Habak + Lagrimas - Split Lagrimas / Habak
Chronique CD album (25:48)

- Style
Neocrust mélodique / post-crust ? - Label(s)
DIY - Date de sortie
12 mars 2023 - Lieu d'enregistrement Cacho Studio (Tijuana, Mexique)
- écouter via bandcamp
On avait laissé le combo de Tijuana (Habak) sur leur chouette split de l'année dernière partagé avec les post-rockeux de Fractal. Du côté de Lagrimas ('larmes' en espagnol, au cas où), de Los Angeles (à ne pas confondre donc avec un vieux groupe de black/death Péruvien du même nom ou encore un groupe de hardcore/emoviolence de Houston), il s'agit en ce qui me concerne de la première fois que nos routes se croisent.
Et c'est donc en début d'année (et oui, toujours premiers sur l'info sur votre webzine aussi passionné qu'en retard) que les deux formations ont sorti ce split à la conjonction des papillons, celui – de nuit – du haut sur l'artwork renvoyant à Ningún Muro Consiguió Jamás Contener la Primavera, paru en 2020 chez Habak éditions, celui – diurne – du bas au récent (mai 2022, hier quoi) It's hard for me to accept this de Lagrimas.
Deux titres plutôt longs pour Habak, quatre plus courts pour Lagrimas, assistera-t-on à un ping-pong stylistique comme c'était le cas sur le split précédent (neocrust /postrock, et pourtant c'était cohérent), ou les deux groupes jouent-ils dans la même équipe ?
Et bien clairement la même équipe. Déjà parce les membres de ces deux orchestres sont des ami·e·s très proches, qui partagent une vision commune du punk DIY, ont une sensibilité anarchiste commune, des tatouages partout et un neocrust plutôt mélodique qui s'écoule de tous leurs instruments, avec quelques patchs screamo et post-rock cousus sur leurs fringues forcément en noir et blanc.
Vous l'aurez compris : les tendances crust développées sur ce split ne sont pas käng pour un sou. Elles respirent un air plus chaud que froid. Elles ne boivent pas de bière dans le crâne de victimes de guerres imbéciles. Elles sentent la rue et les squats politiques, mais pas ceux où l'on doit ramper dans des tessons de bouteille en guise de PAF. Elles ne jouent pas à qui est-ce qui a la plus grosse. La crasse du monde, ouais, elles la voient bien, par contre, et elles hurlent contre elle. Et pourtant, ce ne sont pas des machines de guerre qui cavalent bille en tête, chaîne crantée à la main et ceinture de balles en bandoulière. Non, ces tendances crust ont ici un aspect plus.... introspectif, si j'ose dire. Et pourtant elles ont une vision englobante. Pourrait-on risquer l'initiative de parler de … 'post-crust' ? L'Histoire nous jugera.
Et pourtant ce disque n'est pas dépourvu d'offensive, mais d'une école qui ira plutôt chercher du côté de la scène ibérique, Ekkaia et Ictus en tête, notamment pour la face Lagrimas du split, et ce dès les premières secondes du premier morceau « Nothing To Hope For », aux filiations évidentes, avant justement de s'aventurer dans ces horizons marqués par le post-rock, que ne renieraient pas les groupes dans la sphère d'Alex CF (Alex de Habak a d'ailleurs été en guest sur le dernier album de Morrow), y compris dans la réaccélération derrière. L'empreinte d'beat est malgré tout récurrente dans le quartier.
Sur ces quatre pistes, les Californiens présentent une sorte de mix des approches d'il y a vingt ans et des évolutions plus modernes de cette école du style, tout en y incluant aussi des tendances qui les rapprochent des groupes qui associent le style à une approche plus screamo/post-hxc, tels que Potence ou Néboas pour n'en citer que deux (sur « Illusions of success » ou encore « I Can »t Afford It »).
Habak, qui prennent la suite, je les suis depuis leur Un minuto de obscuridad no nos volverá ciegos, dont la pochette présentant un lapin-poulpe m'avait forcément conquis – avant que la musique ne le fasse.
Sur les deux titres ici présents, dans la continuité de ce qu'on leur connaissait déjà, peut-être un peu plus marqués par l'usage de samples qu'auparavant, le combo choisit une allure plus atmosphérique et 'post' que les collègues de Lagrimas : un « Infinitas Noches de Vigilia » qui pourrait se résumer en deux grands mouvements de montée sur toute sa durée, avec ces breaks post rock plus minimalistes et qui s'étendent et cet usage très screamo de screamer par dessus lesdits breaks post-rock, bien que la voix d'Alex soit assez éloignée des standarts du genre, plus proche d'un mi chemin entre post hxc et neocrust pour le coup ; et un « En la Huelga de los Acontecimientos » lui encore très post, qui vient presque chercher à la frontière du post black avec ses blasts et tremolos, son break et son approche générale plus lente et mélodique que Lagrimas.
En bref, on a ici un split cohérent entre deux formations amies, qui revisitent le neocrust en lui mettant une bose dose de 'post' à la cuisson, notamment du côté de chez Habak. Et si je pense personnellement préférer la face A de Lagrimas, dont j'espère du coup un album prochain, les 25 minutes que dure ce split passent toujours très fluidement chez moi.
Tout y est assez propre et carré, et au bout du compte, oui, j'aurais envie de parler de post-crust, ne serait-ce que par provoc terminologique. Et clairement, je pense que ces formations seront loin d'exciter les foules (enfin, les foules...) de fans de crust plus strict, mais parleront pas mal à celles et ceux qui voudraient associer d-beat et mélancolie.
A écouter pour papillonner au-dessus de frontières ou certains voudraient construire des murs imbéciles.
3 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 10/01/2024 à 10:21:14
Question de fond : où se situe le côté Crust au final ? Le terme est devenu une caution underground/rebellitude pour tout un tas de formations qui jouent autre chose.
Pingouins le 10/01/2024 à 12:34:19
Ici, plutôt du côté Lagrimas de la galette, clairement, puisque Habak ont de plus en plus tendance à s'éloigner des origines musicalement punk pour aller vers quelque chose de plus 'post', même si le début de leur discographie était plus axée sur le d-beat.
Parce que tout de même, une bonne majorité des accélérations s'organisent autour du d-beat et dérivent de l'héritage de la scène galicienne, même si j'accorde qu'un net pas de côté a été fait. On reste malgré tout ancré ici dans un dérivé du neocrust.
Crom-Cruach le 10/01/2024 à 18:00:21
Pour moi, le côté "post" se résume ici à coller deux ou trois notes soooo Dark et cristalline en intro ou en break. Sérieux "I can't afford it", c'est le néant absolu du vide intersidéral. On s'emmerde. Pour moi, toujours, le seul truc à sauver est le chant côté crusty. Et ça me donne envie de retourner aux surpuissants AGRIMONIA ("Awaken" au hasard) qui propose une variation fouillée de la scène mais sans perdre sa substantifique moelle viscéral et en y ajoutant une dimension hypnotique. Ce n'est ainsi pas le problème de sortir d'un soi-disant "carcan" (les chœurs planants et la guitare sèche des 9 minutes de A World Unseen si tu veux du mélancolico- dépressif...). Encore faut-il le faire bien.
AJOUTER UN COMMENTAIRE