Burning Bright - Domesday

La vie doit tout de même être bien morne à Caen, pour que de cette bourgade s'échappent nombre de groupes qui développent cette forme de catharsis dans leur musique. Bon, nombre, je sais pas, mais j'en compte au moins deux (ce qui à l'échelle de la ville n'est déjà pas mal du tout) : Amanda Woodward et Burning Bright, auxquels on pourrait du coup rajouter Aussitôt Mort.

D'ailleurs, la diaspora caennaise ici présente m'indique que les groupes en question partagent des membres (mais aussi avec Nine Eleven !), alors je me contenterai de les croire en attendant qu'on m'indique tous les in-dis-pen-sables groupes Caennais de moi inconnus. J'attends, parce qu'il y en a sûrement.

Bref, en tous cas, si Amanda Woodward font indubitablement partie de mes formations hexagonales préférées, cette récente découverte (pour moi) de Burning Bright rajoute encore une petite pierre aux fondations de l'immense édifice des groupes que j'aurais aimé connaître plus tôt et dont je ne comprends pas ne pas avoir entendu parler auparavant, parce que cet album Domesday, sorti en 2012, est tout simplement excellent.

Pour un album du style, les sonorités sont vraiment particulières : les premières secondes de « Sleepless Me », le premier morceau, ne préparent pas du tout à un album en grande partie jalonné par le d-beat. Par contre, elles marquent clairement la (les) couleur : sortir des sentiers stylistiques battus et rebattus, aller chercher des sonorités post et presque psyché (« Vitriol », « Kalopsia »), laisser ses racines screamo-rock s'exprimer largement dans les effets de guitare, varier les plaisirs sans souci du 'qu'en dira t'on'...

Rien que la (chouette) pochette induit en erreur : vu l'esthétique, on s'attendrait à un univers plutot stoner doom. Et pourtant, on est plus souvent proche d'un neocrust à la Tragedy / Fall Of Efrafa (« Sleepless Me », « Nightsins », là où on part sur le d-beat en fait), bercé au 'hardcore psychédélique', un peu comme si les lapins crusties de Richard Adams avaient bouffé des psylos, disons.

On notera par ailleurs les invités derrière le micro, venant seconder un chant déjà excellent de bout en bout sur cet album, en la présence de Bart de Birds In Row sur « Nightsins » et de Simon de Nine Eleven sur « Doomsday ».

Domesday pue la sincérité, transpire l'envie de respirer, de haïr ensemble le monde et d'ensemble en songer un autre, de s'abandonner entre les moments de doute, de colère et de rêves à construire, qui s'entrecroisent souvent, pour un résultat diablement authentique et honnête et un album qui est une de mes meilleures découvertes sur le trop tard de l'année.

Au final, tout ça évoque des sentiments contradictoires chez moi : la frustration de ne pas avoir connu leur musique plus tôt, mais aussi la réaffirmation qu'il y a toujours à découvrir quelque part un album d'un groupe dont on n'a jamais entendu parler, qui est resté sous nombre de radars et qui témoigne de la vivacité de ces scènes qui nous font vibrer et qui nous font apprécier un peu plus, parfois beaucoup, la vie que l'on mène. En ce qui me concerne, Burning Bright font partie de ceux-là.

Alors simplement merci, avec onze ans de retard.

A écouter parce que cet album devrait être un indispensable pour toutes celles et tous ceux qui ont le cœur lourd face au monde, qui tentent de faire un peu plus que de survivre, pour une vie libre et parfois difficile, pleine autant que possible, et avec parfois un rayon de soleil et un peu de bonheur.

Pingouins

le 02/04/2023