Daggers - Neon Noir Erotica

Chronique CD album (35:15)

chronique Daggers - Neon Noir Erotica

Throatruiner Records est de ces labels qui a choisi de miser sur la qualité plutôt que sur la quantité. Comme il n’y a pas tant de groupes dans cette bien belle écurie, on se dit qu’on va avoir vite fait le tour du style du propriétaire. Naïveté outrecuidante car on se rend vite compte que certaines pièces de cette maison (de disques donc) sont bourrées de surprises et se révèlent cabinets de curiosité dans lesquels on se plairait à errer des heures.



Neon Noir Erotica de Daggers est l’une de ces pièces et une fois qu’on en a ouvert la porte, nous voilà chutant sans fin dans un endroit versatile dont la décoration et les ornements feraient pâlir Valérie Damidot autant qu’il feraient jouir Philippe Starck. Sur les murs, de grandes traînées noires, acides, agressives dans le trait comme dans la couleur, dans le pur esprit punk, vengeances bariolées et sans retenue d’un artiste peintre désabusé, gourou de la noirceur vociféant de son habile pinceau de nocturnes camaïeux. Le sol, un patchwork irrégulier d’esthète, alternant carreaux de moquette confortable, moelleuse et bluesy avec d’autres en papier de verre hardcore à gros grain. Et dans chacun de ces carreaux versatiles fourmillent mille détails que l’on pourrait compter sinon contempler pendant des heures. Le plafond, un crépi piquant, suave, suintant doucettement d’impensables nuances noiraudes. On s’y perd mais on y est bien car l’ambiance y est chaleureuse.



Mais attention! Rentrer dans cette pièce, c’est accepter de jouer à un escape game dont l’objectif est de ne pas sortir, c’est s’ouvrir à l’enfermement contemplatif de 4 musiciens qui ont jetés les clés des cadenas de leurs énigmes musicales. Car Daggers fait de la musique progressive non pas un galimatias de notes intellectualisées et articulées sur des rythmes complexes, ni non plus un mélange de styles prenant une touche de ceci et une touche de cela. Daggers fait de la musique progressive une intrication malicieuse d’ambiances (“Harvester”), un dédale de mélodies, un enchevêtrement d’intentions musicales antagonistes, joue avec la dynamique en se jouant d’elle...



Que dire de cette voix parfois douce, souvent abrasive, trempée dans une gnôle comme seuls les anciens savaient en distiller, difficile à avaler mais qui réchauffe et fait du bien au corps comme au coeur. Imaginez un Chino Moreno (Deftones) carburant aux Gitane Maïs en train d’écouter les conseils d’un Tom Waits qui donne un cours de chant à Neil Fallon (Clutch). L’allégorie parfaite de la saturation vocale naturelle et sans effort, magnifiée et portée solidement par des guitares fuzzy, traductrices cyniques du dernier soubresaut d’un amplificateur en fin de vie mais bien décidé à crier une dernière fois sa vociférante bave, à suppurer des mélodies salies, puissantes faussement perdues dans ambiances labyrinthiques. La basse grogne, ronchonne, mais tout grincheuse qu’elle se veut, charpente efficacement les morceaux. La batterie, mate et au rendu très live, fait largement oublier en qualité d’interprétation ce qu’elle perd parfois en claquant, grâce à des rythmes aussi humbles de simplicité que généreux d’efficacité. Géré par le doué Laurent Eyen (Koko Records) au mixage et Magnus Lindberg (Redmount Studios) au mastering, le son, plein d’une vie comme la vraie, est nourri de belles aspérités qui ébauche, dessine et sculpte la performance sonore, transformant l'écoute en une véritable expérience synesthésique.



Dans ce Neon Noir Erotica, Daggers se joue de l’outrecuidance du Jazz, moque la nostalgie du blues, raille la rébellion du Punk et nargue la gentille Pop. Si ces styles étaient des Dr.Jeckyl, Daggers a réussi à créer la potion pour en faire un Mr.Hyde et s'en ai versé une belle rasade dans le gosier...A la nôtre!



 



On aime: le style unique basé sur un métissage parfait, les ambiances puissantes, le mixage excellent



On n’aime pas: la batterie un peu mate


photo de 8oris
le 16/07/2020

1 COMMENTAIRE

pidji

pidji le 16/07/2020 à 21:12:01

Pour le moment j'accroche moins que le précédent quand même. Mais ta chronique m'a donné envie de le réécouter !

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