Afterbirth - In But Not Of

Chronique CD album (35:45)

chronique Afterbirth - In But Not Of

Si l’on ne connait pas Afterbirth et qu’on tombe sur In But Not Of au détour d’un bac de disquaire (« bac » ? « disquaire » ? T’es so 1990 cglaume !), ce bain de couleurs, ces collages onirico-urbains, ce titre chanmé-le-concept-t’as-vu attireront en priorité les amateurs de musiques post-expérimentales pleines de zigouigouis Electro feutrés, de saxo gambadant autour des guitares, de textes susurrés et de toms heurtés selon des logiques acycliques. Or, quand « Tightening the Screws » s’invite dans la tiédeur de votre salon, ce n’est pas pour vous annoncer une nouvelle entrée dans le Top annuel de mes collègues Xuaterc ou Moland, loin de là. Secouage de bretelles en règle, vrombissements combinés, BruBruBrüüü d’évier qui se vide, dissonance barbelée, coups de griffe sur la joue et parpaings dans les côtes : au menu c’est salade de molaires dans leur pulpe de gencive, le tout confectionné sur mesure par l’un de ces vicieux chefs Brutal Death.

 

Eh ouais, ‘z’aviez qu’à lire régulièrement CoreAndCo : vous auriez su qu’Afterbirth est un pionnier de la scène. Et que son avant-dernier album, Four Dimensional Flesh, nous avait fait forte impression en 2020. Vous auriez de plus eu les clés pour comprendre le pourquoi de ces extravagances visuelles si peu raccord avec le discours usuel des Infernal Stream of Liquid Viscera et autres Covered With Fecal Smudges (si ces groupes n’existent pas, ils devraient).

 

Vous sauriez entre autres 1) qu’à la basse on trouve David Case, qui turbine aussi chez Helmet 2) que depuis sa reformation, le groupe a comme des envies d’ailleurs. Cela était déjà évident sur un opus précédent lézardé de plans atmosphériques relativement décalés qui lui donnaient de faux airs de Cephalectomy américain. Et c’est plus que jamais d’actualité sur In But Not Of, même s’il faut un peu de temps au groupe pour vraiment se lâcher. Car hormis quelques chœurs en chant clair (tendez l’oreille), « Tightening the Screws » se contente de tabasser. Alors certes, la prod’ permet d’avoir une idée très claire de tout ce qui se passe dans ce maelstrom, un peu comme chez ces groupes de Prog dont le batteur tient à ce que l’on entende la moindre caresse de ses balais sur la caisse claire. Mais initialement cette clarté est mise au service de la brutalité. Il faut attendre « Devils with Dead Eyes » pour que les nuances commencent à pointer le bout de leur nez (rythmique punky, vernis beumeuh, solo héroïque, et un final « post » cosmico-duveteux)... Mais là encore la poigne reste ferme, et le ton rugueux. Et cette dynamique de durer jusqu’à la fin de « Vivisected Psychopomp », les breaks ravageurs et les slammosheries au saindoux présents sur les titres suivants tolérant parfois quelques parenthèses ambiantes, mais sans pour autant les laisser prendre trop leurs aises.

 

En revanche, à partir de « Hovering Human Head Drones », d’impérieuses vapeurs émancipatrices commencent à s’échapper de la cocotte Afterbirth. Démarrant sur des percus dociles laissant vite place à des guitares planantes, le morceau s’apparente à un trip mystique tout juste interrompu par des hachures growlées. Plus proche encore du mode « exercice de style », son successeur reste pendant 4 bonnes minutes dans un registre instrumentalo-intimiste qui semblerait plus naturel sur un disque de Klone – ou de l’un de ses collègues cérébraux – qu'au sein d'une galette abritant du gruïïk. Sur « Angels Feast on Flies » et « Death Invents Itself », ce sont de plus sombres pensées qui se manifestent, et qui poussent le groupe à flirter ponctuellement avec le registre Black Metal (on croirait entendre du Thy Serpent sur le deuxième de ces titres, toutefois habité par un larynx d’ursidé). Mais le pompon c’est encore « Time Enough Tomorrow » qui le décroche en fumant nonchalamment le calumet pendant deux bonnes minutes et demie, avant de laisser une nappe glacée tomber doucement, ses vrombissements sourds étant propices au réveil de nos angoisses les plus angoissées (« bon dieu de bon dieu, reste-t-il du beurre de cacahuètes dans le frigo ? »).

 

Plus encore que Four Dimensional Flesh avant lui, In But Not Of n’est donc clairement pas un album pour tout le monde. Car, pour l’apprécier, il faut non seulement tolérer les traces de slime et les poils roussis du Brutal Death, mais également les prises de tête planantes des Posteries atmosphériques. Ce qui poussera un large public à trouver l’album plus intriguant que vraiment kiffant – sans compter ceux, nombreux, qui se contenteront d’un « Pouah… N’importe quoi ! ». En ces pages, vous l’aurez compris, on a aimé l’exercice… Même si on aurait préféré encore 1) une mixture plus homogène 2) du tube à siffler sous la douche et à faire écouter à sa chérie – si si, ça aurait pu se faire. Mais le mieux étant l’ennemi du bien, on se satisfera de ce bel oxymore discographique, en effet plus in que [b]of.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : plus Post- et atmosphérique encore qu’à l’époque de Four Dimensional Flesh, Afterbirth lâche progressivement les amarres de son Brutal Death pour le laisser dériver dans des ambiances onirico-cosmiques à des années-lumière de la bauge de Devourment. On regrette un peu le côté bipolaire de ce 3e album – franchement grumeleux sur son entame, et beaucoup plus planant par la suite – mais on salue cette suite logique d’une démarche artistique osée entamée depuis six ans déjà.

photo de Cglaume
le 13/10/2023

2 COMMENTAIRES

Black Comedon

Black Comedon le 19/10/2023 à 13:13:40

que 2 morceaux en écoute, difficile de se faire un avis définitif, mais ce gruik progressif me parle.

cglaume

cglaume le 19/10/2023 à 15:42:19

Patience, c’est pour bientôt ! 😉

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