Dreamwell - In My Saddest Dreams, I Am Beside You
Chronique CD album (45:40)

- Style
Screamo / post-hardcore dissonant - Label(s)
Prosthetic Records - Date de sortie
20 octobre 2023 - Lieu d'enregistrement Format Audio (Dover, New Hampshire)
- écouter via bandcamp
C'est un peu circonspect que j'ai lu la missive qui nous est parvenue récemment par mouton voyageur dans nos locaux offshore de CoreandCo à propos de ce nouvel album de Dreamwell, dont le précédent effort Modern Grotesque, il y a deux ans, avait fait son petit bonhomme de chemingue dans la scène screamo, bien que son orientation souvent mélodique et claire m'avait personnellement un peu laissé au bord dudit chemingue – ce qui ne m'a pas empêché de lever mon verre au passage des coureurs, bien posé sur ma chaise pliante et sous mon bob IPA.
Circonspect, disions-nous – entamant le second pack – car sur le nouveau maillot de Dreamwell était donc floqué le même FFO que celui qui se trouvait planqué au fond de la missive, trouvé après avoir déblayé les bouteilles de champ' et les petits cœurs en chocolat qui y étaient joints (que voulez-vous, les chroniqueurs, on est intègres, mais on ne dit pas non à des petits cadeaux, les sponsors le savent bien) : bref, FFO annoncé = Deafheaven, Botch, Touché Amoré.
Parce que si le post-hardcore screamisant de TA peut effectivement facilement être envisagé dans la proximité de ce que l'on connaît déjà de la discographie du groupe de Rhode Island, ce n'est pas le cas des fameuses dissonances Botchiennes ou du post-black d'un Sunbather-like. Et pourtant... et pourtant force est de constater, à ma plus grande surprise, que ce n'était pas mensonger.
Sur In my saddest dreams I am beside you, Dreamwell durcissent nettement le ton, pour un excellent exemple de virage réussi, de maturité dans leurs choix artistiques qui mixent ces approches qui – au moins en apparence – semblaient difficilement pouvoir fonctionner ensemble.
Et pourtant encore, force est de nouveau de constater... que tout ça fonctionne.
Dès le premier morceau « Good Reasons to freeze to death » à l'attaque plutôt emo-pop, un Deafheavenisme total vient frapper de façon flagrante dès la marque de la première minute, entre ce chant criard très proche de celui de George Clarke et ce post-black lumineux qui a fait les grandes heures d'un Sunbather déjà cité plus haut, mêlé au screamo/emo mélodique que l'on connaissait déjà à Dreamwell. On en trouvera d'autres occurrences ici et là, en seconde partie de « Obelisk of Hands » ou sur l'ultime morceau « Rue de Noms (Could Have Been Better, Should Have Been More) » par exemple.
Et si la seconde piste (« Studying the Greats in Self-Immolation », pour continuer dans les noms à rallonge) vient de même subitement valider les influences Touché Amoré revendiquées, je ne voyais toujours pas, même après le départ à léger vocoder du troisième morceau, comment l'occurrence qui m'avait le plus surpris de ce fameux FFO, celle des pontes du hardcore chaotique et dissonants de Tacoma, pouvait vraiment venir s'inscrire là-dedans. Et pourtant elles arrivent sur ce morceau, ces dissonances. Ah et tiens, elles s'invitent aussi au début du quatrième, et la vibe Botchienne vient se poser jusque dans le chant, dans le riff de départ du cinquième.... ah ben merde, un peu partout en fait.
Et c'est là que je conseillerai à qui voudrait tester In my saddest dreams I am beside you d'écouter au moins les quatre premières pistes, pour un avoir un premier aperçu de l'éventail de ce qu'ont disséminé Dreamwell tout au long de ces 11 morceaux variés.
Car d'autres choses assez inattendues ressurgissent encore, comme par exemple ce riffing qui touche au hardcore moderne avec même un simili-bleuargl sur la moitié de « It Will Hurt, and You Won't Get to Be Surprised », vite suivi par la belle aération post de « Reverberations of a Sickly Wound » ou la vibe quasi noise-rock par endroits de « I Dream't of a Room of Clouds ».
Au final, que les fans de la première heure de Modern Grotesque se rassurent malgré tout, leurs racines emorock/screamo sont loin d'être enterrées, et restent un élément important de la musique du groupe, bien qu'il soit largement dilué dans l'ensemble. Mais Dreamwell ont eu l'ambition de pousser leur projet un peu plus loin en remontant largement les curseurs 'dissonances' et tout leur stock de peinture noire, et l'ont fait de façon très convaincante, ce qui leur permet, avec ce nouvel album, de sortir du lot des formations 'screamo et assimilés'. La sensibilité à fleur de peau (et parfois un poil fleur bleue) du précédent se fait ici plus bagarre et combative (un morceau comme « All Towers Drawn in the Equatorial Room », par exemple, est à des années-lumières de ce que faisait le combo auparavant), bien plus sombre, et je ne serais vraiment pas surpris de voir cet album se glisser dans quelques tops de fin d'année du côté de chez qui se laisse emporter par ce type de sonorités.
Et si je suis toujours laissé de marbre, voire légèrement agacé par les voix claires, elles sont ici moins présentes, et je les apprécie même à mi-morceau sur « Obelisk of Hands », comme quoi... On remarquera notamment la versatilité du chant, qui se rapproche des groupes sus-cités, déjà bien différents entre eux, mais qui varie vraiment régulièrement entre les morceaux pour une belle palette de feelings.
Bref, je trouve personnellement In my saddest dreams I am beside you un net cran au-dessus de leur précédent effort, qui présentait un screamo relativement bon mais un peu trop dépourvu de relief à mon goût dans le style. Cette fois, Dreamwell ont bien compris les courbes de niveau et sont à deux doigts d'enfiler le maillot blanc à pois rouges, et leur album est plein de cette gestion des dynamiques, des accélérations et des changements de paysage, pour un résultat très réussi. Comme je le disais plus haut, ne vous arrêtez pas aux deux premiers morceaux, car l'essentiel est à découvrir plus loin.
A écouter en avalant les kilomètres et advienne que pourra.
1 COMMENTAIRE
Moland le 07/11/2023 à 08:16:05
Je l'attendais cette chronique. On en a déjà parlé en privé. Tu détailles bien le contenu de l'album et l'approche nécessaire pour l'apprécier. Bien ouej
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