Helleruin - Devils, Death and Dark Arts

Il est un groupe hollandais qui est en train – gentiment mais sûrement – de se faire un nom au sein de la scène Black Metal européenne, ne serait-ce qu’au regard des tournées de premier plan auxquelles il a participé en opener de qualité. Après avoir accompagné Kampfar l’année dernière, les gars de Helleruin, armés d’un album (War upon Man, 2021) et de deux splits (2017 et 2022, le dernier concocté avec De Gevreesde Ziekte), ont traversé cette année le vieux continent avec Destroyer 666 et Bodyfarm ; la France n’a pas été oubliée avec, entre autres, leur passage remarqué à Denain pour le In Theatrum Denonium, désormais manifestation de référence hexagonale pour la musique extrême.

Ils retraceront la route l’automne prochaine avec Misþyrming, Darvaza et Wrang – outch foutre dieu ça va taper fort… – mais se déployer de la sorte sur scène a demandé quelques efforts et ajustements, dans la simple mesure où Helleruin est avant tout un projet solo, celui de Niels Kuiper, alias Carchost, jeune artiste de Groningen avec 27 piges au compteur. Il a pu bénéficier du renfort en live du bassiste de son autre groupe, Orewoet, ainsi que du batteur et du gratteux de … Wrang justement.

Il ne fait guère de doute que l’intérêt et la curiosité des Blackeux pour Helleruin ne risquent pas de tiédir. Bien au contraire, car ils seront là pour défendre leur dernier méfait Devils, Death and Dark Arts sorti le 16 juin chez New Era Productions et dont le résultat final est … impactant !

Le mérite en revient à cette identité musicale encore mieux digérée (et bien mieux produite d’ailleurs) que sur le premier long-format et sur le dernier split, à savoir cette rencontre maitrisée entre le Raw BM et le Black mélodique. Pour ambiancer, Carchost sait faire ! Dès les premiers murmures de "The Flame Still Burns Within Me", un frisson nous parcourt l’échine, avant que soit délivré un Black Metal brut, maléfique, méchamment clouté (à l’image des bracelets qui ornent la pochette de ses deux albums), et pourtant magnifié par des rets mélodiques dès la 4^e minute, qui bégaient pour les derniers instants.

L’atmosphère ne cesse d’être froide et sinistre… Le son claque moins ici à la Mgła que sur le dernier split (presque trop évident sur "We Rush Ahead"). Bon… cette influence ne s’estompe pas totalement (écoutez le très bon "Riddles in Devil's Tongue"). Le morceau éponyme notamment nous indique que Helleruin puise davantage l’inspiration de ses riffs verglassés dans la scène finlandaise (Sargeist, Satanic Warmaster), mais ne souhaite pas un instant se dessaisir de la hargne crasseuse et du rythme effréné que porte aujourd'hui le Métal noir québécois, spécialement une formation qui a récemment marqué les esprits par son BM occulte, décadent et tellement intense : Spectral Wound !

Helleruin nous emporte dans de semblables tourbillons de blasts de batterie ("It Befalls the Night With Doom") et des parties plus cadencées, presque catchys ("Riddles in Devil's Tongue", 3^e et 4^e minutes). Carchost sait dans le même temps nous rendre captif de mélodies et atmosphères envoûtantes, comme l’illustre le titre instrumental "All Shades of Ferocity" tout aussi inconfortable que pénétrant. Le son brut/la mélodie, l’obscurité/la lumière, la mort/la vie, cette dichotomie que l’on retrouve jusqu’au titre et à la structure interne de l’outro ("Hymn of Life and Death") devient la marque de ce très bel album, animé des intentions les plus hostiles et pourtant dont l’issue trouvera grâce auprès d’une myriade d’adeptes d’un Black Metal puissant, incisif et sans concession, aucune…   

Seisachtheion

le 23/06/2023