Cortez - Russie 2015 : le report de leur tournée ! - Partie 2 : du 23 au 26 mai

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23.5 Velikyi Novgorod - Moscou
Je me réveille dans un canapé alors que Chris me crie à l’oreille qu’on doit y aller. Je prends mes affaires et sans dire un mot je m’écroule dans le bus. Mon crâne est détruit, mon ventre aussi, mes yeux font mal, j’ai envie de dormir ou mourir. Finalement je dors.
Un flash…

J’ouvre les yeux et alors que je sens que Dima vient de freiner sec, je vois une voiture retournée au milieu de l’autoroute avec un mec qui sort par la fenêtre. On s’arrête, et je me rendors, c’est encore trop tôt, et même si je devrais m’inquiéter de la situation, je ne suis pas encore en état pour imaginer quoi que ce soit qui ne soit pas « récupérer de la pire murgée de ces 3-4 dernières années ». Ce soir on joue à Moscou, et il vaudrait mieux que je sois remis. Je n’ai pas fait des milliers de km pour faire de la merde parce que j’ai bu comme un ado la veille.
J’apprendrai plus tard qu’en fait, la voiture de devant s’est pris un frontal violent, et que Dima, en tout bon chauffeur qu’il a l’air d’être, a réagi avec un calme incroyable en évitant l’accident, arrêtant le van pour gérer la situation, et quand il a compris que tout était sous contrôle, à repris la route, l’air de rien. Normal. Un héros ce mec.
On arrive plus tard à Moscou. Le club s’appelle le Brooklyn et il se trouve sous une immense tour d’appartement de luxe. Dans les sous-sols, il y a la salle de concert, plutôt grande, trop grande pour nous en tout cas de mon point de vue, et un restaurant attenant qui fait des hamburgers et qui retransmet un match de foot.
Super accueil, et on joue avec 2 groupes de très bon niveau qui tabassent.
Kulta est plutôt noisy chaotique, alors que Cosmonaut Day est très technique et envoie la purée à vitesse supersonique. Ca va être la guerre ici.
Le son résonne énormément, pas facile à gérer. Tout est très pro et pour l’instant, on ne peut pas dire qu’on fait des salles de merde ou crust. C’est plutôt la classe. C’est très valorisant d’être à l’étranger, parce que les gens te considèrent comme un groupe qui a réussi à venir jusqu’ici avec sa musique.
Le concert est pure folie. Les gens sont les uns dessus les autres, ils sont hyper électrisés et c’est ultra touchant de jouer devant un public non blasé, qui aime vraiment la musique et qui participe à fond. Deux jeunes filles sont à la limite de la crise d’hystérie, et au stand merch, après le concert, on reçoit des félicitations complètement dingues.
Bien sûr, on donne toujours le 150% sur chaque date, et d’abord pour nous-mêmes, mais quand tu as ce genre de réaction sur ton travail, ca donne un vrai sens à tout ce qui t’a amené ici.

Il y a assez de public pour avoir une vraie ambiance, mais l’organisateur a clairement vu trop grand. Ca n’est pas vraiment notre problème, même si je préfère jouer dans une petite salle pleine qu’une grande salle à moitié vide. Ca aura quand même un impact sur le cachet qu’on reçoit, qui n’est pas celui qu’on nous avait annoncé, et j’avoue que ca m’énerve qu’un conflit entre le booker et l’organisateur se résolve en payant moins le groupe… Andrey, qui organise le tour, me dit par téléphone qu’il nous donnera de sa poche le manque à gagner. Geste loyal et professionnel.
Valeria, son copain, et 2 amis nous accueille chez eux pour la nuit. De nouveau, ils font à manger et s’occupent de nous comme si on était des rois. Les russes qu’on a rencontrés pour le moment sont d’une générosité et d’une attention rare. Ils se mettent en 4 pour nous, et même si on ne demande rien d’autre qu’un lit pour la nuit, on reçoit beaucoup plus. Une telle gentillesse est intimidante. On en profite sans en abuser, c’est très touchant. Après une grande salade, des raviolis fait maison, et des snacks, on va se coucher vers 4h, pour 3-4h de sommeil.
24.5 Moscou - Nizhniy Novgorod
8h, En route pour Nizhniy Novgorod.
On y arrive en début d’après midi, il fait chaud, ça sent vraiment l’été. L’organisateur nous emmène manger dans un mini supermarché du coin, puis on se balade dans la ville.
Cette ville m’est parfaitement inconnue, et j’avais imaginé justement qu’en dehors de Moscou et Saint Petersbourg, le reste de la Russie serait assez moyenageux.

