Dagoba - Different Breed

Chronique CD album (40:39)

chronique Dagoba - Different Breed

Pas la peine de pérorer dix ans là-dessus, hein, vous connaissez la chanson : sous leurs airs de grosses brutes cyniques et caractérielles qui te prennent de haut derrière leur canette de 8.6 tiède, paraît que les metalilalheads sont de grands sentimentaux. Pas que dans leurs comportements vis-à-vis de leurs congénères, nan là on toucherait plutôt aux plus grossières extrémités du mépris de classe, mais aussi de leurs goûts musicaux. Toujours là à te bombarder de vannes bien lourdes sur un roaster de groupes de normies – aux frontières pour le moins floues –, avant de se repasser Meteora en boucle le soir même une fois leurs écouteurs soigneusement vissés dans les esgourdes et plus personne dans un rayon de 500 mètres pour ne pas laisser cette honte refoulée éclater au grand jour.

 

Assez spécifique, je le reconnais ; nonobstant symptomatique des considérations que peuvent inspirer les "groupes de cœur" de tout un chacun dans toute leur complexité, vous l'admettrez. Notamment du côté de Dagoba, qui est à moi ce que Linkin Park est au public susmentionné : l'origine du monde. Sans le pari risqué par l'algo YouTube de me proposer le visionnage du clip de « Black Smokers » et par Arte.tv celui de leur presta au Hellfest 2014, peut-être ne seriez-vous pas en train de perdre votre temps à lire mes états d'âme sur CoreAndCo.

 

Alors forcément, quand Pidji fait suivre à la team le kit promotionnel d'un groupe de cœur laissé de côté depuis plusieurs années, promettant « une musique qui pourrait rassembler les fans les plus anciens, comme les nouveaux venus dans leur univers », y a de quoi voir ton sang ne faire qu'un tour. Faut voir qu’avec Dagoba j’avais déjà commencé à lâcher l’affaire sur Tales of the Black Dawn, avant de déchanter à l’annonce de l’éviction de Z et Francky Costanza. Sans aller jusqu'à espérer le retour de mes chouchoux à la gratte et derrière les fûts, a minima les rythmiques indus, les mélodies dionysiaques et les riffs massivement groovy qui imprègnent tes souvenirs d'ado rebelle, ça me suffirait amplement.

 

L’espoir fait tellement vivre que l’ouverture de Different Breed sur l’enchaînement « Genes15 » - « Arrival of the Dead » ne manque effectivement pas d’un petit air d’« I, Reptile » repositionné sur Face the Colossus. Shawter brille encore et toujours par la justesse de ses inflexions, en particulier lors des bascules structurelles de la track. Une puissance évocatrice soigneusement soulignée par des lignes de gratte mélancoliques en appui d’un groove propre au circle pit. Entrée en matière convaincante, particulièrement nostalgique à défaut de prétendre au retour aux sources.

 

L’espoir fait tellement vivre que ladite nostalgie ne manque pas de titiller la glande lacrymale au gré de quelques ilots de plénitude bienvenus. Entre, en fond de la virulence industrio-groovy de « Minotaur », une distillation mélancolique diffuse à base de modulations harmoniques détonantes rappelant « Yes We Die », et les petites touches électroniques mouchetant la title-track de Different Breed dans une formule revisitée à la syncope de celle de Face the Colossus, Dagoba peut effectivement se targuer de voguer sur un cap chargé de fulgurances et de sentimentalisme.

 

Et pourtant, ça ne suffit pas. À trop vouloir fédérer les différents aspects de la musique de Dagoba, Different Breed se perd finalement dans une linéarité confondante. Enfermés dans leur volonté de se démarquer, plusieurs morceaux en deviennent particulièrement anecdotiques, à l’image du rythme par trop itératif de « Distant Cry » ou des orchestrations apathiques de « At the End of the Day ». Ou encore d’une belle inspiration symphonique à base de piano éthéré sur « Alpha », qui ne crée néanmoins aucune rupture en tant que point final de l’album. La mélancolie qui lui est inhérente ne se montrera que propice à exprimer son désarroi face à une conclusion aussi frustrante que la dernière saison de Lost.

 

Different Breed se veut, à l’image de sa « créature à la fois brutale mais aux traits humains » en guise d’artwork, « une plongée sans concession dans un monde dur, sombre, mais aussi mélancolique et empli d’espoir » (~dixit le press kit). Belle retranscription d’un sentiment de gâchis vis-à-vis de l’intensité que l’on s’imagine plus que l’on ne ressent au gré des plus belles instrumentations. Les blasts foudroyants en ouverture de « Phoenix Noir » ? Anéantis par l’ébauche maladroite de metalcore sur les refrains et ses « woh-oh-oh » balancés du chant le plus clair d’un Shawter clamant son amour pour Alexisonfire. L’atmosphère industrielle aux doux relents de Poseidon installée au fil de « Vega » ? Hachée par un franc décalage rythmique. À croire que les différentes facettes qu’incarne l’historique de Dagoba s’entrannulent stylistiquement parlant, c’est fort…

 

Dans la lignée de l’évolution du groupe, qui aura su continuer à conquérir un public, on se désolera en tant que boomer teasé par l’aspect fédérateur de Different Breed de ses incursions finalement kaléidoscopiques sur les traces fumantes de l’avant-Post Mortem Nihil Est. L’occasion parfaite de se remémorer la traduction de ce dernier titre en matière de constat sur la fin des idylles envers ses groupes de cœur : « Il n’y a rien après la mort ».

photo de Aldorus Berthier
le 20/06/2024

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