Drei Affen - Drei Affen

Chronique Maxi-cd / EP

chronique Drei Affen - Drei Affen

Littéralement,  Drei Affen signifie « Les Trois singes ». Manifestement, nous avons à faire à un groupe originaire d'Outre Rhin. Et pourtant, ce Power trio nous vient directement d'une petite bourgade du Nord de l'Espagne, Torrelavega. A noter que de ce côté de l'Espagne ça plaisante pas avec le Punk-hardcore : il s'y est construit et diffusé à la fin des années 90/début des années 2000 une scène Crust/screamo tout à fait remarquable et remarquée. On pense notamment aux excellents et ravageurs Ekkaia, Cop on Fire ou encore Madame Germen qui ont su reprendre à leur compte les bases posées par les pionniers du genre dans les 80's, tout en insufflant un second souffle à cette scène restait longtemps sur des bases très trads. Drei Affen semble être si l'on tend un peu l'oreille, sans pour autant faire beaucoup d'efforts tellement s'est manifeste, l'héritier de cette féconde zone d'influence Punk.

 

Au-delà du fait que le Line up de Drei Affen soit composé de trois membres, représentés respectivement au travers des figures de « trois singes », rien dans la prose du groupe ne justifie cette préférence linguistique. J'avoue qu'ils m'ont complètement mystifiés avec ce nom et ne saisis pas bien les motivations qui commandent ce choix. Quel est l'intérêt de privilégier la langue Allemande quand on ne l'utilise qu'à titre nominatif. Nos trois coreux ont peut-être simplement de la sympathie pour cette langue et trouvent dans celle-ci une résonance particulière pour qualifier un nom de groupe. Ces raisons ne semblent pourtant pas l'emporter. L'explication se trouve peut-être dans le symbole dont s'est inspiré le groupe pour se nommer. Allons donc voir brièvement du côté de ce dernier pour tenter de percer le mystère de Drei Affen.

 

Symbole issu de la tradition Chinoise, les « Trois singes » sont censés illustrer métaphoriquement le déni de réalité, l'inhibition sociale et l'autocensure. Trois attitudes dans lesquelles sont représentés nos « Trois singes » pour exprimer ces idées de renoncements : le mutisme, l'aveuglement et la surdité. Drei Affen c’est donc peut être une parabole sur l'Allemagne nazie et plus généralement sur l'apathie des masses devant l'autoritarisme et toutes les formes d'oppressions ? On connait l'attachement de la scène Crust et DIY à ces thèmes, donc pourquoi pas. De plus, une des particularités esthétique des différents genres qu'emprunte Drei Affen dans ce premier Opus, à savoir le Crust, le Screamo ou encore l'Emo-violence, repose dans l'expression cathartique et la dénonciation radicale de ce qui brise et opprime les individus. Paradoxe donc, où plutôt détournement du symbole des « Trois singes » de son sens usuel, car ce qui fait la force de Drei Affen, c'est avant toute chose sa dimension Cathartique et émancipatrice.

 

La première impression que l'on a en écoutant l'EP fraîchement sorti de Drei Affen (Juin 2016), c'est d'avoir en face de nous un groupe sacrément doué pour son jeune âge. Pas si jeune pourtant, ce combo est en réalité une excroissance du tout aussi sympathique mais disparu groupe de Skramz, OsoLuna. Voilà donc de quoi justifier le Background, le savoir-faire et l’assise musicale de ce groupe. Si d’aventure vous vouliez taquiner un peu Drei Affen, un conseil : Affutez bien vos couteaux vous allez en avoir besoin, Drei Affen est une fine lame.

