Orange The Juice - You Name It

Chronique CD album (34:23)

chronique Orange The Juice - You Name It

Le Nawak Metal n’est pas, a priori, le genre qui fait le plus rêver l'Europe de l’Est. Du moins c’est la conclusion que l’on semble pouvoir tirer au vu du tout petit nombre de groupes qui ont réussi à faire entendre leur voix jusqu’à nous – Hesus Attor pour la Croatie, Hentai Corporation pour la république Tchèque, plus quelques Folkeries bondissantes du côté de Dirty Shirt (Roumanie) et de Zmey Gorynich (Russie)… Vous conviendrez que cette courte liste ne suffit pas vraiment à définir les contours d’une scène Nawak Metal locale, d'autant que les dimensions de la zone géographique évoquée interdisent d'y trouver une réelle unité!

 

N’empêche, il ne faut pas désespérer, continuer de braquer sa loupe sur les endroits les plus improbables, et en s’attardant dans les coins ombragés et en déplaçant les bonnes pierres, on peut encore tomber sur de belles petites trouvailles. Comme par exemple Orange The Juice (référence au Lemonade de Mucky Pup? Au Pork Soda de Primus? Aux bénéfices faramineux des grands opérateurs Telecom?), déniché à Stalowa Wola, dans le sud-est de la Pologne. Et l’investissement considérable fait par CoreAndCo dans un détecteur à métaux Nawak d’être aussitôt amorti! Car avec You Name It, premier album de cette formation pleine de vitamine C, on parle d’un pur produit Bunglien prenant sa source à mi-chemin entre les expérimentations exigeantes de Disco Volante et les métissages décontractés de California. Le rapprochement avec le 2e album de la bande à Spruance et Patton, on le fait dès « Facing The Monsters », cette intro revêche étant la parfaite jumelle de « Everyone I Went To High School With Is Dead » en cela qu’elle semble avoir été mise en première position afin d’écrémer les rangs de l’auditoire pour ne garder que les plus endurants et les plus ouverts d’esprit. C’est que cette minute 21 n’est qu’ambiance oppressante allant crescendo et explosion hérisse-poils sans queue ni tête de cuivres stridents, de magma guitaristique et de batterie apoplectique.

 

Pas spécialement sexy jusque-là!

 

Sauf que la suite n'est que volupté et ivresse des sens pour le Bunglophile averti qui aime que les délires joyeux restent pointus et raffinés en évitant l'écueil de la bouffonnerie facile, mais qui tient à ce que les expérimentations ne sombrent pas non plus dans le snobisme avant-gardiste.

 

You Name It propose donc un mélange foutraque mais pourtant parfaitement cohérent et merveilleusement bien pensé de tout plein d’éléments dont le moins que l’on puisse dire est qu'ils contrastent sévèrement – musiques cuivrées (Ska, Jazz, Fanfare songs…), Metal ravagé (TDEP-like, noise-coreries criardes, metal extrême musclé…), Surf Rock, Pop ouatée, Disco funky, musique de film… Mais vous connaissez la maison Nawak et sa déco hautement patchorkesque: vous ne serez donc pas étonnés. Derrière le micro, on ne change pas les bonnes habitudes, et c’est encore une fois un clone très doué de Mr Patton qui part dans des accès gravement schizo, ronronne dans des registres relativement nasaux et – globalement – entretient sa bipolarité avec l’obstination du candidat passant le casting pour le premier rôle dans Split. La quantité d’instruments utilisés est évidemment impressionnante (on entend même un break au triangle au bout d’une minute sur « Cradle To The Grave »!), et parmi ceux-ci il faut notamment signaler la basse qui est particulièrement présente et féline – les amateurs apprécieront!

 

Pour finir d'ouvrir grand le robinet à salive, on piochera de-ci de-là dans la tracklist, afin que vous sachiez qu’« Out of Place » réussit haut la main son cocktail Metal velu / Bee Gees, que « 10,5 » propose plusieurs occurrences d’un passage Ska excellent aux ‘R’ amoureusement roulés… Et que les loustics ont poussé le n’importe quoi industriel jusqu’à faire s’entremêler leur 3 derniers morceaux, « 10,5 » et « 10,5 Final » n’étant – comme leurs noms l’indiquent – qu’un même morceau interrompu par l’interlude « Project Good Life », ce dernier s'avérant n'être en fait qu'une prolongation du thème fanfaresque introduisant « 10,5 ».

 

Bref, amateurs de bonne chère, réjouissez-vous: cet album est certifié 100% "foire à la saucisse"!

 

Le message devrait donc commencer à être clair: You Name It, c’est rien que du miel les copains. Piquant parfois, plutôt 1000 fleurs que pur acacia, il attire potentiellement les abeilles impatientes et transforme les Gizmo en gremlins si on leur en donne après minuit... Mais il régalera les nostalgiques du grand Bungle – ou, plus près de chez nous, des Vladimir Bozar, Stanley Kubi et autres Sebkha-Chott (sur ses épisodes les plus joyeusement cuivrés). Alors dépêchez-vous de goûter ce délicieux nectar avant que le papillon de la pochette ne se soit fait complètement dévorer!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Mr. Bungle a également fait des petits en Pologne, ça y est, c’est prouvé! Même que dans son biberon, le lait du rejeton avait un petit goût de Tropicana. Alors que les nawakophiles qui étaient passés à côté de You Name It n’hésitent pas à se jeter sur ce premier album plein de pulpe et de vitamine C!

photo de Cglaume
le 26/02/2019

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