Ars Moriendi - Lorsque les coeurs s'assèchent

Chronique CD album (55:05)

chronique Ars Moriendi - Lorsque les coeurs s'assèchent

« Regarder en face l’inhumanité sans perdre la foi dans les hommes »…

 

Cette belle citation du philosophe et politologue Raymond Aron sied comme un gant aux choix musicaux et aux champs conceptuels arpentés par Bastien Mailhot depuis que cet enseignant, historien de formation, a créé en 2001 sous le pseudo d’Arsonist son projet phare Ars Moriendi, auquel il convient d’ajouter son side-project Notre Amertume, quelque peu en dormance ces dernières années.  Après avoir existé au travers de 6 six demos, Ars Moriendi c’est aujourd’hui – en incluant la plaque sous revue – 7 albums tout de même, sans oublier Tormentum Inanis MMXXII, le réenregistrement proposé en 2022 de son premier vrai album L’Oppression du Rien (2008), dont le titre principal et la tracklist ont été latinisés pour l’occasion. Depuis Du Tréfonds d’un Être (2011), le label ukrainien Archaic Sound soutient fidèlement ce projet tout à fait original, qui dénote par sa richesse d’écriture et son identité narrative. Une écriture qui l’a amené à proposer un mix aux influences multiples, parfois loin de l’univers Metal, avec un résultat final prenant les traits d’un Black/Dark Metal (très) progressif, baigné dans une atmosphère médiévale.

 

Cette citation lui va bien, disais-je, tant Arsonist parsème, depuis plus de vingt ans maintenant, ses albums de portraits de personnages à la destinée tragique (par exemple, le morceau "Quand tout est bruit, fureur et haine" est centré sur la figure du combattant). Il ne cesse d’y sonder les solitudes de l’Homme, la fragilité de son existence, la dangerosité, voire la perversion de ses croyances, sa logique destructrice et prédatrice ou, à l’opposé, les promesses de son génie créateur. Pour Lorsque les cœurs s’assèchent, les lyrics sont sans doute moins chargées d’un point de vue conceptuel : elles nous interpellent « sur la capacité des hommes à passer de l'innocence la plus pure à la perversité la plus absolue et sur le moment où les choses changent, où les cœurs s’assèchent… »

 

De son côté, le soin apporté à la construction méthodique, pas à pas, morceau après morceau, d’une démarche musicale introspective demeure, quant à lui, bien vivace ! Dès le titre éponyme, Ars Moriendi – voilà sa marque d’ailleurs – fragmente ses compositions, de façon à mêler des passages atmosphériques, certains même presque dénudés (une voix, une guitare) et d’autres, bien plus éruptifs et violents. Mais, dans tous les cas, le temps d’assimilation de ces compositions atypiques est toujours aussi long et exigeant, tandis que certaines orientations continuent à déstabiliser, comme l’usage du synthé et de certains samples, par instant peu troussé ("Voyage Céleste"), par ailleurs plus efficace ("Le blasphémateur"). Mais peu importe ! Qu’Ars Moriendi, dont l’inspiration ne se tarit pas avec les années et dont le registre vocal s’est étoffé ici, continue de nous bousculer de la sorte ! La scène Black Metal a besoin de l’être avec des telles propositions, personnelles, variées et singulières...

photo de Seisachtheion
le 14/12/2023

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