Aara - Triade II: Hemera

Chronique CD album (41:43)

chronique Aara - Triade II: Hemera

En Ergô Einaï, Black Metal élégant !

 

Triade I : Eos, Black Metal flamboyant !!

 

Triade II : Hemera, Black Metal … étincelant !!!

 

Me voilà condamné à taper dans le dico des synonymes pour qualifier la 4e album (n’oublions pas le premier So Fallen Alle Tempel…) des Suisses d’Aara dont je n’ai cessé de reconnaitre la qualité et le buissonnement de son Black Metal atmosphérique. Dans cette gradation laudative, la première pierre de la Triade, trilogie commencée l’année dernière et centrée autour de Melmoth, classique impérissable de l’auteur irlandais Charles Robert Maturin paru en 1820, fait office d’accélérateur décisif.

 

Collant à nouveau à ce roman gothique et fantastique (dont j’ai déjà dressé les principales lignes directrices), Hemera est naturellement connecté par prolongement à l’ambiance et au style d’Eos. Aara suit fidèlement le récit chronologique de ce héros maudit et captif de son pacte avec Satan et qui erre d’aventure en aventure en quête d’un remplaçant. Et à mi-parcours du livre, l’atmosphère se fait bien plus noire, en même temps que la nuit se fait plus importante, plus malfaisante ("Sonne der Nacht"). Ce moment de refuge et de cauchemars, ce lieu de fantasmes et de voyages obscurs est l’occasion pour Aara de manifester, à l’instar de Melmoth, son scepticisme face au théisme et aux croyances. Quelles qu’elles soient ! D’où l’insertion aussi bien de chœurs chrétiens, de chants traditionnels indiens que, chose assez rare, du chofar, son emblématique des fêtes juives tiré d’un instrument traditionnel élaboré à partir d’une corne d’animal. Ces samples accompagnent fort bien la sauvagerie vocale de la chanteuse. D’ailleurs, à ce sujet, si vous découvrez Aara à l’occasion de cette chronique, le sous-mixage assumé de la voix arrachée de Fluss et peut-être également le matraquage de J. derrières les fûts (roooh, c’te fin de "Strepitus Mundi" !!!) et que l’un et l’autre vous rebutent à première vue, s’il-vous-plaît, allez au-delà... pour comprendre la richesse et la puissance du langage musical élaboré par ces Suisses.

 

‘Gardez comme ils sont beaux !

 

La force inouïe de cette proposition épique et exaltée, qui place ainsi Hemera encore au-dessus de la qualité déjà remarquable d’Eos, est d’être parvenu à apposer un voile bien plus sombre sur la musique que le trio helvète avait jusque-là défendue. L’énergie créatrice et les subtils changements de rythme sont toujours aussi incroyables, mais ce velours noir, simplement suggéré sur l’entame "Phantasmagorie" (à la 8e minute), prend peu à peu possession de tout son support. Sur "Adonaia's Elegien", peut-être le meilleur morceau du compositeur/guitariste Berg à ce jour, l’auditeur se fait bringuebaler dans un vertigineux emboîtage de riffs et dans un incessant va-et-vient entre mélodies voluptueuses et agression en règle, entre Lumière et Obscurité, enrobées dans un ensemble que son label Debemur Morti résume en « brutalement mélodique ». Toutes les couleurs semblent sombrer dans le désespoir avec "Das Dunkel der Welt" et se dissoudre dans le riffing de "Strepitus Mundi", avant que les rets de lumière réapparaissent au début de l’outro "Mitgift" (excellent passage également à partir de la 4e minute). Donc, à l’image du roman noir dont il se réfère, Triade II : Hemera est un album-labyrinthe finalement éblouissant et dont je suis sorti sans voix !

 

L’œuvre noire de Maturin a pu fasciner en leur temps aussi bien Balzac, Baudelaire, Oscar Wilde, Antonin Artaud, qu’André Breton. Ce dernier avait d’ailleurs trouvé les mots justes : « Le génie de Maturin est de s’être haussé au seul thème qui fût à la hauteur des très grands moyens dont il disposait : le don des noirs à jamais les plus profonds, qui sont aussi ceux qui permettent les plus éblouissantes réserves de lumière. »

 

Or, ces quelques lignes correspondent trait pour trait, titre après titre, au chef d’œuvre accompli par Aara dans ce deuxième volet…

… Et dire que l’enregistrement de l’album final de la Trilogie Melmoth a déjà commencé !

 

 

photo de Seisachtheion
le 16/05/2022

2 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 16/05/2022 à 12:24:21

"Brutalement mélodique" exactement. Et beau

Alias

Alias le 17/05/2022 à 07:13:54

Tiens, encore un groupe suisse que je ne connaissais pas. Je pense que je vais combler cette lacune dans pas longtemps.

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