Orphaned Land + In Vain + Subterranean Masquerade + Aevum le 28/02/2018, Ferrailleur, NANTES (44)

Salle : Ferrailleur
NANTES (44)
Alors qu'on se gelait grave les miches en terres bas-normandes, l'idée de partir en escapade sur Nantes où le climat s'avère généralement plus doux restait fort aguicheuse. Surtout pour voir Orphaned Land. Que j'ai déjà vu à plusieurs reprises en festival, chaque fois s'accompagnant d'une fièvre transcendante – d'origine musicale, pas éthylique, je vois bien venir les mauvaises langues – du plus bel effet, autant dire qu'il aurait été dommage de laisser l'occasion passer de les voir investir les planches plus intimistes d'une salle au cours d'une date en tête d'affiche. D'autant plus que j'ai fortement apprécié Unsung Prophets & Dead Messiahs, à contrario d'un lapinou dont l'écoute l'a métamorphosé en véritable Calimero larmoyant et que j'étais par conséquent fort curieuse de voir le rendu de ces derniers titres en live, poussant le bouchon du symphonique plus loin qu'à son habitude au détriment de l'exotisme vagabond que l'on pouvait bien avoir dans le passé. Autre bouchon poussé plus loin : l'espoir se meurt de trouver des températures clémentes tant il fait un froid sibérien encore pire en Loire-Atlantique où la soirée se voit même pourvue de son lit blanc neigeux. Pas forcément très rassurant pour reprendre la voiture tant la crainte de la patinoire se fait ressentir mais en revanche imparable en terme de contraste entre le contexte météorologique et l'ambiance orientale proposée entre les murs du Ferrailleur en ce dernier jour de février.
En attendant, à peine arrivé dans ladite salle, pas le temps de moufeter et se remettre du contexte glacial extérieur, puisque les Italiens d'Aevum investit déjà les planches avec une quinzaine de minutes d'avance par rapport à l'horaire de début annoncé. En même temps, vu qu'il y a quand même quatre groupes à l'affiche ce soir, pas forcément étonnant qu'il faille que les choses tournent bien et vite. Malheureusement pour eux, cette avance ne rend leur position que plus difficile tant le public est peu présent et clairsemé, le peu de zélés des horaires étant visiblement plus occupé à se récompenser de leur courage de déplacement par une bière et autres salutations/retrouvailles amicales plutôt que de prêter une oreille attentive à ce qu'il se passe devant. Chose qui se voit progressivement réglée, les rangs se garnissant petit à petit au cours de cette demi-heure d'échauffement, bien que l'audience joue davantage la carte de l'accueil poli que véritablement emballé. Il faut dire qu'un registre symphonique grandiloquent à forte vocation théâtrale directement influencé de Therion, ce n'est pas forcément du goût de toutes oreilles. Même si pas forcément désagréable dans son genre – on notera ces quelques lorgnages vers l'électro tel qu'on a pu l'entendre chez des combos comme Delain, histoire d'étoffer le propos et registres d'influences – il y a comme ce petit goût de kitsch qui reste en travers de la gorge vis-à-vis du contexte. Déjà, sortir toute l'armada de gimmicks gogoths et autres poses, allant même jusqu'à la danseuse allant et venant selon les titres sous différents accoutrements et prestations pas forcément maîtrisées, sur un espace aussi confiné – une partie du matériel de la tête d'affiche étant déjà installée en fond de scène, réduisant la taille au maximum – et, surtout, pour un temps de jeu aussi réduit, cela laisse un peu circonspect. Bref, un peu trop d'ambition vis-à-vis du contexte, d'autant plus que le son un peu trop focalisée sur le chant féminin au détriment du reste empêche quelque peu de juger de la bonne teneur globale des compositions, qui ne semblent pourtant pas inintéressantes et semblent plutôt bien maîtrisées. Mais voilà, la mise en scène maladroite et quelque peu hors de propos fait que beaucoup semblent avoir du mal à plonger dedans et apprécier, même si le groupe arrive néanmoins à faire participer quelques têtes durant les derniers moments de la prestation. Bref, à en voir le merchandising et autres discussions des futurs cancéreux du poumon, Aevum recueille un suffrage plutôt mitigé ce soir.
