Afterbirth - Four Dimensional Flesh
Chronique CD album (35:27)

- Style
Atmospheric Brutal Death - Label(s)
Unique Leader Records - Date de sortie
13 mars 2020 - écouter via bandcamp
L’étiquette « Brutal Death » t’horrifie presqu’autant que « Porn Grind »? La pochette comme le contenu musical de Butchered at Birth t'ont vacciné à tout jamais contre cette scène? La dernière fois que tu as vu un patch Brodequin, tu as changé de trottoir? Eh bien ne perds pas espoir amigo, car il existe encore pour toi une porte d’entrée vers le monde merveilleux du micro vomissant, de la cymbale pulvérisée et du riffing mésosphèrien. Cette entrée de service pour métalleux délicat, c’est Four Dimensional Flesh d’Afterbirth. Oui, tu as bien compris: « afterbirth » comme « placenta », et « four dimensional flesh » comme une vidéo Pornhub tournée en réalité virtuelle + odorama. Et en effet: outre cette pochette qui sent bon le rétro-futurisme à la Mœbius (cf. l’« Incal ») garantie sans éclaboussure ni tâche de fluide douteux, la musique des vétérans américains dont il est aujourd'hui question te permettra de t’acclimater progressivement aux standards du genre que sont les grosses décélérations grumeleuses made in Slam Death et les borborygmes intestinophones.
Mais commençons pas causer du Qui. Parce qu’Afterbirth n’est pas le nouveau groupe de Brandon, jeune joueur de base-ball qui voudrait bien concilier ce qu’il a entendu sur le dernier The Faceless avec sa passion pour Unfathomable Ruination. Non, on parle là d’un groupe qui a 27 ans de Bleuargl dans les pattes, et qui fut l’un des tous premiers à se lancer dans le Slamming Brutal Death à une époque où la peinture des premiers Suffocation était tout juste sèche, et où Devourment n’avait pas encore mis à la mode le viol de victime décapitée. Alors certes, ce n’est pas ce que le groupe a composé sur ses 2 premières démos qui va convertir les Frédéric Mitterrand de l’assistance à l’ultra-violence métallique. Mais si l’on s’intéresse plus particulièrement à ce qu’est devenue la musique du groupe sur ses deux albums sortis respectivement en 2017 et 2020, là les sourcils vont commencer à se hausser, et les hochements de tête à marquer l’approbation. Parce que depuis leur reformation en 2013, les gugusses se sont mis à injecter de l’insolite, du mélodique, – de l’atmosphérique même! – au beau milieu de leurs bouillonnants assauts.
Alors c’est sûr, les premiers instants passés sur « Beheading the Buddha » seront éprouvants pour le fan hardcore de Within Temptation. Avec un peu d’objectivité néanmoins, celui-ci remarquera une basse aussi active qu’audible (pour info, elle est tenue par David Case de Helmet!!), puis constatera qu’à la place d’une bouillie infâme le morceau propose un bouquet instrumental certes velu, mais également particulièrement lisible, au sein duquel chaque musicien peut être suivi à la trace – ce qui profite forcément à l’intelligibilité des mélodies et de la structure. Il ressort même une certaine finesse, voire un côté avant-gardiste de tout cela – écoutez donc cette plongée cyber-décalée à 2:06… On n’est pas un peu dans la 4e dimension là? Et dès le titre suivant démarre ce qui va quasiment devenir un fil rouge tout au long de l’album: la plongée dans un univers qui mêle plages atmosphériques et über-gutturalité. Car passé le cap des 2:21 s’ouvre une fenêtre vers d’autres possibles. Des arpèges aériens, une batterie vivante, un horizon mélodique vaste, une forme indistincte qui s’élève dans les brumes d’un ciel trop large pour être embrassé d’un seul regard… Ils sont loin les grumeaux, même si Will Smith (le chanteur… Il aurait pu prendre un pseudo quand même!) s’évertue à ne pas vouloir s’éclaircir la tuyauterie au Destop.
Suit « Girl In Landscape », premier de 3 interludes instrumentaux à ce point relaxants qu’on pourrait croire ceux-ci co-composés par Devin Townsend.
« Euh, d'ailleurs, dis-moi, j'ai un doute… Ça passe ça, en concert, quand le groupe ouvre pour Cattle Decapitation ou Mortician? »
Peut-être pas auprès des intégristes de la purée de muqueuse au poivre. Pourtant ces contrastes profitent énormément à la digestibilité de la musique. De la même manière que ceux-ci faisaient tout le sel de la discographie de Cephalectomy – groupe canadien malheureusement mort et enterré. Au gré des pistes et des expériences, on pense à The Senseless, à Azure Emote, à She Said Destroy, et notre admiration pour le groupe ne cesse d’aller croissant. D’autant que si celui-ci laisse l’auditeur suivre tout ce qui se passe dans le studio, il a également eu la brillante idée de ne pas utiliser une production trop clinique pour arriver à ses fins. Car la musique nous vient en effet à travers un voile légèrement brumeux qui apporte un petit côté mystico-onirique inquiétant à la chose. Si si, c'est important, comme la poussière sur les très vieux crus: ça n'en change pas le goût, mais ça met dans des prédispositions psychologiques favorables.
Alors les esprits chagrins mettront sans doute en avant le fait que, si ces 8 morceaux (j’enlève les interludes à dessein) sont en effet aussi agréables qu’impressionnants, ils manquent de cette accroche globale qui fait les grands tubes. Certes, c’est pas faux comme dirait l’autre. Mais l’aventure est tellement singulière et captivante que l’on se moque de ne rien avoir à siffloter sous la douche au terme de la grosse demi-heure que dure ce discographique parpaing. Et l’on se dit qu’entre celui-ci et le dernier Beneath The Massacre, ce n’est pas demain la veille que la violence musicale exacerbée va perdre des points de karma…
La chronique, version courte: bien sûr que si, le Brutal Death à tendance Slam peut être atmosphérique. Et fin. Et captivant. Et parfaitement compréhensible. S’il vous faut une preuve – et que vous n’arrivez pas à mettre la main sur les albums de Cephalectomy – le dernier album d’Afterbirth devrait réussir à vous en convaincre sans mal.
6 COMMENTAIRES
8oris le 28/04/2020 à 16:57:12
Album très très particulier mais vraiment sympa. Effectivement, à recommander à ceux qui pensent que Death Metal et Atmospheric sont antinomiques ! ;)
Keyser le 29/08/2020 à 10:52:47
Franchement intriguant dans les contrastes que l'album propose, j'apprécie beaucoup. Je savais pas que le groupe avait changé à ce point (je connaissais que les débuts), le choc haha mais c'est plutôt frais.
cglaume le 29/08/2020 à 12:00:32
Tu as déjà écouté Cephalectomy Keyser ? Tu devrais. Leurs sorties sont chroniquées sur Thrashocore ;)
Keyser le 01/09/2020 à 12:47:20
Non, je connais que de nom. Je note !
Keyser le 01/09/2020 à 12:49:26
Et toi d'ailleurs t'as testé Wormhole ? Du slam mélangé à du vieux death technique. Ça pourrait te plaire aussi ...
cglaume le 01/09/2020 à 18:42:52
Non, comme toi : je ne connais que de nom. Faut que j'essaie ! Merci :)
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