Höyry-Kone - Hyönteisiä Voi Rakastaa

Chronique CD album (46:45)

chronique Höyry-Kone - Hyönteisiä Voi Rakastaa

J'ai déjà évoqué le sujet dans de précédentes chroniques, donc je sais, je radote. Mais c'est que je suis encore tout émerveillé par les possibilités qu'il offre. Je veux parler de Rateyourmusic. Ce site est vraiment une source extraordinaire de découvertes musicales. Jusqu'à présent c'était Bandcamp qui s'était avéré le meilleur pour me rencarder, hors canaux promotionnels officiels, mags, zines, et tuyaux des potes. Mais ce dernier est en train de se faire détrôner doucement. Si la chronique du premier album de Höyry-Kone est l'occasion idéale pour effectuer cette digression publicitaire (non, ni CoreAndCo ni moi ne touchons rien en échange de cette déclaration d'amour spontanée), c'est qu'il fait partie des toutes premières trouvailles que j'ai effectuées là-bas, lors d'un raid au sein d'une liste d’œuvres étiquetées « Sporkcore » (l'équivalent anglophone de Nawak Metal). Hyönteisiä Voi Rakastaa y côtoyait des albums de Dr Zoydbergh, Fabulosos Calavera et Lingua Nada, autant de galettes qui sont ou seront également disséquées en ces pages, soyez-en sûrs !

 

L'étiquette « Nawak Metal » se retrouve donc ici associée d'autorité à Höyry-Kone (cf. le champs "Style", là haut). Ce qui risque fort de faire hurler nos amis progueux. Car il est vrai que, si les Finlandais ont toute leur place dans la grande famille de Mr. Bungle, ils y restent cantonnés dans un coin reculé de la branche la plus expérimentale de l'arbre généalogique. D'ailleurs, avant même d'évoquer le bébé de Messieurs Patton et Spruance, ce sont plutôt Zappa, King Crimson et Magma que les amateurs de Metal à lunettes citent, afin de situer les joyeux déköhnneurs dont il est aujourd'hui question. Et en effet, avec Hyönteisiä Voi Rakastaa (« Vous pouvez aimer les insectes », dans la langue de Tarja Turunen), les amateurs de folles farandoles où Ska, Chiptune et Grindcore s'entrechoquent dans un grand éclat de rire risquent de faire un peu grise mine.

 

De fait, avec Höyry-Kone on est plus dans le monde de l'improbable que dans celui de l'impayable. Plus dans l'univers de l'arty étonnant que du forain foisonnant.

… Mais il ne faut pas que ça vous effraie pour autant !

 

Quand il fait défiler les morceaux constituant Hyönteisiä Voi Rakastaa, l'auditeur a l'impression de passer d'un monde à l'autre, de parcourir des paysages et des atmosphères très différents les uns des autres. Ce qui peut déstabiliser, donner l'impression d'une expérience un peu décousue, et tantôt remporter l'adhésion, tantôt laisser dubitatif. Ceci pouvant parfois se produire au sein d'un seul et même morceau. D'ailleurs on le vérifie dès le tout premier d'entre eux. Car si les premiers pas effectués sur « Örn » sont assez grisants – cette trame pulsante dotée d'un je ne sais quoi de pince-sans-rire est carrément badass ! – on déchante quelque peu quand la compo bifurque vers un improbable no man's land habité de déclamations théâtrales mi-barrées, mi-prétentieuses. Et il va falloir s'accrocher. Car les sourcils restent haut perchés sur « Raskaana », cette divagation au premier abord plutôt cool, groovy-bluesy telle que pourrait la concevoir un That Handsome Devil hyper nonchalant, dévie rapidement vers des élucubrations noisy dignes d'un Patton en pleine crise de panique.