Si le son n'était pas forcément optimal, il semblerait que Subterranean Masquerade en fasse les frais aussi et ce, avant même de commencer. Des soucis de clavier pourtant indispensables pour interpréter leur metal prog' arabisant, font qu'ils peinent à démarrer leur set. Par chance, le public se montre bien moins glacial que la météo et n'hésite pas à y aller de ses holà d'encouragements, poussant l'un des deux vocalistes, se révélant d'ailleurs au final un simple intérimaire intervenant pour les besoins de cette tournée, de débouler afin de taper un brin de causette et chauffer sympathiquement la fosse. Une entrée en matière aussi charismatique que rare qui fait qu'on a envie d'aimer ce groupe avant même d'en avoir entendu la moindre note. Par chance, le contretemps s'avère rapide et sitôt la musique commencée, on se retrouve véritablement à adorer ce que l'on voulait aimer quelques secondes plus tôt. Et pourtant, encore une fois, le son ne rend pas tellement honneur à un répertoire si fin, entremêlant rock/metal prog', musique orientale et jazz, avec beaucoup d'élégance et ce, sans jamais partir vers la démonstration inutilement complexe. Chose à laquelle on ne pourra constater qu'en l'écoutant sur disque tant cette présente version live perd dans son raffinement. En revanche, elle en gagne beaucoup en dynamisme en contrepartie, plus percutante et remuante à l'image de ses interprètes s'avérant être de véritables pois sauteurs sur scène. Ajoutons à cela ce fameux frontman intérimaire continuant son jeu de jovialité et de communication perpétuelle avec le public, allant même jusqu'à aller s'engouffrer dans la foule pour chanter sur les barrières de la console façade et on obtient un constat plus que contagieux donnant un bon coup de boost et de chaud au Ferrailleur, sans même avoir besoin d'augmenter le thermostat. Bref, le patronyme n'était pas forcément très engageant sur le papier mais Subterranean Masquerade s'est avérée être la putain de claque découverte de la soirée !
Si, en terme de claque, notre cher Xuartec ne tarira pas d'éloges sur les Norvégiens d'In Vain, il faut admettre que ces derniers n'ont vraiment pas la place facile. Pris en sandwich entre deux registres arabisants, c'est sûr qu'il est bien plus compliqué de se mettre dans une ambiance black/death progressives sans fioritures exotiques. Ce qui est d'autant plus valable lorsqu'on n'en a jamais entendu une note. Davantage focalisée sur le sonore que sur la prestation en elle-même, difficile de juger de la bonne teneur de cette dernière. En revanche, le son se montre sous son meilleur jour dans cette troisième partie de soirée, ce qui ne rend sa découverte que plus agréable. Parce qu'In Vain, il faut reconnaître que ça crache hyper bien, avec tout plein de bonnes idées et d'atmosphères qui méritent qu'on les connaisse et les potasse au calme à leur juste valeur. Bref, un petit recueillement sonore, coude au comptoir, qui va bien, calme entre deux tempêtes. Et qui mérite sans doute d'être de nouveau vécu sur les planches une fois ce défaut de culture musicale personnelle corrigé et galette bien éculée dans le lecteur afin d'en apprécier la dimension. Et à ce niveau, l'assistance semble se mettre d'accord sur ce point tant elle semblait partagée entre la découverte attentive des uns et plus grande implication des autres, familiers avec le répertoire.
