Shannon Wright - Division

Chronique CD album (32:00)

chronique Shannon Wright - Division

Il arrive parfois qu'une passion libératrice devienne un poids. Qu'elle ronge les certitudes, qu'elle grignotte l'assurance qu'elle avait mis tant de temps à donner.
Tout le monde vit ces instants qui peuvent durer des heures, des jours, des mois, des années...et tuer à petit feu l'âme d'une(e) passionné(e) parfois (sur)doué.
Aucun artiste n'y échappe. Rares sont ceux qui acceptent de faire face à cette épreuve et d'en parler sans mal. Plus rares encore sont ceux qui l'utilisent pour se réinventer.

 

Avant de sortir ce touchant "Division", Shannon Wright est passée par tous ces états songeant à arrêter la musique. Elle en a accouché 33 minutes tourmentées, sombres mais subtiles et riches.
La guitare aurait pu grésiller lourdement plus souvent comme sur l'excellent titre d'ouverture (et le second), mais elle s'efface pour le piano qui s'invite tout au long de ce disque.
Tantôt effleuré sur quelques touches, parfois libre d'envolées, le clavier peut aussi s'emballer et traduit ce nouveau tourment qui a accompagné Shannon Wright ces dernières années. 
On est loin de l'aspect "brut" de ses précédents disques : "Division" est austère (la base électro minimaliste d'"Accidental") mais aussi feutré (les légers arrangements). Froid dans son propos et dans la réalisation, il se dégage pourtant une atmosphère très intimiste ("Wayward"). 

On imagine facilement Shannon jouant seulement pour son auditeur : une chaleur humaine bien éloignée de l'ambiance glaçante du disque.

L'écrasante affliction de l'artiste offre des passages parfois rudes comme sur "Soft noise" alors que certains titres caressent les oreilles avec un gant recouvert d'émeri. 
Il y a également cette étrange sensation de voir le temps s'allonger. On perd ses repères dans ce disque qui semble durer le double de sa demi-heure sans qu'il ne soit question d'ennui : Shannon Wright vole le temps pour se l'approprier et le chambouler, le déséquilibrer. Les titres sont courts mais leurs effets s'éternisent bien après l'arrêt du lecteur. 
 

Ce disque est tremblant, troublant, grave et profondemment marqué par des pensées sombres. Jusque-là rien de nouveau chez Shannon Wright diront certains (sans avoir tort). Mais on se retrouve à des années lumières d' "In film sound" et ses précédentes productions, bien plus rock. Alors que mon camarade El Gep reprochait, à juste titre, une certaine propension à se répéter, l'américaine a sorti de son grenier des claviers Hammond, des pianos classiques pour donner un nouveau sens à sa musique et prendre les tripes autrement.
Ce disque est une thérapie exutoire (et presque exhibitionniste) pour sa créatrice mais aussi un accompagnement à l'introspection forcée de ses auditeurs. B.O idéale pour une maison hantée par ses propres habitants, "Division" est un virage musical dans la carrière de l'artiste que l'on choisira de suivre ou dont on s'éloignera de la nouvelle voie qu'elle tente de tracer.

photo de Tookie
le 10/06/2017

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