Llamame La Muerte - Interview du 31/12/2011

Llamame La Muerte (interview)
 

Pas trop dur le fait de jouer devant « pas grand monde », surtout quand c’est une première date de tournée ?

Damien : Non, c’est toujours sympa de faire une répète en public, on révise les morceaux et les gens ne sont pas trop exigeants (rire).

Guillaume : Et bien écoute... heu... le plus dur ça reste quand même le 10e concert d’affilée avec pas grand monde ! Pour le concert dont on parle, je pense qu’on s’est quand même bien amusé, il y avait des copains-copines... Et je crois que de mon côté, je suis plus ou moins toujours très content de jouer (surtout avec Damien qui des fois mets ses baguettes dans son nez alors qu’on essaye de faire de la musique sérieuse, sombre et mystérieuse) quelque soit le nombre de personne, à condition bien sûr de ne pas être dans l’endroit le plus craignos de la planète, ce qui est loin d’être le cas de l’Accueil Froid et des autres lieux qu’on a pu fréquenter sur cette tournée.

 

Arrivez vous à caler des dates qui vous apportent un peu d’argent ?

Damien : Ça dépend de ce tu entends par « apporter un peu d’argent ». Si tu parles de cachet intermittent, c’est clair que non. Faire de la musique ce n’est pas notre métier, on le fait pour prendre notre pied, partager un bon moment avec des gens ouverts et sympathiques, voyager, (re)visiter des coins qu’on aime bien ou qu’on a envie de découvrir. Nos conditions sont des plus basiques : bouffe, picole, hébergement, défraiement. Parfois le défraiement est plus élevé que ce qu’on a déboursé pour venir, du coup ça compense les fois où le défraiement est moins élevé.

Guillaume : C’est assez bien résumé... heu... je n’ai déjà pas grand chose à ajouter... Si ce n’est que notre manière d’envisager les choses est clairement Do-It-Yourself et non profit, ce qui veut dire que le but du jeu c’est de voyager un max, faire de la musique, rencontrer des gens, mettre des baguettes dans le nez de Damien sans qu’on ait à prendre une organisation en otage du fait de nos prétentions financières, organisation qui sinon devra peut être mettre un prix d’entrée inaccessible à certains d’entre nous... ou pire collaborer avec l’antéchrist, l’état ou une multinationale de l’armement nucléaire pour avoir des subventions (brrrrrrrrrrrrr)... En gros quand on cale des dates, on demande ce qu’il est possible pour l’orga de nous donner, afin de nous permettre de partir jusqu’à la prochaine date, en espérant qu’au final on se retrouve  grossièrement dans nos frais.

 

Comment voyez vous le territoire français pour caler des concerts? Est-ce que les salles subventionnées par des fonds publics vous ouvrent leurs portes ?

Damien : Notre démarche est clairement non professionnelle : on n’a pas de tourneur, pas de diffuseur, pas de dossier de presse, on n’est pas à la SACEM, on ne joue pas dans les SMAC et on n’aime pas négocier avec les patrons de bars/clubs. Nous jouons là où l’on a des copains/copines ou des contacts qui veulent bien de nous et qui ont généralement les mêmes pratiques que nous. Mais je constate une certaine forme de « maturité » dans la « scène » DIY. J’entends par là que des collectifs qui proposaient des concerts un peu à l’arrache dans des lieux peu adaptés (bars, MJC) ou précaires (squats, caves) s’organisent pour accueillir groupes et public dans de bonnes conditions sans pour autant renier leurs convictions (autogestion, non profit, critique sociale, expérimentations diverses). C’est le cas avec l’ Accueil Froid à Amiens, le CCL à Lille, la Conserverie à Angers, la BAF à Grenoble, etc. Le principe est de se doter d’un lieu adéquat et pérenne – un hangar ou un local commercial avec peu de voisins autour – pour y développer des activités culturelles/artistiques/politiques dans la liberté et la bonne humeur. Bien sûr, ce n’est pas évident de sortir un loyer de 400-500 euros par mois, de payer les factures, de toper du bon matos (sono, lumières), mais au moins t’as pas les huissiers, la justice et la police au cul tous les quatre matins. Et puis, plus on est de fous/folles dans le projet, moins ça coûte cher à chacun/chacune. On est quelques-un(e)s au Mans à monter un projet dans le genre. C’est pas impossible que d’ici 2-3 ans le « territoire français » soit entièrement quadrillé par un réseau de diffusion à 100% indépendant constitué de lieux urbains ou péri-urbains autogérés, d’habitats collectifs ruraux, de squats – sauvages, tolérés ou « semi-légaux » – etc., où les groupes DIY de tous horizons pourront tourner sans que le bouclage des dates vire au casse-tête. On peut rêver, non ?

Guillaume : ... faudrait un nouveau slogan pour remplacer « squat the world ! » : « rent the world! ». (On peut être cynique, non ? Héhé !) C’est vrai que la difficulté pour ce type de démarche alternative est de pouvoir mettre en place des structures qui puissent durer dans le temps, où l’énergie des individus puisse plus servir à la diffusion des idées et de pratiques politiques et culturelles qu’à la crainte de la fermeture ou à la lutte contre l’expulsion...

 

Le chant est utilisé avec parcimonie – et c’est réussi, était-ce délibéré ? Est-ce que ça veut dire qu’auparavant vous jouiez avec des chanteurs mais que vous en avez eu marre des rock stars, ou bien que vous étiez au départ un groupe instrumental mais Universal Music vous a dit qu’il fallait du chant sinon ce n’était pas vendeur ? Bref, comment construisez-vous vos chansons ?

