Daughters - You won't get what you want

Chronique CD album (48:40)

chronique Daughters - You won't get what you want

You won't get what you want.
Traduction : Tu n'auras pas ce que tu veux.


Alors accroche toi camarade-fan de Daughters, parce que ce titre d'album n'est qu'un avant-goût au pessimisme qui va régner durant tout cet album.

On ne peut pas dire que l'on vive une décennie joyeuse. Si tu ne t'en rendais pas compte, si tu avais encore une once espoir en l'avenir, sache qu'au bout de 48 minutes et 40 secondes, tu vas déchanter.

Ce disque est la bande-son du défaitisme, de la neurasthénie, de la sombreur d'âme de l'humanité : autant dire qu'il est parfaitement à sa place en 2018 et qu'il s'inscrira dans la longueur.

 

Si l'album est parfaitement ancré dans son époque, c'est aussi parce que le visage de Daughters change constamment. La formation n'a jamais cessé d'explorer musicalement d'autres horizons : celui qui attend un Canadian songs ou Hell songs "bis" sera déçu.
On aura tout de même des relents de l'éponyme...mais, You won't get what you want est un double avertissement.
Le premier s'adresse peut-être à ceux qui espèrent retrouver après 8 ans, le même groupe qu'en 2010. C'est un "non" clair et net qui dissipe tout doute dès "City song". C'est aussi un "tant mieux"
Le second avertissement est plus général : accueille la frustration, elle n'a pas fini de te quitter. Accepte le malaise, il est bien installé.

 

Ce quatrième passage en studio de Daughters est sans aucun doute le plus complexe. Son exigence d'écoute est au niveau de son écriture. Son rythme perdra les moins curieux : à tel point que l'on croirait la démarche volontaire.
L'atmosphère dégagée sur "City song" est dégueulasse, tant sa lenteur installe un malaise. Au fil des secondes et de la grimpée de bruitisme brouillardeux du titre , ce titre pose les bases d'un album dont le concept est l'ambiance.
Une impression confirmée par le psychédélisme de "Long road ni turns".
Sur ce titre, au-delà de la musicalité qui ronge et agresse, c'est son patronyme qui est le plus parlant. On se sent pris dans un étau, étouffé, coincé, pris au piège. 
Les dix premières minutes sont sans aucun doute les plus difficiles à aborder, mais elles sonnent telles un avertissement avant une chute vers laquelle l'auditeur aura volontairement marché.

La qualité de la production de ce disque joue un rôle immense dans cette randonnée vers le néant et la mélancolie des temps modernes qu'incarnent la musique de Daughters. La noise grésillante, le chant craché à gorge déployée, la mélodie répétée jusqu'à enivrement ont alors le champ libre pour pourrir le cerveau d'un auditeur déjà bien secoué. 
Passées les deux pistes qui posent un voile sombre sur You won't get what you want, le groupe déroule son savoir-faire. 
L'agressivité de "The flammable man", le clavier empirique et punisseur de "The lords song", le déprimant (et réaliste) "Less sex" (aux accents noise-trip-hop) continuent de préparer le terrain avant un dernier quart d'album qui grimpe en intensité. "Daughter" est alors la cheville idéale vers un dernier virage. À la fois troublant, hurlant et noise (marqué par le clavier, les spoken words etc.), il combine tout ce qu'est le Daughters version 2018.

 

Lorsqu'est passée la première demi-heure, le malaise a achevé son travail de ronge : l'album s'attaque à un auditeur à vif. 
Vient alors le grand moment : "The reason they hate me". Titre qui se démarque de toute la discographie du groupe, tant il parvient à mettre en valeur chaque musicien et assène de sa mélodie l'esprit de l'auditeur. LE titre incontournable.
Progressivement, lentement, de manière quasi-insinue, Daughters t'installe dans un confortable fauteuil électrique. La décharge se fera sur le bruyant "Ocean song" dont la durée et l'intensité marquent au fer rouge des tympans déjà fragilisés. Un morceau qui aurait été une parfaite conclusion si le groupe n'avait pas voulu marcher une dernière fois sur ton petit coeur qui abritait quelques miettes d'espoir.

Ce quatrième de Daughters est une leçon : il porte un regard sur l'humanité, sur l'art. Il s'arrête sur sa propre humanité, son propre travail artistique. "You won't get what you want" est d'ailleurs une oeuvre intéressante : elle n'ouvre vers rien. Elle n'aère pas l'esprit, elle ne pose pas des questions. Elle affirme, pourrit, détruit. Elle est puissante sans être violente. Elle est agressive et directe tout en étant progressive. Elle est aussi complète que puisse l'être une production musicale.

 

L'abord de ce disque peut se faire avec le sourire : il s'achève avec une moue, une mine déconfite . Pourtant, une étrange sensation de satisfaction peut nous emplir car Daughters ne tient pas sa promesse du départ : on finit par avoir exactement ce que l'on voulait...

photo de Tookie
le 29/10/2018

5 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 29/10/2018 à 09:01:25

Quel album, pfiou !

el gep

el gep le 06/11/2018 à 14:21:16

Eh j'aime bien, ça! C'est très indus, en fait, surtout... Pour l'instant j'ai un peu de mal avec le côté parfois geignard de la voix mais vais creuser tout ça. Daughters, si j'ai bien compris, ça ressemblait pas trop à ça, avant? (c'est pas ce que j'avais gardé comme souvenir)

gulo gulo

gulo gulo le 10/11/2018 à 21:25:50

Ça ressemblait pas mal à ça, quand même (surtout le chant, que personnellement j'adore, mais dont je vois bien ce qu'il peut avoir d'horripilant), sans les parties indus-médocs, mais qui s'inègrent comme si elles avaient toujours été en puissance, je trouve.

Shamash

Shamash le 29/12/2018 à 19:17:01

Je ne connaissais pas ce groupe.
Mais depuis des semaines, je suis happé à chaque écoute de cette oeuvre.
L'atmosphère est vraiment particulière, un peu dérangeante mais agréable à la fois.

pidji

pidji le 24/01/2020 à 23:25:47

Mais qu'est ce qu'il est énorme ce disque, pfiou.

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