Mais c’est tout le contraire. Ca fait, en fait, mal au cœur pour les russes de se dire que plus on avance dans le tour, et plus on se rend compte de la mauvaise information qu’on a sur ce pays en Europe. Et là, je ne parle pas de politique, mais juste de la perception qu’on a des gens, des villes, etc. En fait c’est magnifique. J’ai l’impression de me balader sur les quais d’Evian un jour férié. Il y a plein de gens, des jolis parcs, des artistes de rue, et comme c’est dimanche, plein de famille profitent du soleil. J’avoue quand même me sentir un peu naïf et/ou honteux d’en avoir pensé tant de mal dans mon ignorance, alors qu’on s’y sent vraiment super bien. Bien sûr, il y a des aspects culturels qui sont différents, comme par exemple, le fait que les gens ne sourient pas comme chez nous.
Ca donne un côté froid, mais au moins on ne pourra pas les taxer de faux cul. Et finalement, c’est juste quelques détails de ce genre qui nous font penser qu’ils n’ont pas de sentiment, mais c’est totalement faux. Comme ils ressemblent clairement à des occidentaux, dans leurs habits, leurs vêtements, voitures, mode de vie, on les juge de la façon qu’on jugerait des européens. Mais ils sont simplement des russes, à prendre comme des russes. Jimael, un ami de Chris qui habite la ville et qui est un suisse étudiant la traduction, me dira que les Européens ne comprennent pas les russes, et que les russes souffrent de ça, quelque part. Pourtant ils aiment l’occident, et ca se voit. Je lui fais part de la ressemblance que j’ai l’impression qu’il y a avec les USA, et il me confirme que c’est exactement ça. Ils ont un immense pays, plein de ressources, ils aiment les grosses bagnoles, les flingues, la chasse. On connaît le far-west. On devrait découvrir le far-east.
C’est peut être justement pour ca qu’ils sont en compétition. On s’entend souvent moins bien avec les gens qui nous ressemblent trop.
On arrive ensuite au club, et l’endroit est très joli. Une sorte de café souterrain sur 2 niveaux, en béton moderne, avec des balcons intérieurs en fer forgé et verre, ce qui fait qu’on voit un peu tout le café, quel que soit l’endroit où on se trouve. Il y a 4 groupes qui jouent avant nous, il y a du monde, mais rester dans cette ambiance toute la journée va nous tuer, alors on sort. Et là, surprise, un sacré orage se prépare. 5 min plus tard, des grêlons de la taille de petites billes tombent dans un bruit fracassant. Impressionnant, même pour les russes, ce qui me rassure quand même.
La soirée se termine chez l’organisateur, un mec hyper froid qui nous fait dormir sur un tapis dans son salon. C’est spartiate, et c’est la première fois que je peux dire que je suis déçu de l’accueil pour la nuit.

25.5 Nizhiniy Novgorod – Kirov
On décide de partir tôt, car la route pour Kirov va être longue. Le mec qui nous accueille n’est pas là quand on se lève, pas de déjeuner, et donc on va pas s’attarder. Le mec revient brièvement pour nous dire au revoir et nous ouvrir un safe dans la cage d’escalier dans lequel on avait mis la guitare pour la nuit. Une photo avec lui au bord d’un lac et c’est parti.

Les hivers russes sont rudes, les routes sont longues, et les moyens pour réparer les dégâts du gel sur le bitume semblent manquer, ou simplement, les gens s’en accommodent. Tout ça pour dire qu’on a l’impression de rouler toute la journée sur une route de montagne, tant les nids de poules, trous et fentes la parsèment. Difficile de dire si la distance parcourue est longue, parce que la vitesse imposée par l’état de la route n’est pas toujours très haute. Le paysage ne comprend pas l’ombre d’une colline. Les seuls reliefs sont la platitude des immenses plaines et la hauteur des forêts qui les bordent. Le paysage se déroule ainsi des dizaines, voire centaines de kilomètres durant.
On s’y fait en écoutant de la musique atmosphérique. Ca fait un peu comme être dans un film, et ça ajoute à la mystique de l’expérience. Cela dit, il y a quand même des petits villages le long de la route. Je me demande comment ça fait de vivre ici, loin de la modernité, ou près de la nature, selon comment on préfère le voir.

On s’arrête à un truck stop manger une salade et un beignet. Ils ne se compliquent pas avec la sauce. La plupart du temps, c’est uniquement de la mayonnaise. Dima nous aide à traduire les menus, et c’est impossible de comprendre quoi que ce soit. Les gens parlent peu anglais, et donc sans lui, on serait complètement perdu. Les prix sont très bas. On mange et on boit pour l’équivalent de 3 francs suisses environ.