On arrive enfin à la tête d'affiche. Et soyons honnête, trois tours de chauffe pour y parvenir, c'est quand même un peu trop, de même que cela fait craindre sur la possibilité d'un temps de jeu réduit afin de respecter le couvre-feu. Par chance, le côté portuaire sans spécialement d'habitations proches fait que le Ferrailleur ne semble pas embêté de ce genre de tracas. C'est ainsi que l'on retrouve Orphaned Land dans son entièreté et ses 1h30 de set. Soulagement ! En revanche, on appréciera moins l'absence de danseuse/chanteuse, à l'instar du Hellfest 2016, les Israéliens ne foulant les planches qu'avec leurs bites et leurs couteaux si je peux m'exprimer ainsi. Dommage, un peu de danse du ventre aurait permis d'autant plus oublier la vague de froid extérieure. Bah oui, même Kobi nous le dit très rapidement : « c'est qu'il ferait un peu froid ce soir ! ». Juuuuuure ! Avant de souligner l'air de rien que la situation météorologique globale était tout de même fort étrange ces derniers temps. C'est qu'on peut rester militant en toute circonstance, même sur les banalités usuelles de pluie et de beau temps. Parce que bon, lapinou en aurait eu pour son grade s'il aurait été présent ce soir, les tirades de paix, d'amour, de bisous et léchouilles baveuses inter-peuples et autres piques cinglants envers telle ou telle atrocité de faits d'actualité, elles sont toujours là, omniprésentes. Se planquant à chaque réplique, et surtout, vu le registre du dernier album plus sympho-pompeux – dans son sens acceptable pour mes oreilles, le too much n'est pas encore atteint – misant davantage sur le propos que le dépaysement, dans pas mal de gestuelles. Un dernier méfait sans surprise, bien mis en avant et célébré comme il se doit. Et honnêtement, si le côté hautement symphonique impose de l'interprétation millimétrée, ne laissant que peu de place à la spontanéité et autres dérives, il faut admettre qu'en terme d'interaction et ambiance de fosse, ça passe comme une lettre à la poste. Parce qu'il y a toujours quelque chose d'émouvant de voir tant de poings en l'air clamant des « We Do Not Resist » à pleine gorge, tels de parfaits révolutionnaires aux rêves utopiques. Certes, on retrouvera notre train-train et le Français aussi râleur que lâche dans toute sa splendeur dès le lendemain, tel un mouton dans son pâturage mais bon, ça fédère et colle son petit lot de frissons en terme communautaire. Une assistance à fond dans le mouvement d'ailleurs, de tous âges et de tous bords, allant par-delà du metalleux basique, ce qui ne fait que renforcer cette émotion particulière, faisant qu'un concert d'Orphaned Land reste une expérience marquante. Et envoûtante. D'autant plus lorsque ça part dans le vieux registre, notamment quand ça vient puiser sur des Mabool ou encore Sahara, nous rappelant que les Israéliens ne sont plus tout jeunes et permet d'ailleurs de reconnaître les gens de la fosse ne connaissant que les deux derniers albums en plus des deux classiques, « Sapari » et « Norra El Norra » toujours aussi merveilleux à se prendre en pleine face en live, même si l'on regrettera les samples des voix féminines trop mises en retrait, où l'on peut se permettre de faire de l'arabe chewing-gum sans risque de s'attirer les moqueries de ses congénères. Mais point de simili-danse du ventre informe et graisseuse, les rangs étant bien trop serrés pour se permettre ce genre d'audace. On notera ce tendre hommage à la figure d'Holy Record, présente dans le public, leur ayant permis d'investir les terres hexagonales et européennes, en ressortant du placard le titre fétiche de l'intéressée, la vieillerie plus que poussiéreuse issue de sa première démo, « The Beloved Cry », un moment rare et spécifiquement joué sur cette date. De quoi se sentir privilégié d'avoir été là, d'avoir eu sa dose de partage et de communion humaine. Et de quelques doux grains de sable du désert au travers des flocons de neige. Et de moiteur et de parfums d'aisselles mal désodorisés alors qu'on était en plein hiver russe. Bref, vachement mieux que la camomille brûlante sur son canapé emmitouflé tel un wrap dans sa couette en s'abrutissant des bonnes nouvelles du monde sur BFM TV !
Setlist :
- The Cave
- All Is One
- The Kiss Of Babylon
- Ocean Land
- We Do Not Resist
- Let The Truce Be Known
- Like Orpheus
- Yedidi
- Birth Of The Tree
- In Propaganda
- All Knowing Eye
- Sapari
- In Thy Never Ending Way
- The Beloved Cry
- Norra El Norra (Rappel)
- Ornaments Of Gold (Outro)
1 COMMENTAIRE
cglaume le 22/03/2018 à 13:48:26
Calimerorphaned land, c'est vraiment trop injuste...
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