Damien : Au départ on faisait plus dans l’instrumental et l’improvisation et on imaginait assez bien une formation à géométrie variable au gré des rencontres. On a quelques très bons souvenirs de concerts partagés avec d’autres groupes/musiciens-nes et on espère que ça se produira encore. À un moment donné on a eu envie de composer des morceaux structurés avec du chant et tout. Pas que ce soit plus vendeur, mais l’impro « poum-poum-tchak » a ses limites aussi… C’est Guillaume qui écrit et chante les textes - sans vraiment me consulter d’ailleurs, mais bon, je trouve aussi que c’est assez réussi (rire) ! Le chant vient après la composition même si on pense de plus en plus en terme de « chanson ». Une de mes résolutions 2012 étant de me mettre (sérieusement) au chant, il y aura peut-être plus de voix dans l’avenir, va savoir.

 

D’ailleurs, je les trouve bien vos textes, alors pourquoi portez-vous une robe en concert ?

Damien : Bah, pourquoi pas ? Et je porte plus souvent des tenues de gymnaste rythmique et sportif en lycra que des robes…

Guillaume : Tiens, peut être pour ne pas faire une réponse trop théorique sur la question, comme tu parles des textes, on a une chanson qui parle d’un petit cheval en béton et immobile, qui est assez triste... parce qu’en vrai à l’intérieur, c’est un petit oiseau qui volerait au dessus des frontières, un petit poisson qui nagerait à contre-courant... avec un cœur de toutes les couleurs et même de l’or ! Donc ma réponse, c’est aussi plutôt « pourquoi pas ? ». Il faut juste essayer d’être soi-même et être à l’aise avec ça...

 

Entre l’anglais et l’espagnol votre cœur balance ?

Damien : L’anglais l’emporte pour l’instant – impérialisme oblige – mais bientôt des textes en catalan, en espéranto, en arabe, en chinois, en wolof…

Guillaume : Tu oublies l’allemand et je t’en veux beaucoup !!!

 

Musicalement je trouve votre album super intéressant. Chaque chanson se ballade sur plusieurs territoires, stoner, noise, « math-rock », instrumental, « evil », hypnotique, mais dès que vous avez caressé une approche qui serait trop clairement définie, la chanson se barre dans une autre direction. Comme un croisement entre la scène française énervée des 90’s et celle actuelle des groupes instrumentaux au côté « dance-floor ». Vous en pensez quoi ?

Damien : On ambitionne de jouer du « kraut-rock » moderne à la sauce « dance-punk-noise-atmosphérique ». On ne doit pas être très loin vu ton ressenti… De là à se comparer à quelque scène que ce soit…

Guillaume : Ça fait aussi un petit moment qu’on traîne et joue ensemble (on jouait dans Monnocle : un petit bisou à Seb !). On avait chacun nos cultures musicales à la fois proches et différentes, dans l’approche et dans le jeu... On a découvert pas mal de choses ensemble aussi, et puis après, et bien t’es confronté à ton niveau et style de jeu et à celui de l’autre... et en favorisant plutôt l’alchimie que la technique, bin voilà ce qu’on arrive à faire ! Et puis si on peut le partager avec d’autres gens qui aiment bien, bin c’est cool ! En tout cas, c’est toujours marrant d’entendre ce que des gens extérieurs au duo en pensent ou nous dire à quoi ça leur fait penser.

 

Tous les labels co-producteurs du vinyle sont des copains ? Vous avez beaucoup de copains ? et du coup, ça veut dire que c’est pas évident de sortir un vinyle ?

Damien : Oui, c’est tous des copains/copines fauché(e)s qu’on rackette régulièrement pour nous aider à obtenir des 9/10 dans d’obscurs webzines et autres fanzines de fauché(e)s, héhé ! On proposait de sortir un CD au départ, mais personne ne voulait mettre un kopeck dedans : c’était vinyl ou rien ! Du coup on ne regrette pas. Je suis particulièrement heureux de la pochette conçue par Marie de Papier Gâchette et sérigraphiée avec l’aide des copains/copines du squat des Romains à Strasbourg. Sortir un vinyl coûte, à la louche, deux fois plus cher qu’un CD.

Guillaume : J’ai l’impression que ce disque a été d’une extrême facilité comparé à d’autres projets. On voulait faire une petite démo vite fait, pour écouter à quoi ressemblaient nos morceaux, après on s’est dit « tiens c’est pas dégueu du tout (merci Cédric!), on peut p’t’être sortir un petit truc sans prétention genre un CD-R ou CD si on trouve un peu de thunasse mais pas trop », et comme disait Damien, et bien c’était « vinyl ou vous n'aurez pas un kopeck » (à part pour les plus alcooliques des personnes investies dans ce disque, celles qu’on soudoie toujours avec des pintes de vin rouge). Bon ça arrange tout le monde parce que le support vinyl est vraiment ce qu’on préfère, après il faut savoir que la moitié de l’argent mis dedans vient de notre poche... et puis bin ouais, j’suis un grand fan de la pochette aussi !

                                                    

Entendez-vous les cris des fans qui en veulent davantage ? Et quelle est la suite pour le groupe ?

Damien : Plus fort, j’entends rien !!! Écrire des tubes, tourner aux States, en Chine, au Mozambique…

Guillaume : ...et mourir d’overdose de bisous, un soir où je t’aurai trop aimé! Tu es tellement beau avec ton maquillage de chat et tes baguettes dans le nez...

 

Merci !!!

Merci bien !

photo de R.Savary
le 31/01/2012

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