Depeche Mode + Girls In Hawaii le 09/07/2018, Château de Beauregard, HEROUVILLE SAINT-CLAIR (14)

Depeche Mode + Girls In Hawaii (report)

Tookie, lors de son passage au Mainsquare, n'a pas vu Depeche Mode. Ce qui ne l'a pas empêché d'entendre de-ci, de-là qu'ils avaient mis tout le monde à genoux. Honte à lui d'avoir abdiqué alors que les quadras et quinquas ont donné de leurs personnes avec ferveur pour tenir au-delà de leur couvre-feu habituel ! Même si je n'étais pas à Arras, il s'avère que j'ai eu l'occasion de les voir dès le lundi suivant – le 9 juillet donc – au festival Beauregard qui fêtait cette année ses 10 ans. Ce qui explique peut-être pourquoi il a rajouté une journée supplémentaire le lundi, à l'instar de ce qu'avait fait le Download avec Guns'n Roses. A moins qu'il ne s'agisse que d'un simple compromis dû à des soucis de planning. De mon côté, j'avoue que le festival Beauregard, je m'en fiche un peu pas mal : même si les affiches sont souvent hyper intéressantes et éclectiques, il représente tout ce que je n'aime pas en terme d'ambiance : un bon rassemblement de bobos coincés du cul qui imposent une ambiance... Enfin, pas spécialement d'ambiance en fait. Les gens restent dans leurs coins, entre eux, bien sages, sans faire un pas ou un geste de travers. C'est dire, tu as le culot de brailler « apéro » à gorge déployée sur le site, voire t'affubler d'un costume ridicule pour le délire, on te regarde de travers, telle une cacaille perturbatrice des bancs de l'école primaire. Autant dire qu'on n'imagine pas l'emmerdement qu'il doit y avoir dans le (minuscule) camping, à se demander si les forces de l'ordre ne sont pas appelées pour tapage dès lors que quelqu'un prend une bière après 1h30. Comme quoi, quelques dizaines de milliers de balais au creux des fesses, ça a de son importance.

 

Pourtant, dès lors que Depeche Mode a été annoncé, j'ai vite fait sauté sur les billets dès leur mise en vente. Juste pour cette journée d'after, il ne faut pas abuser non plus. Parce que la bande à Dave Gahan, je ne la connais que trop bien : ça me berçait dès mon état embryonnaire. Du coup, les voir jouer à seulement trois ou quatre kilomètres de chez moi à vol d'oiseau alors que je ne les avais encore jamais vu, évidemment que je ne pouvais pas laisser passer l'occasion. Et histoire de faire dans la nostalgie la plus totale, j'y suis accompagnée par papa et maman Margoth. Contexte particulier – qui revêtira de son importance quant à mon ressenti, très personnel, du concert – et pas si courant donc, surtout depuis que j'ai quitté le domicile parental il y a dix ans. Mais logique sans nul doute : après tout, Depeche Mode est à la base une histoire de famille (à l'instar de combos comme Indochine ou U2 pour ne citer qu'eux). Back To The Roots donc...

 

Beauregard n'a pas eu le même toupet que le Download dans son ajout de journée. Si les Parisiens ont dû (re)venir pour un unique concert, de notre côté, nous avons eu le droit à une soirée complète, soit trois concerts à l'affiche. C'est ainsi que nous arrivons sur le site alors que les locaux de Concret Knives s'affairent déjà sur scène. Duquel je ne m'étendrai pas vu que je n'y ai jeté qu'une oreille distraite – et pas foncièrement convaincue – étant plus occupée à faire un rapide tour du propriétaire à mes parents, plus habitués aux configurations salles et stades, qui signent aujourd'hui leur première fois en festival en plein air. Comme quoi, à plus de cinquante balais, on arrive encore à se faire dépuceler. La session Stéphane Plaza est vite passée étant donné que le site est sans surprise tronqué de moitié, la seconde scène n'étant pas utilisée et l'on passe à celle de l'enseignement pratique des us et coutumes indispensables du parfait festivalier : cashless et approvisionnement de bière. A peine le temps de trinquer et de croiser une connaissance bretonne de concert que les Belges de Girls In Hawaii foulent la scène. A une journée de la demi-finale France/Belgique, autant dire que ça chambrait sec et gentiment dans l'assistance.

