rock, jamais à côté, jamais en plus, jamais trop en avant ou en retrait. D’ailleurs, le violon joue avec les effets, par exemple pour cette imitation d’une sirène de police sur « Battle of the Beanfield ». Avec Les Levellers, on ne navigue jamais dans une impression de déjà vu, de revival, de pastiche, de reprise, mais bel et bien dans la création d’un univers propre. La force de leur musique tient dans ce sens précis et inspiré de la composition. Variés et riches, les titres s’emboîtent parfaitement, avec des mélodies incroyablement accrocheuses, leur enchaînement s’effectue avec fluidité. Pour former un ensemble aux mille et une aspérités. 

L’autre force du groupe réside dans la voix exceptionnelle de Mark Chadwik. Là où celle de Shane MacGowan des Pogues vous envoie au fond du tonneau de Guinness, celle du chanteur des Levellers, reconnaissable parmi toutes les voix existantes de l’univers, garde quelque chose de cristallin et à la fois éraillé qui sied parfaitement à l’ambiance avinée d’un pub comme celle d’un port de pêche ou encore celle d’une grand place un matin d’exécution publique. Si les partitions à la batterie et la basse s’avèrent plus conventionnelles (quoique, « Sell out » tient en partie sur le riff de basse), celles des autres instruments, voix incluses (Chadwik cède le micro au gratteux Simon Friend pour des titres plus vénères ou plus chargés dans les textes) donnent toutes envie de se mettre à étudier l’instrument idoine.

 

On terminera cette chronique ultime en glissant un mot sur les paroles. Comme souvent chez les chansons à textes anglo-saxonnes, sans même y prêter attention, on comprend leur teneur rien qu’en écoutant l’âme des mélodies, l’intensité dans les voix. « The road » ou « Far from home », par exemple. Pas la peine d’être bilingue pour que ces chansons vous foutent la chiale, comme quand vous pensez à votre foyer, à l’autre bout de la planète. Alors quand vous vous penchez sur lesdits textes, c’est là que vous comprenez le titre du 1e album : une arme qu’on appelle le verbe. A ce titre, la charge anti militariste « Another man’s cause » illustre à merveille ce lien parfait entre musique et texte. Et on l’aura compris : tout est affaire d’équilibre chez un groupe dont le nom parle d’une certaine volonté d’équilibre. Equilibre atteint sur cet album parfait.

 

« Now she wonders at it all

Just in whose name do these brave young heroes fall

And how many more are going to answer that call

They're going to fight and die in another country's war

They're going die for a religion they don't believe in at all

They're die in a place they should never have been at all

Oh, never have been at all

'Cause your daddy well, he died in the Falklands

Fighting for another man's cause

And your brother, he was killed in the Last War

And your mother well, she's lying home alone »

 

photo de Moland Fengkov
le 15/10/2023

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