Genghis tron - Dream Weapon

Chronique CD album (45:31)

chronique Genghis tron - Dream Weapon

Aujourd'hui, un album très attendu, Dream Weapon, d'un groupe depuis trop longtemps disparu, Genghis Tron. Forcément, cette chronique va sûrement être trop longue pour Internet, alors pour éviter les TLDR railleurs, pour les fainéants des mirettes, les pressés en ligne, les fan boys and girls dans l'attente, je vais commencer par la fin en vous la faisant version courte, style questions fermées.

Est-ce que le nouveau chanteur est bon? Oui, mais ça n'est pas fou.

Est-ce que le nouveau chanteur apporte quelque chose à Genghis Tron? Non, mais il en enlève.

Est-ce que le nouveau batteur est bon? Oui, mais ça n'est pas fou.

Est-ce que le nouveau batteur apporte quelque chose? Oui, mais ça n'est pas fou.

Est-ce que cet album va diviser les fans? Oui, mais il trouvera sûrement un nouveau public.

Est-ce que Dream Weapon est un bon album? Oui, mais il est tout à fait dispensable.

Est-ce que Dream Weapon est un bon album de Genghis Tron? Non, mais j'aurais préféré écrire l'inverse.

 

Maintenant la chronique version trop longue avec son lot de détails inutiles et de manquements que la section commentaire ne manquera pas de relever avec ou sans sel.

 

Pour commencer, rappelons à tout bon usage que je suis un énorme fan de Genghis Tron, je les ai découverts en 2006 avec l’excellent Dead Mountain Mouth et j’ai fini de les ranger au firmament de groupes mythiques (ceux de ma mythologie en tout cas) avec le magistral Board Up The House en 2008. Une carrière aussi fulgurante que fugace.

Genghis Tron, c’est l’anti-groupe de la scène metal/hardcore par excellence. Au lieu du traditionnel guitare/chant/basse/batterie, on a le droit à un trio guitares/synthés qui aurait pu faire une publicité pour Moog.

Tu n'as pas de basse? Prends un Moog!

Tu n'as pas de batterie? Prends un Moog!

 

Aussi, au lieu d'un groupe qui respecte les standards stylistiques aussi divers que finalement très normés du métal, on a le droit à 3 geeks qui ont l’air tout juste sortis du club d’échecs d’un lycée américain random d’une série américaine random (même si c'est évident qu'on s'en tamponne pas mal le cornichon, savoir que les gars qui ont changé le game ont à peu près la même dégaine de loser que toi, ça donne un peu d'espoir à ta vie).

 

Musicalement, Genghis Tron a été un pur ovni, inattendu et soudain. Au lieu d’un hardcore mainstream ou d’un métal "consensuel" (pour les metalleux), le groupe a usé de son talent pour créer une vraie nouveauté musicale en marier deux styles qu'a priori tout séparait. Le hardcore/grind à l’énergie aussi vociférante que puissante et la musique électronique chill qui part dans des trips ambiants en mode "t'as pas un toncar? J'aime pas trop les maroco". Si le hardcore de l'époque était une bombe, là où une majorité de groupes n'en considéraient que l’explosion, Genghis Tron l'a étudié jusque dans ses dernières volutes.

 

Quand le groupe a décidé de faire une soi-disant pause en 2010, et que celle-ci a commencé à s’éterniser, on a rapidement cesser de croire en un possible avenir. Le génie a cette fâcheuse tendance à s’inscrire dans l’éphémère. Mais non, 10 ans après, en août 2021, Genghis Tron annonce son retour...en studio...avec Kurt Ballou... un nouveau batteur...et sans Mookie Singerman au chant. Une petite phrase de rien du tout mais dont chaque complément grammatical vaut son pesant de teasing. Mais nous ne nous emportons pas et nous attendons.

Les premières interviews commencent alors à pointer le bout de leur nez. Le groupe déclare avoir “laissé de côté sa fibre metal pour se concentrer sur des choses plus ambiantes” - ça y est, ça commence - qu’ils ne renient pas leurs précédents albums - ça se confirme - mais qu’ils ont voulu explorer une autre de leur facette, bref - c’est certain - Genghis Tron est de retour mais sera méconnaissable. Mais, nous ne nous emportons pas et nous attendons.