 

Cette dernière, d'ailleurs, se révèle fort différente de celle présente durant le weekend lors du « véritable » festival. Visiblement, tous les gens du coin ont été alléchés par la venue de Depeche Mode de manière nostalgique et cela se voit : même s'il y en a pour tous les âges, la moyenne tourne surtout autour de la quarantaine. Certes, ça ne rend pas l'ambiance plus fifolle pour autant mais s'avère moins morne et pesante que celle du weekend tant l'on sent que pour beaucoup, ça tient de l'événement exceptionnel qui se doit d'être vécu et apprécié à sa juste valeur entre deux routines métro/boulot/gamins/dodo. Ce qui donne un public plutôt relax, bon enfant et plutôt curieux. Car nul doute que la majorité ne connaît pas l'indie rock de Girls In Hawaii. Moi non plus d'ailleurs. Et c'est plutôt une bonne surprise en terme de mise en bouche. Ça ne m'en fera pas spécialement acheter les disques pour en écouter tous les jours chez moi mais ça a au moins l'intérêt de mettre dans l'ambiance en mode « force tranquille ». Car les Belges n'y vont pas forcément dans la danse frénétique, ni dans le vénère « in your face ». Leur rock poppisant est plutôt relax, planant, tout en minimalisme authentique, d'autant plus que la mise en son est bonne. Comme pour rappeler leur patronyme qui ne signifie en rien le côté sulfureux et tape-à-l'œil du surfeur californien mais plutôt la tranche la plus marginale qui se tape quelques vagues entre deux joints avant de se taper le bœuf de gratte acoustique au coin d'un feu de camp dès la nuit tombée. Et ça passe plutôt bien pour faire monter la température gentiment, sans brusquer les seniors, ni même les quelques plus jeunes rescapés du weekend qui n'attendent que de rentrer chez eux pour retrouver une bonne douche et un lit après quatre jours de camping sauvage. Mais bon, on ne le cachera pas, si ça passe bien sur les trois quarts de prestation, la dernière ligne droite s'avère plus poussive : les rangs ont bien grossi vu que les derniers retardataires sont arrivés et la fièvre monte. Jusqu'à bouillonner dans les entrailles, chacun gardant poliment et avec pudeur son impatience au fond de lui. Parce que bon, nul doute que beaucoup attendent de cette soirée le fait de retrouver ses 18 ans en dansant sur des tranches de boîte de nuit de basse cambrousse qui ont rythmé leur adulescence. Et ça, c'est sûr, ce n'est pas Girls In Hawaii qui leur donnera.

 