 

Heureusement les Finlandais redressent vite la barre en enchaînant deux petits bijoux qui font immédiatement disparaître tout doute quant à la pertinence du temps passé à les écouter. « Hämärän Joutomaa », tout d'abord, entremêle deux guitares en une magnifique hélice ascendante, dont le déroulé se voit rapidement rehaussé par une basse et une batterie tout en savants décalages. Puis le niveau monte encore d'un cran grâce à une improbable mélopée, grinçante et pourtant aérienne, qui fait dodeliner nos têtes et ravit nos âmes. On flotte alors au sommet de l'art d'un Sleepytime Gorilla Museum, porté par le chant magnétique de Matti Jalava. C'est donc dans les meilleures dispositions que l'on se fait cueillir par « Pannuhuoneesta », dont les savants couacs et la trame électro/Glitch frétillante nous emportent dans une course folle au cours de laquelle on croit parfois reconnaître des fragments du « Rockit » de Herbie Hancock, mais aussi les trilles inquiètes du « I've Seen That Face Before (Libertango) » de Grace Jones.

 

Après ces pics – tantôt au sommet, tantôt en eaux troubles – l'album se stabilise.

Ou alors c'est nous qui finissons par nous adapter à cet environnement sonore étrange et mouvant...

 

Certes, les incongruités restent fréquentes – ainsi « Luottamus » démarre sur une Bossa-Nova indolente avant de terminer sa course dans un désert sergioleonien, tandis que « Hyönteiset » s'adonne à un Nawak Prog d'obédience clairement pattonienne – mais le palpitant a dès lors moins l'occasion de s'affoler. Si ce n'est pour s'agacer sur un « Kosto » portant mal son nom. Car si cette 7e piste est à nouveau l'occasion de s'extasier sur les capacités vocales de Matti, elle s'avère n'être qu'une fanfaronnerie expérimentale aussi précieuse que prétentieuse, sauvée in extremis du naufrage par une dernière minute dont le début s'avère plus enlevé et séduisant. En même temps on aurait été étonné – limite déçu – si le reste de l'album n'avait été que velours, plumes et onctueux breuvages...

 

Deux ans après cette première mise au point discographique – d'interrogation et d'exclamation mélangées, les points – Höyry-Kone remettra le couvert pour un Huono Parturi que les commentateurs semblent quasi-unanimement indiquer comme meilleur que son aîné. Ce qui titille ma curiosité, il faut bien l'avouer. Mais il va d'abord falloir se dénouer les nerfs auriculaires avec un peu de fougue Thrash et de lubrifiant Funk, parce qu'une écoute prolongée des élucubrations de ces dandies sociopathes a fini par foutre un bordel monstre dans mes câblages neuronaux...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : amis de l'Easy Listening de salon et de la Pop mièvre, vous vous êtes trompés de porte. Car Hyönteisiä Voi Rakastaa s'adresse au Progueux les plus aguerris, ainsi qu'aux amateurs des nawakeries les plus avant-gardistes. Prenez garde : Höyry-Kone malmène les oreilles, entortille les riffs, et mêle orchestrations, éléments électroniques, et élucubrations improbables en des compos zeuhlo-bungliennes qui pourront agacer autant qu'émerveiller. Tout dépendra de votre état d'esprit, de vos attentes, et de quels morceaux croiseront votre route en premier. Vous voulez en goûter le meilleur sans vous risquer à vous abimer les nerfs sur le plus éprouvant ? Zappez en direction de « Hämärän Joutomaa » et « Pannuhuoneesta » !

photo de Cglaume
le 23/06/2024

2 COMMENTAIRES

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 23/06/2024 à 13:02:09

Jpeux décidément pas m'empêcher d'imaginer la manière dont tu parles de tous ces albums en société...

"- J'ai écouté un super album d'avant-prog expérimental l'autre jour, je l'ai même chroniqué c'était chouette !
- Ah ouais ? Ça m'intéresse ça tiens, il s'appelle comment ?
- Euh..."

cglaume

cglaume le 23/06/2024 à 13:18:21

Le plus dur c’est de bien prononcer les trémas sur les H aspirés. Ceux qui chuintent ont un net avantage !

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