De son côté, Jordan Hamilton, le guitariste, rappelle son amour de Tear For Fears et de David Bowie. Mais, nous ne nous emportons pas et nous attendons!

Et l’album sort enfin. Mais, nous ne nous emportons pas et nous écoutons! Et...c’est un...bon...album...d’electro/krautrock/art-rock.Les morceaux transportent, sont bien construits, plutôt dynamiques, avec des ambiances faussement minimalistes et très intimistes et ce, malgré un côté “ça boucle quand même un peu trop, non”, intenses, puissants, enivrants. "Great Mother" avec ses 8 minutes et "Ritual Circle" avec ses 10 minutes sont de très belles pièces musicales, complètes et prenantes.

Il faut savoir reconnaître la qualité où elle est et, honnêtement, elle est là mais pas tout le temps. En effet, difficile de ne pas trouver une inutilité totale dans certaines autres pistes. “Exit Perfect Mind” sonne comme une intro ratée, de ces pétards mouillés pendant lesquels tu te dis “Ohhh je vais m’en prendre plein la poire juste après” mais qui en fait enchaîne avec une entrée “basse/batterie” du plus plat effet. Que dire de "Desert Stairs" qui n’a aucun intérêt musical ni artistique et sonne comme une démo de la dernière émulation de synthés de chez Arturia. Autant ce genre d'interlude passaient à merveille comme de petits moments de répits dans la folie des précédents albums et avaient une véritable utilité, autant ici, j'ai de sérieux doutes.

 

Côté synthés, on sent que Sochynsky s’est fait très plaisir en geekant, tweakant de belles machines et n’a pas perdu sa capacité à composer des leads entêtants, des nappes profondes et/ou aériennes, bref à habiller l’espace sonore. Mais on sent qu'il s'est diablement assagi et qu'il est plus "ambiances planantes" que "gros leads acides".

Hamilton Jorda' est quant à lui bien décevant. Mon petit Hamilton...Mais qu'est ce qui s'est passé Hamilton? Quasiment absentes, les guitares sont passé du moelleux à la mollesse, de l'insidieux à l'incident...Elles suivent la plupart du temps les nappes d’accords plaquées et du coup n’apportent rien sinon un peu plus de tessitures. Sérieux, c'est le vide absolu, le grand néant. Et soyons honnête, un album de Genghis Tron sans guitare, c'est un peu comme un open bar sans alcool, c'est gratos mais on s'emmerde. Le premier titre présenté au public est d’ailleurs bien trompeur car c’est là que l’on retrouve le plus le Jordan que l’on connaissait...Et encore...Parce que les plans du titres font quand même très très repompés des anciens albums. Le tapping à 2:29 fait beaucoup trop penser à l’intro du morceau "Board Up The House". Clins d’oeil? Possible. Hommages au défunt? Plutôt. Il y a bien un revival dans Great Mother (deux fois 1 grosse minute 30 sur 9 minutes de morceau), et l’intro de “Single Black Point” avec son petit ⅞ des familles qui est sympa mais on cherche encore les autres idées sympas qu’on entend de lui sur cet album. Fini les plans qui tournicotent en tapping, fini les riffs death attaqués d’une main de velours et même : fini la guitare même. Quelle tristesse!

Le batteur, Nick Yacyshyn, n’apporte pas grand-chose d’autre qu’un son (très bon) et une approche plus humaine. La valeur-ajoutée n’est pas flagrante, d’autant que les morceaux sont bien moins complexes et alambiqués rythmiquement que dans les albums précédents, le pépère est propre et fait le taf, ni plus ni moins.

Le chant de Tony Wolski convient parfaitement aux morceaux, aux ambiances bien que je le trouve très linéaire et trop...mécanique. On a l’impression d’une espèce de voix hyper programmée genre un préset “Choeurs” d'une émulation de voix logicielle...avec beaucoup beaucoup de soufflant. Ah, c'est sûr: ça souffle, ça geint, ça se plaint. Par contre, ça a beau souffler, ça manque de vie, de variations d’interprétation et le traitement sonne beaucoup trop numérique pour moi (et pourtant je ne suis pas un taliban de l’analogique). Aussi, cette voix hyper traitée et ajustée à outrance par des effets trop propres est parfois à l’opposé de l’esprit des synthés hyper analogique et moins droits. S’en suite une espèce d’opposition qui n’est pas toujours du meilleur goût (la deuxième partie de "Ritual Circle").