Mais à force de ronger son frein, la patience finit par être récompensée : les premières notes du « Revolution » des Beatles, annonciateur du début de show de Depeche Mode. Suivi de « Going Backward » issu du dernier album en date, Spirit (2017), plutôt frustrant dans le sens où les écrans latéraux se cantonnent à diffuser les motifs de fond de scène au lieu du groupe lui-même, chose qui sera rétabli dès le titre suivant, faisant monter la température d'un cran. D'autant plus que j'admets volontiers être à fond sur la première partie de carrière du groupe et non sur ce qui s'est passé depuis le décevant Exciter (2001). Par chance, mon père continuant à suivre la discographie du combo, et les diffusant parfois en repas familial, je ne pars pas non plus de zéro étant donné que j'arrive à reconnaître aisément tout le répertoire post-2000's qui rythme la première (courte) partie du concert. Non sans un « It's No Good » de mon album fétiche, Ultra (1997), calé inopinément dès le second titre. Instant que je savoure comme un messie, d'autant plus qu'il est le seul représentant de l'album sus-nommé de tout le set, ravalant comme je peux quelques remontées lacrymales. Qui finiront par couler sur « World In My Eyes » dont je perçois ma mère me faire un clin d'œil aussi humide que le mien – les chiens ne font pas les chats après tout – annonciateur que les choses sérieuses n'allaient pas tarder à commencer. Première constatation à vif : oui, Dave Gahan que je n'avais pas revu en photo ou vidéo depuis un bail a pris un sacré coup de vieux, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il a perdu de son énergie pour autant. Ni de sa voix dont la vieillesse ne fait que la rendre plus rauque (ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi d'ailleurs), même si on reconnaîtra qu'elle n'a pas de cette profondeur caractéristique, chose davantage dû aux contraintes acoustiques du contexte plein air et non spécialement du fait qu'il s'agirait « d'un jour sans pour les cordes vocales ». Parce qu'il y a du coffre, notamment dans ses divers tics d'encouragements qui revêtissent pour moi un petit quelque chose de magique tant j'ai une fausse impression d'être dans une sorte de 101 parallèle de rattrapage, disque live que littéralement usé jusqu'à la moelle. Le tout, avec une bonne dynamique scénique. Autre figure qui n'est pas en reste que celle de Martin L. Gore qui n'a pas non plus perdu de sa voix non plus, comme on l'entendra sur « Somebody », point de départ du tournant du concert.

 

Un tournant bienvenue car si, de mon côté, il m'en faut peu pour apprécier mon moment, je sens toutefois mes voisins de fosse plus fébriles, dans son sens le plus frustrant. C'est qu'ils ne connaissent que le vieux Depeche Mode et semblent un peu paumés par tous ces titres plus récents qu'ils ne semblent pas forcément connaître, même si les Britanniques ont quand même eu le bon goût d'entremêler un peu de 80's/90's. Comme pour les inviter à patienter, appâter le chaland. Ce qui se révèle vite être vrai tant la seconde partie de show s'articule comme un bon gros best of des familles. Qui laissera tous les quadras/quinquas littéralement à genoux comme l'a si bien dit Tookie. Et moi aussi, par la même occasion, retrouvant mon répertoire fétiche du groupe, celui qui a rythmé mon enfance. Et que j'ai donné une leçon à tous mes voisins que l'on peut être de la génération inférieure et connaître son registre sur le bout des doigts, peut-être même plus qu'eux d'ailleurs. Mais au moins les voit-on chanter et se trémousser comme pas deux, telle une cure de rajeunissement temporaire. Même mon père, d'un naturel réservé, d'ordinaire à passer ses concerts comme un vigile, droit comme un I et les bras croisés, mais à boire des yeux chaque instant, s'est risqué à détourner le regard pour me glisser à l'oreille quelques commentaires, notamment sur les extraits du mythique Violator (1990) qui nous fait remonter à tous les deux énormément de souvenirs personnels de lorsque j'étais haute comme trois pommes. C'est dire s'il y a comme un « petit » truc qui se passe. On notera notamment, dans ce best of des familles, piochant à droite et à gauche de toute la première partie de carrière du groupe des versions remixées très convaincantes de « Walking In My Shoes » et « In Your Room ». Ce dernier qui se retrouve d'ailleurs sublimé par sa vitesse plus lente mais non moins intense de par son caractère plus languissant. De la même manière qu'entendre un « Enjoy The Silence » remet à sa place, sans se fouler, la version de Lacuna Coil que j'avais entendu six mois auparavant à Angers. Par chance, Marylin Manson s'était gardé de jouer sa reprise de « Personal Jesus » au Hellfest deux semaines plus tôt tant il était certain qu'elle aurait connu le même sort. Et c'est sur un « Just Can't Get Enough », accueilli avec autant de ferveur et de légèreté, transformant le bosquet du château de Beauregard en boîte de nuit nostalgique, que Depeche Mode finit par s'en aller, saluant longuement son public, comme si les Britanniques ne voulaient pas vraiment partir déjà.

