Bootsauce - The Brown Album

Chronique CD album (40:48)

chronique Bootsauce - The Brown Album

Début février dernier, le concert des grelotements et des gémissements frigorifiés capté sous les fenêtres de la rédaction avait atteint un tel volume qu’on avait décidé d’essayer de réchauffer tout ce petit monde avec une bonne dose de Fusion vintage. C’est Bull, l’album le plus en vue de Bootsauce, qu’on avait alors chargé de jouer le rôle combiné de vin chaud et de maillot Damart thermolactyl, confiant dans le fait que celui-ci saurait protéger nos lecteurs contre les engelures et le nez qui coule. Sauf qu’une fois la porte de la demeure discographique des Canadiens ouverte, on s’est dit que ce serait dommage de rester cantonné à la salle à manger alors que d’autres pièces de leur repère musical mériteraient elles aussi d’être visitées. On vous propose donc aujourd’hui de passer le seuil de The Brown Album, acte de naissance sorti en 1990, la même année que Cowboys from Hell, Left Hand Path… Mais aussi Stinky Grooves des Limbomaniacs, II Pornograffitti d’Extreme, Here Comes Trouble de Scatterbrain ou encore Get in Line d’Atom Seed – on a connu millésime moins noble, pour le Metal en général comme pour le Funk Metal en particulier.

 

Quand on apprécie la touche vintage de Bull (sooo late 80s / early 90s), sa nonchalance doucement lubrique, sa décontraction extrême, et qu’on ne craint ni le chant « débraillé » de Drew Ling, ni de laisser ses oreilles traîner dans un bain plus [Hard] Rock que foncièrement Metal, on ne peut qu’aimer cet Album Marron… à la pochette orange ! Si certaines différences existent entre les deux opus fondateurs, elles ne sont aucunement de nature à créer une fracture stylistique entre eux. On remarquera quand même que la froideur presque « Indus » de certains morceaux de l’opus suivant avait, deux ans plus tôt, un rendu un peu différent : celui de ces samples, de ces boucles et de ces rythmiques synthétiques qui faisaient alors fureur, les machines faisant à l’époque leur entrée dans l’arsenal créatif des compositeurs. Quand on découvre le début de « Scratching the Whole », les extraits de films tournant sur « Sex Marine », ou les beats primitifs de « Catastrophe Seas », on pense donc moins à Ministry qu’à Etienne Daho, Benny B, ainsi qu'à tous ces groupes de House Music qui ont moucheté de smileys les blousons de toute une génération. Ou à la limite on pense aux prétentions indussisantes d’Ice T qui, quelques années plus tard, pensera mettre une fessée à Al Jourgensen avec le single « Born Dead », dont la fin est un enchevêtrement pourtant bien maladroit de samples qui sonnaient déjà datés à l’époque…

 

Mais trêve de considérations comparatives, car The Brown Album n’a nul besoin d’être jaugé à l’aune de son illustre successeur, ni de ses pairs d’alors, pour procurer de douces sensations. C’est d’ailleurs tout seul comme un grand qu’il a réussi à être certifié disque d’or dans son Canada natal, et qu’il a glané un Juno saluant la pertinence de sa reprise de « Everyone’s a Winner » (… de Hot Chocolate) – on vous conseille d'ailleurs vivement de passer ce titre sur l’autoradio quand vous allez à la fraîche chercher les croissants et les brioches, le bras passé par la portière, tandis que le chant des mouettes réveille doucement vote smala restée sous les draps de la loc’ estivale : début de journée au top garanti ! Si cette cover a fait parler d’elle, elle suinte pourtant moins fort le sexe crapuleux, le Funk égrillard et la fébrilité balnéaire que « Let’s Eat Out », tube cool as fuck, au top du swag, qui porte avec classe la marque de son époque sans nullement sonner rétrograde. Et ce morceau de donner le ton d’un album qui, globalement, sent les draps post-coït, la basse coquine, la disto juteuse, la chemisette largement ouverte et les déhanchés suggestifs. Parmi nos chouchous – hormis les titres déjà évoqués – on citera « Sex Marine » et « Catastrophe Seas », deux sucreries aussi typées que croustillantes, la funkerie légère « Catcher in the Raw », ainsi qu'un « Masterstroke » qui montre plus ostensiblement les crocs Hard Rock (on y entend même… du growl ?). Mais mieux vaut déguster l’album comme un tout, sans vouloir à tout prix en extraire des candidats à une playlist « Best of ».

 

On comprend toutefois pourquoi The Brown Album reste un pas derrière Bull en termes de popularité. C’est que, si sa coloration « After Sex Funk » contribue à en faire un opus particulièrement sexy, de temps à autre on se dit que le groupe aurait dû traîner moins longtemps au pieu, certaines compos dégageant une impression de négligé typé « dimanche à glandouiller en slip entre canap’ et plumard ». C’est particulièrement sensible au niveau du chant de Drew, qui donne parfois l’impression de ne rien avoir à foutre de rien (sur « Scratching the Whole » par exemple), ainsi qu’au niveau de la dynamique de certains titres, pas très éloignée de la léthargie digestive – cf. « Play With Me » et « Payment Time ».

 

Oui mais quand on a un faible pour la musique à la fois musclée et coquine, qu’on aime autant claquer des doigts que des culs (comment ?????? Je suis cho-qué !), et qu’on affectionne cette période où Spielberg, Eddie Murphy et Prince résumaient notre vision des Etats-Unis, on ne peut qu’apprécier The Brown Album. Ce qui en fait peut-être – oui, et puis après tout, est-ce si grave ? – un album pour vieux polissons. De ce côté-ci de l’écran, on assume totalement…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: digne grand-frère de Bull, The Brown Album se place dans la même lignée Funk [Metal/]Rock décontracté et polisson. Parfois au summum de la coolitude (cf. « Let’s Eat Out »), parfois plus négligé (« Payment Time »), on a du mal à ne pas craquer pour sa touche « USA late 80s / early 90s » si craquante, si joliment rétro, si typique d’une époque qu’on aurait tendance à considérer comme idéale si on se laissait aller à l'observer à travers le prisme déformant de la nostalgie…   

photo de Cglaume
le 03/09/2023

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