Aara - Eiger
Chronique CD album (55:23)

- Style
Black Metal - Label(s)
Debemur Morti - Date de sortie
6 décembre 2024 - écouter via bandcamp
Retour sur terre pour les Suisses d’Aara !
Finie la trilogie flamboyante inspirée du roman gothique Melmoth ou l’Homme errant de Charles Robert Maturin. Une Triade qui – au niveau de son intensité mélodique et de son chaos émotionnel – avait atteint des sommets. Place désormais à d’autres sommets, bien réels ceux-là, puisque – comme le suggère la pochette créée, comme pour les trois derniers albums, par le peintre suisse Michael Handt et inspirée de l’œuvre de Yurii Kazarian – Eiger a cette fois-ci pour cadre conceptuel la montagne. Eiger est en effet une montagne des Alpes bernoises de près de 4 000 mètres, l’écrin depuis 1935 de la mort d’au moins 64 alpinistes, qui avaient tous tenté de conquérir la face nord. Au point de lui valoir depuis le surnom de « Mordwand » (« mur du meurtre »).
Composé entre 2022 et 2023 et à nouveau accompagné au mix et mastering par Markus Stock du Klangschmiede Studio E. (The Vision Bleak, Alcest, Empyrium, Eluveite…), ce 6e album explore spécifiquement la tentative d'ascension du Mordwand en juillet 1936 qui s'est terminée par la disparition de quatre jeunes alpinistes. Une expédition vouée à l’échec, ce qui ne les a pas empêchés de rudement se mettre à l’épreuve. Jusqu’à la mort… Ce nouveau cadre d’expression des talents d’écriture du guitariste Berg tenait à cœur à ce dernier, tant la montagne est pour lui « un « lieu de spiritualité », « un lieu d’identification » de la relation heurtée mais féconde entre l’Homme et la Nature. La beauté des paysages et l’émerveillement qu’ils suscitent viennent se fracasser sur cette aventure humaine tragique.
Aara se devait donc de faire évoluer son Black Metal et l’adapter à ce nouveau décor, à ce nouveau récit. L’intro, exécutée avec délicatesse par Jonny Warren, acolyte de Berg dans le side-project Modern Rites, nous offre un bref moment de répit avant le début de l’ascension qui laisse entrevoir les mêmes lignes de force d’Aara : les traits de Berg à la guitare, toujours aussi expressifs et mélancoliques, ainsi que les cris de Fluss, toujours aussi torturés (et agaçants pour d’aucuns…). Ce "Die das wilde Wetter fängt" laisse cependant déjà entrevoir deux changements importants, perceptibles sur le reste de cette offrande avec, d’un côté, un jeu de J. à la batterie moins monolithique avec un gros travail sur les cymbales et sur les variations de rythme et, de l’autre, des phases plus calmes – semblables à des pauses durant cette montée périlleuse sur des pentes fortement déclives – offertes en particulier par une franche insertion de la guitare acoustique dans le mix. Y sont souvent associés des samples immersifs : pas dans la neige, coups de pioche sur les parois gelées, bruits de corde, vents glacés, tempêtes hivernales, cris des alpinistes en souffrance.
Sur "Senkrechte Welten" et "Felsensang", l’entrelacs proposé entre des passages légers, presque sereins et planants, et des ruptures de pente laissant place à une musique agressive et à une cadence frénétique, est la marque de fabrique du Black Metal mélodique de ces Suisses. Berg reconnaît très volontiers que ces deux morceaux forment « un puissant duo lyrique et musical ». Par la suite, l’épreuve et la verticalité se font ressentir de plus en plus durement au fur et à mesure que nous progressons dans ce Eiger. "Todesbiwak" et "Der Wahnsinn dort im Abgrund" (superbes 3e-4e minutes) nous amènent vers une ambiance plus hostile et plus oppressante. L’âpreté de cette ascension musicale nous offre, à l’image des paysages somptueux qui se sont offerts aux alpinistes sur le point de se perdre, d’authentiques moments de grâce à l’approche des deux dernières propositions, autant sur "Grausig ist der Blick" (3e et 5e) que sur "Alptraum", dont les trois dernières minutes mettent les poils !
La montagne, si belle, si envoûtante, si périlleuse.
Le Black Metal d’Aara, si beau, si captivant, si abrupte.
En dépit d’un titre peu probant (l’intérêt pour "Zurück zur roten Fluh" ne s’éveille chez moi que lors de son ultime minute) et d’une intensité qui ne dépasse pas celle offerte par sa Triade, Aara réalise à nouveau un travail de très belle facture qui ne tarit pas la qualité remarquable de ses compositions, alors même que les sorties s’enchainent à un rythme quasi annuel ! Une prolificité impressionnante !!!
3 COMMENTAIRES
Pingouins le 20/12/2024 à 11:59:08
Vraiment un très chouette album, j'avais écouté quand ils avaient fait une session d'écoute en avant-première y'a une semaine. Franchement quali.
Un autre surnom de l'Eiger, notamment du fait des nombreux morts sur la fameuse face nord, c'est "l'Ogre".
Pingouins le 20/12/2024 à 11:59:40
Une semaine avant la sortie je voulais dire*
Thedukilla le 20/12/2024 à 23:52:12
Et voilà Aara deux fois dans mon top 10 la même année…
Peut être 3 fois pour Berg, étant donné que j’étais passé à côté de l’album de Modern Rites et qu’il se fraie doucement un chemin dans mon crâne au fil du temps.
Sinon l’Eiger est au centre d’un excellent roman de Trevanian, « The Eiger Sanction » (« La Sanction », en version française). Ça peut faire un joli combo sur une journée pluvieuse de Décembre.
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