 

Et c'est vrai que j'en aurais bien repris une bonne lapée tant il restait des titres que j'aurais voulu entendre ( citons pêle-mêle « Barrel Of A Gun », « People Are People », « Black Celebration », « Strangelove » ou encore un « Condemnation » revisité gospel comme on a pu le voir sur certains concerts d'antan). Mais bon, il y a bien un moment où il faut s'arrêter, c'est qu'on est lundi et que le couvre-feu pour le bien-être du voisinage pas si éloigné que cela du site se révèle moins clément que durant un weekend. Et l'on repart clopin-clopant, fatigués d'une telle intensité, avec mes parents. Mon père, enthousiaste, me chambre sur « l'album qui pique » – le nom que je donnais à Violator étant petite et dont « Halo » avait tendance à m'angoisser, allez savoir pourquoi – tandis que ma mère et moi essuyons, l'air de rien, nos joues humides. Très bonne première pour moi qui n'aurait sans doute pas eu cette même saveur et émotion si je n'y avais pas été en famille, tant ça a fait remonter pas mal de souvenirs et de nostalgie. Mes parents, eux, m'annoncent rabibochés avec Depeche Mode dont ils gardaient un souvenir amer d'un concert d'il y a quelques années au Stade de France qui s'était révélé vraiment décevant, dû surtout au fait d'une infrastructure et matériel pas du tout adaptés et minuscules par rapport à la taille du lieu. A revoir sans faute plus tard, d'autant plus si le combo se décide à faire, à l'instar d'Iron Maiden, des tournées focalisées uniquement sur ses vieux titres.

 

 

Setlist

 

  • Going Backward
  • It's No Good
  • A Pain That I'm Used To
  • Precious
  • World In My Eyes
  • Cover Me
  • Somebody
  • In Your Room
  • Everything Counts
  • Stripped
  • Personal Jesus
  • Never Let Me Down Again
  • Walking In My Shoes (Rappel)
  • Enjoy The Silence (Rappel)
  • Just Can't Get Enough (Rappel)
photo de Margoth
le 08/09/2018

4 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 08/09/2018 à 09:57:39

pouah cette setlist est tellement cool...

Xuaterc

Xuaterc le 08/09/2018 à 10:37:43

Il manque Master and Servant et I Feel you à mon goût.
A Bordeaux, on a eu
Going Backwards
It's No Good
Barrel of a Gun
(with 'The Message' (Grandmaster Flash) snippet)
A Pain That I'm Used To
('Jacques Lu Cont's remix' version)
Useless
Precious
World in My Eyes
Cover Me
Insight
(Acoustic; sung by Martin)
Home
In Your Room
Where's the Revolution
Everything Counts
Stripped
Enjoy the Silence
Never Let Me Down Again
Strangelove
(Acoustic; sung by Martin)
Walking in My Shoes
A Question of Time
Personal Jesus

Margoth

Margoth le 08/09/2018 à 11:20:38

"Barrel Of A Gun", "Useless", "Strangelove" et "Home" ? Mais je suis tellement jalouse de ne pas y avoir eu le droit :o ! J'avoue que j'ai été pas mal déçue de l'absence de "I Feel You", j'attendais tellement à la voir celle-là (genre en entame de rappel, ça aurait été un contexte parfait). Enfin bon, le répertoire est tellement riche qu'il aurait été bien difficile de faire une setlist qui contente tout le monde, surtout quand on n'a pas 3h de temps de jeu...

el gep

el gep le 08/09/2018 à 11:59:50

Hé? Mais bien-sûr que "Violator" est un album angoissant. Il me terrifiait par moments, même, quand j'étais gosse. Tu sais, les bruits de phacochère à la fin de "Clean" (je crois), et même le morceau en lui-même, brrrrr! Quel groupe étrange, Depeche Mode... Respect.

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