On reprend le même genre de route jusqu’à 18h. Longue journée de route, mais on est désormais en « mode tour ». Ecouter de la musique, bosser un peu sur le laptop quand la route permet de viser les touches du clavier, regarder le paysage, dormir quand les yeux se ferment. Une sorte de mode mi-contemplatif et mi-zombie.
Arrivé à Kirov, on se rend dans un appartement loué pour 2 nuits. Pas de concert ce soir, et on en profite pour se faire une vraie bouffe russo-ukrainienne dans un restaurant. Dima choisit les plats, car les cartes sont uniquement écrites en cyrilique. Ca commence par un bortsch et une salade de crabe à la mayonnaise. L’entrée terminée, la timide serveuse habillée en costume local nous apporte un verre de vodka avec un citron. Gloups cul-sec. On passe à la viande : du foie dans une sauce aux oignons avec des patates grillées. A nouveau un verre de vodka avant de passer à la suite. Une épaisse forêt noire pour terminer, et encore un verre de liqueur fumée offerte par le patron. Heureusement qu’on mange en même temps qu’on boit. On en sort aussi repu qu’imbibé, mais l’ensemble est très agréable.

J’en profite quand même pour poser la question de l’Ukraine à l’organisateur, qui mange avec nous, et pour lui, tout ça est de la merde politique qui le dépasse. J’en pense un peu la même chose, j’avoue. Depuis les medias mainstream de l’Europe, les Russes sont les méchants, et depuis la Russie, tout ça est un montage politico-médiatique. Il me dit que les ukrainiens sont les amis des russes, et que lui-même vivait à Donetsk il y a 5 ans. Il ne comprend pas ce qui s’y passe, et regrette vraiment qu’on (qui ?) cherche à diviser ces 2 pays qui ont beaucoup en commun et qui s’apprécient.
La nuit tombe à 22h30 et on rentre. C’est l’heure du dernier épisode de Game Of Thrones ou de faire les geeks sur internet jusqu'à ce que le jour se lève…à 2h30. S’endormir en plein jour, c’est étrange, mais la fatigue prend le dessus.
26.5 Kirov

Lever normal, ca fait du bien de dormir longtemps dans un vrai lit, après 2 nuits plus ou moins à même le sol. On part acheter des pâtes lyophilisées pour le repas de midi. Le sound check est à 16h, donc on a le temps de larver un peu en attendant. Dima dort encore. Il se lève à 13h30 et nous dit : « let’s go eat and soundcheck ». Euh…mais on vient de manger… C’est là qu’on comprend que le repas de midi se prend en fait vers 14h. On remange, léger, et l’organisateur nous demande de choisir encore ce qu’on voudra manger après le concert. Ici, il n’y a presque pas de catering dans les backstage, mais seulement quelques fruits. Par contre, il est de coutume de manger un vrai repas après. Tant mieux, ca m’évite de picorer toute la soirée, moi qui ai une déchetterie à la place de l’estomac, et qui peut manger tout dans n’importe quel ordre.
Comme on a du temps, on profite de se poser dans un parc, pas loin du bar.

Le concert a lieu dans un bar alternatif. Très cool endroit pour notre musique, ça transpire le rock. Un groupe de death core joue avant nous. Le death core, c’est ce qu’était le neo-metal de ma jeunesse. Le style où tu bouges d’une façon hyper artificielle et calculée pour faire croire que t’es trop méchant et cool en même temps. Un truc de jeune, et je suis clairement trop vieux pour ça.
Notre concert se passe très bien, les gens sont très attentifs et les plus chanmés font des contests de violent dancing (paraît que ca se dit comme ça), sorte de moshpit avec pogo sans règles, où tout est permis. C’est rigolo, mais ça éloigne quand même la plupart des gens à quelques mètres, tout ça pour que les hormones masculines puissent s’exprimer. Le public du soir est très jeune, et donc, comme à Moscou, les gens nous prennent pour des stars, font des photos avec nous, et des filles tremblent en essayant de nous adresser la parole. C’est chou et on joue le jeu sans en faire trop.
Je finis par parler avec un des jeunes, qui semble beaucoup plus concerné par les vraies valeurs de notre musique que par le star système. Il me pose plein de questions sur la musique, sur les paroles, sur le fait que JR chante en français, sur la liberté, l’anarchisme, la normalité, l’armée, la violence, la famille. Intéressante discussion ; c’est pas souvent qu’une personne de cet âge se pose ces questions si consciemment, et si directement.

Retour à l’appart, on mange ce qu’on avait commandé. Internet. Dodo.
2 COMMENTAIRES
Tookie le 01/06/2015 à 14:52:03
Pas un mot sur le déroulement du concert à Nizhniy Novgorod...mauvaise expérience ? Sale soirée ?
milkyway le 02/06/2015 à 20:31:48
Eh, c'est moi sur le premier plan en photo de chepay bar! Cool
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