Death - Symbolic

Chronique CD album (50:38)

chronique Death - Symbolic

On en connait des groupes qui, la besace chargée de 5 premiers albums excellents, ont vu le robinet à inspiration se tarir en même temps que la fatuité et la bedaine se mettaient à déborder... Et cela ne les a pas pour autant empêché de tourner de par le monde et de proposer des setlists de folie devant des foules conquises (non, n'insistez pas, je ne mentionnerai ni Slayer, ni Metallica). Les fans de Death avaient donc quelques raisons de se ronger les sangs en ce début 1995. Chuck jouerait-il la carte de la facilité? Aurait-il encore les moyens, l’envie, la flamme nécessaires pour renouveler l’exploit? Saurait-il une fois de plus dépasser sa condition d'être de chair pour aller décrocher de nouvelles compositions de ces constellations lointaines auxquelles si peu ont accès, engoncés qu'ils sont dans les certitudes et les standards d'une scène très normalisée? Devant le spectacle incompréhensible – et avouons-le, carrément magique – de la création artistique, nous autres, simples mortels, ne pouvions que trembler d’effroi que le fil ne se rompe… et finalement – ouffffff – de respect transi à la révélation du miracle renouvelé (oui je sais, ok-ok: on va essayer de la jouer plus soft sur la suite de la chro parce qu’en effet, là, ça flirte avec la transe mystique…)

 

C’est donc toujours plus avant sur le chemin de la sagesse et de la virtuosité mélodique que Chuck nous emmène sur Symbolic, 6e pilier d'une discographie exemplaire. Dans la continuité logique d’avec le reste de son œuvre (bien qu'il ne reste plus que Gene Hoglan de l'équipe qui avait mis en boîte Individual Thought Pattern), le maestro combine une nouvelle fois puissance canalisée et mélodies fines en des compositions aussi évidentes que belles, aussi imposantes que sereines, aussi lumineuses que parfois empruntes de mélancolie. Que ce soit sur un passage mid-tempo arachnéen (à 0:40 sur « Perennial Quest »), sur un duo lead "aspirée" / lead "en pointillés" (à 1:58 sur « Misanthrope ») ou sur les accords andalous de la fin de « Crystal Mountains », l’ensemble de l'album respire la maitrise, l’harmonie, la justesse. Il semble que plus il avance dans la discographie de son bébé, plus Chuck se sente apaisé, serein – le très justement nommé « Sacred Serenity » en étant la parfaite illustration. Si la musique de Death ne perd rien de sa superbe ni de son mordant, sur Symbolic les morceaux font preuve de toujours plus d'une espèce de majesté tranquille, comme en témoigne le morceau d'ouverture dès ses toutes premières minutes. Et le swing soft du début de « Zéro Tolérance », le ralentissement au groove reptilien qui émerge à 1:27 sur le même morceau, ou encore le moelleux presque nonchalant de « Perennial Quest » ne font que confirmer ce constat d'une zénitude caractéristique d’un musicien passé maître en son art.

 

Mais que je ne vous laisse pas croire que les accès de rage qui dépotent et les démonstrations de puissance ont disparu. Tiens, cette armada sur le pied de guerre à 2:04 sur « Zero Tolerance » (menée avec fermeté mais groove par un Gene Hoglan encore plus brillant que sur l’album précédent), cette reprise de volée violente à 3:01 sur « Misanthrope » ou cet emballement soudain à 1:46 sur « Symbolic » vous laisseront sur le cuir fessier l’empreinte fumante d’un généreux 46… Et en matière de montées d’adrénaline d'essence divine, vous trouverez difficilement plus transcendant que « Without Judgement » – morceau rare qui procure de ces sensations d’absolu que peu (Devin Townsend parfois) peuvent se vanter de provoquer chez l’auditeur. Mais on ne peut ignorer que, plus que jamais, les guitares lead se parent de trémolos et d’accents bluesy, et que Chuck laisse plus facilement s'exprimer une sensibilité à fleur de peau, comme lors de la légendaire ouverture tribalo-spatio-acoustique de « Empty Words » (et ses subtiles percus), sur une grosse majorité de « Crystal Mountain » ou encore lors de l’extraordinaire clôture de « Perennial Quest » – qui vous agrippe sacrément fort les glandes à émotions… D'ailleurs c’est sans doute de cette approche plus apaisée et plus expressive que découlent un léger abaissement des tempos et une durée des morceaux qui – mécaniquement – s’allonge en conséquence. Autre facteur de compréhension de l’œuvre: une fois encore, et ce de manière systématique, Chuck a opté pour une approche très "académique" de la composition, structurant ses morceaux selon un schéma en sandwich de type A-B-A (rien à voir avec le groupe de pop suédois!), dont la première partie (le 1er A) sert à mettre en place les thèmes et à monter progressivement vers le refrain/climax, dont le "B" central est réservé aux éclats solo et aux moments d’exception, et dont la 2nde occurrence du "A" permet de revenir au thème principal et de finalement rejouer le refrain. De cette structure simple, l’artiste tire une harmonie et un équilibre jamais pris en défaut, et simplifie l’approche d’un art que d’autres préfèrent laisser opaque.

 

Vous l'aurez compris: une fois encore, il y a très peu de choses à redire de cette 6e grosse production des Studios Schuldiner. Tout juste pourra-t-on regretter l’absence de Steve DiGorgio, la basse ayant regagné l’arrière-plan en même temps que celui-ci abandonnait le navire. Mais si je préfère sans doute légèrement les compos et la basse de Individual Thought Patterns à celles de Symbolic, je ne pourrai me résoudre à égratigner ne serait-ce que d’un demi-point la note d'un tel chef d’œuvre, d’autant que sa prod’ est meilleure que celle des opus précédents, plus claire, droit dans l'esprit de ce que dégagent les morceaux eux-mêmes. Une 3e œuvre parfaite donc (un 3e 10/10!), pour un groupe qui – pour moi – reste le plus « grand » des groupes de death metal.

photo de Cglaume
le 12/12/2010

4 COMMENTAIRES

frolll

frolll le 20/02/2011 à 10:20:39

Perennial Quest 4 ever ^^
Belle chro, sinon

cglaume

cglaume le 20/02/2011 à 10:36:55

Merci ;)

MutilatoR

MutilatoR le 15/11/2014 à 16:44:42

Je suis surpris qu'il n'y ai pas d'avantage de commentaires pour ce disque qui constitue à lui seul une véritable institution du metal....
J'ai découvert Death en 1992 aprés avoir acheté à l'aveugle Scream Bloody Gore et le coup de foudre fut direct. Je suis toujours aussi fan de Chuck malgré le poids des années, j'espère de tout mon coeur que sa musique ne vas tomber dans l'oubli...

cglaume

cglaume le 15/11/2014 à 23:26:45

As-tu été voir une date de la tournée de Death (sans Chuck) l'année dernière MutilatoR ? Pour un fan (comme tu sembles l'être) qui n'a jamais eu l'occasion de voir le groupe sur scène avec le maestro, c'était vraiment le panard !!

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