 

Je ne reviens pas sur le son de l'album, c'est du Kurt Ballou.

 

Alors...donc...le conclusage....Ben, ça n'est pas fou fou!

Dream Weapon est un album qui peut se juger de deux façon.

Comme album d'electro-rock, Dream Weapon navigue entre deux eaux: pas exempt de défauts sans être très bon, pas inintéressant sans être criant d’originalité, dense mais parfois inégal, il ravira les fans de ce genre musical très arty et qu’on hésite toujours à qualifier de rock-electro ou d‘electro-rock. Je parie ma collection complète de slips Pokemon que ça n’aurait jamais été plus loin qu’un lien bandcamp perdu dans l’immensité des groupes amateurs si ça n’avait pas été un album de Genghis Tron: ce n’est pas un mauvais album, il s'écoute avec plaisir, on y revient sans déplaisir mais il est clairement oubliable.

 

Comme album de Genghis Tron, je ne suis certain que d'une chose, c’est que ça n’est pas du Genghis Tron. La fibre qui a fait de Genghis Tron ce pourquoi on les a tant aimés, ce pourquoi je les ai tant aimés, a disparu, corps et âme. Il y a bien quelques relents d'un style passé mais qui sonnent diablement dépassés. Evidemment, je n’attendais pas un “Board Up The House 2”... Evidemment! Mais la chute de qualité, d'inspiration, d'originalité, de patte m'a semblé vertigineuse, abyssale. Evidemment, l’album d’une réunion après 10 ans de pause est un album de remise sur rail, un album que le groupe fait surtout pour lui-même, peut-être pour se prouver qu'il en est encore capable. Evidemment.

Il n’en reste pas moins que le fan, même en prenant cela en considération, pourra largement être déçu. Celui que je suis l’a été.

Je conseillerai malgré tout à chacun de se faire sa propre opinion. Cela vaut pour toutes les chroniques de tous les albums mais particulièrement pour ce dernier.

 

On aime bien: le retour d'un groupe mythique

On aime moins: le retour un peu raté d'un groupe mythique

photo de 8oris
le 24/03/2021

7 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 24/03/2021 à 10:16:45

Ah je suis moins déçu que toi ; même si je ne suis pas non plus aux anges, ce disque passe bien. Un 7 / 7,5 pour ma part 😁

cglaume

cglaume le 24/03/2021 à 11:01:15

Perso j'ai été faible: après une écoute en diagonale lapidaire, je suis passé à autre chose :/

el gep

el gep le 24/03/2021 à 11:13:00

Ahahahahah oh merde, encore du "art rock"!
Mais bravo pour ta chronique analytique, qui parle vraiment de musique (pas comme celles de cet âne bâté de Gep qui était à deux doigts de balancer des recettes de cuisine!).

piloufgrind

piloufgrind le 25/03/2021 à 11:11:26

D'accord avec la chronique : bien mais pas génial. La voix est beaucoup trop monocorde et pas habitée pur un sou. On s'ennuie. J'ai un peu peur que ce soit la même impression sur les premiers morceaux sortis à l'écoute du nouveau THE ARMED (même chanteur).

pidji

pidji le 15/04/2021 à 23:56:08

Plus je l'écoute et plus je l'apprécie en fait celui-là.
La voix, faut s'y faire ; mais je trouve qu'elle a un air de HEALTH, et ça tombe bien, j'ai bcp aimé leur dernier album aussi.
Il n'y a que "Ritual Circle" que je trouve bcp, mais alors bcp trop longue. Après, bien dedans en concert, je dis pas, ça peut être bien trippant.

el gep

el gep le 16/04/2021 à 09:44:53

Un air de Health...
Ca fait rêver... Eeerk!
Un air de Health... santé!

Feierabend

Feierabend le 23/05/2021 à 09:23:57

Bonne critique, avec un point de vue de fan, peut-être un peu trop d’amertume en anticipation des réactions de tes lecteurs. 
Quant à Dream Weapon, après 10 écoutes, je pense que c’est leur meilleur album. Mais c’est vrai que ce n’est pas le même genre, même si on entend une certaine continuité dans la construction des morceaux par rapport à autrefois. 

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