 

Tout d’abord, pour celles et ceux qui apprécient le chant au féminin, Drei Affen est fait pour vous. Ça chante les tripes à vue, intimement engorgé et dans une langue qui donne une touche très exotique à cette EP. Encore un groupe qui nous donnerait presque envie de reprendre les bons vieux cours du soir et de rattraper toutes ces années de galères et de désolations perdues dans les cours de « langues vivantes ». Pour ce qui est du Screamo y a pas à transiger, c'est tellement plus séduisant en version originale. C’est pas les aficionados des japonais d'Envy ou encore des toujours ravissants italiens de The Death of Anna Karina qui nous feront dire le contraire. Rien de tel qu'une bouffée d'émotions dans la langue dans lesquelles elles sont vécues. Cela renforce, en tout cas c'est mon sentiment, l'impression d'originalité et d'authenticité de l’oeuvre. Pour ce qui est de Drei Affen, les sonorités hispanisantes et le chant de la bassiste fait de screaming, de spoken words et de passages scandés ne vous laisseront pas indifférent. Les chœurs appuyés du guitariste, dans les moments les plus poignants et les plus tendus, permettent également de renforcer la profondeur dramatique du chant et des morceaux. Le Chant est vraiment d'une très grande qualité. Il est vindicatif, rageur, d'une désespérance esthétiquement très belle et vociféré sans entraves. Paradoxe une fois de plus avec la symbolique du singe muselé.

 

Sur Drei Affen, on a très souvent l’impression de subir un pilonnage sonore en bonne et due forme tellement le batteur insiste, à grands coup de caisse claire et de grosse caisse, sur les riffs tranchants du guitariste « El Yugo », « Caen los suenos ». Le couple guitare/batterie fonctionne très bien. L'idée très minimaliste de « Hey vas-y on joue à l'unisson la même rythmique pour imprimer au burin nos riffs dans la tête des gens » est bien vue. C'est sans concession et il est difficile d'y résister. La batterie est, au-delà de son acharnement méthodique, super dense et très nerveuse. La guitare n’est pas en reste non plus. Les lignes mélodiques très sombres, dynamiques et jouées avec une tension à vous tenir en haleine de bout en bout « Fuego y Llanto », ne sont pas sans rappeler l'Emo-violence du regretté Orchid ou encore celui plus actuel de Cassus. La basse, très épaisse est le plus souvent jouée en haut du manche contre balançant parfaitement une guitare plutôt campée sur les mediums.

 

Pour ce qui est de la Prod, on est bien. Ca sent l'artisanat à plein nez sans pour autant faire dans un Lo-fi des plus fauchés. L'ensemble est très bien calibré et retranscrit à tous les niveaux l’élégance et l'engagement de chacun des trois membres. L’Artwork typé organique est aussi séduisant que le reste. Un certain nombre de personnes à l’implication certaine semblent avoir été partie prenante dans le processus créatif de Drei Affen.

 

En guise de conclusion : mention spéciale pour « Miedo » et pour l'Outro « El Comienzo del Cambio » qui avec son break abyssal et son finish tonitruant vous laisse sans voix et esseulé. Le premier EP de Drei Affen fait l'effet d'un coup de poings tellement il en impose par sa force et son éloquence. On en ressort groggy et exténué malgré ses vingt petites minutes, mais comme dirait l'autre « Putain ça c'est d'la bonne fatigue ! ».

 

photo de Freaks
le 09/02/2017

3 COMMENTAIRES

Geoffrey Fatbastard

Geoffrey Fatbastard le 09/02/2017 à 12:03:46

Emoviolence is back

pidji

pidji le 09/02/2017 à 14:24:53

Dis moi c'est plutôt cool tout ça !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 17/02/2017 à 13:31:22

Purée, je zappe les chro des ptits nouveaux où y'a crusty, Ekkaia, Cop on Fire ou encore Madame Germen dedans !!!!!!. Ceci vais jouer mon chiant : Cop On Fire, mise à part son origine géographique, a peu à voir avec les deux autres combo que tu cites. Cop on Fire n'a pas d'élément screamo, c'est du crustpunk.

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • ULTHA au Glazart à Paris le 27 juin 2025
  • Devil's days à Barsac les 9 et 10 mai 2025
  • Seisach' 6 les 17 et 18 octobre 2025