Jason Bieler - Where Dreams Go To Die

Chronique CD album (64:42)

chronique Jason Bieler - Where Dreams Go To Die

Résumé des épisodes précédents :

2023 - Postcards From The Asylum - « Excellent, crénom ! Jason qui ? C'est son premier album ? »

2021 - Songs For The Apocalypse - « Délicieux, parbleu ! Mais ce talent, c'est depuis toujours ? »

2018 - Where Dreams Go To Die - « Superbe, fichtre ! L'inscription au fan club, c'est combien ? »

 

C'est en effet à reculons, suite à la découverte de Postcards, son dernier album (… à l'heure où je vous écris), que le mélomane obsessionnel qui vous cause a commencé à explorer la discographie de Mr Jason Bieler. Et il se trouve que jusqu'à présent c'est un sans faute, une suite ininterrompue de Whouawh se succédant inlassablement, une véritable séance de musculation où les zygomatiques se contractent, les tympans frétillent et les pupilles s'écarquillent.

 

La chose a déjà été abordée dans les chroniques des albums cités plus haut, on fera donc vite cette fois : Jason Bieler est le guitariste de Saigon Kick. Et comme celui-ci est doté d'une muse extrêmement prolifique, il a largement de quoi alimenter une riche carrière solo. Et c'est justement cette dernière qui nous intéresse aujourd'hui. Particularité de Where Dreams Go To Die, 2e album s'inscrivant dans le cadre de ce parcours artistique parallèle et (presque) solitaire : il est sorti sous le seul nom de son géniteur, quand les deux suivants seront livrés par l'alliance de Jason et du Baron Von Bielski Orchestra. Bref : à l'époque, la schizophrénie de notre Bibiel' n'avait pas encore eu d'incidence patronymique. À noter que cette légère différence entre les enseignes de 2018 et 2021 n'a pas de conséquence perceptible sur la musique proposée – et c'est tant mieux, vous dira le fan !

 

« Pas de conséquence » vous disais-je, parce que rien d'évident ne saute aux yeux (!) de l'auditeur. Toutefois, si l'on cherche bien, que l'on sort la loupe pour y voir de plus près, il est possible de trouver que l'Endroit où les Rêves s'en Vont pour Mourir est plus duveteux, plus calme, plus Pop que ses successeurs – même s'il y a là matière à discussion, hein, on pourrait faire appel à l'arbitrage vidéo pour trancher. Néanmoins on osera affirmer que ce 2e album est globalement plus posé, moins tortillon – moins Prog – que ceux qui le suivront. Et c'est d'ailleurs en partie là que réside le génie du bonhomme : « douceur », « Pop », « piano », en théorie ces termes agissent sur ma pomme comme l'assiette d'épinards froids sur le collégien, ou le poil gris sur le pédophile. Il s'agit de répulsifs naturels. Et pourtant, quand c'est Jason qui cuisine, cette soupe au sucre tiède devient un émerveillement pour les papilles...

 

Quel bonhomme quand même !

 

Allez, soyons honnête : cet émerveillement n'est pas systématique. Car quand on lui enlève son cuir Rock'n'Roll, « True Love » montre un visage trop souriant, trop onctueux. « God at War » et son piano lacrymal ont eux aussi tendance à trop s'épancher, à laisser trop de kleenex mélancoliques traîner sur le sol. « Hell » fait dans la douceur fuyante, dans le légèrement faux jeton – l'approche étant pour le coup moins Pop, et également moins séduisante. « Here in My Arms » s'accroche aux dernières bribes d'un sommeil déclinant, et semble ne jamais vouloir vraiment s'extraire de la brume où il stagne. Quant à « Turn Out the Lights », il s'avère fragile à l'extrême, et n'est pas loin de se laisser aller à geindre par moments.

 

« Bordel, mais ça fait pas du tout envie ton histoire ! »

 

En effet. On ne taira pas les quelques défauts du disque. C'est que, inconsciemment, on aurait comme des envies de se venger après avoir été ainsi ensorcelé à notre corps défendant. D'ailleurs ces travers expliquent que – bien qu'il renferme de véritables pépites – l'album n'obtient pas plus qu'un 8,25/10 finalement assez modeste.

 

C'est sûr que si Jason avait effectué quelques coupes ciblées, dans notre estime Where Dreams Go To Die aurait joué au coude-à-coude avec ses successeurs. Car dès les tout premiers pas dans ce superbe édifice musical, l'auditeur se fait faucher par un « Kings of Everything » grandiosement serein, doté d'une lumière éblouissante, de saccades majestueuses, et de chœurs divins (… il faut dire que c'est l'une des marques de fabrique du Monsieur) : du pur Devin Townsend, en somme. La conversation reste amicale et chaleureuse sur « Bottom of a Hole », mais c'est à l'occasion du morceau-titre qu'on commence à deviner la sorcellerie à l’œuvre.Comment expliquer sinon que l'on trouve aussi délectable de s'abandonner à cette Soft Cocooning Pop/Rock il est vrai irrésistible, et que l'on trouve aussi parfaits les Na-na-na-na qui viennent s'enchâsser dans les dernières occurrences du refrain ? « Save the Day » nous cueille quant à lui dès la toute première seconde avec de nouveaux chœurs en mille-feuilles tout bonnement incroyables... Jason n'ayant dès lors rien d'autre à faire qu'à combiner ceux-ci à un Metal/Rock traînant pour transformer le titre en une jolie petite tuerie...

Mais comment diable fait-il ?

 

Sobres, fragiles mais magnifiques, ce sont là des termes qui conviennent parfaitement à « A Girl Names Hollow » et « Brooklyn », morceaux dont certains passages pourraient aussi bien être extraits de tubes d'Elton John (la sobriété du piano) ou de Michael Jackson (les chœurs enjoués, presque Soul). Mais ce qui finit bel et bien de nous hameçonner comme le dernier des Netflix-addicts face au twist improbable de fin d'épisode, c'est l'exceptionnel « The Girl », tube joyeusement brinquebalant, semblable à la création d'un Peter Gabriel hilare aux manettes d'une formidable mécanique foraine. Ce genre de morceau, tels « Beyond Hope », « Mexico » et bien d'autres avant lui, peuvent vous rendre un cglaume chou-crac-love à vie. Et c'est bien là ce qui est arrivé...

 

… Bien joué, Jason !

 

Si on fait le bilan, le constat est clair : Jason Bieler est en train de devenir pour celui qui vous parle l'un de ces très rares artistes capables, quelle que soit la nature de leurs créations, de toucher leur public en plein cœur. Comme Devin Townsend et Mike Mills (Tohider), c'est ça. C'est à mon sens la manifestation la plus éclatante qui soit de ce que l'on appelle le talent. Et c'est quelque-chose d'aussi rare que de précieux. On va donc continuer à suivre le Monsieur dans ses œuvres...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : bien que le niveau d'onctuosité softpoprockesque soit un cran plus élevé encore que sur les deux albums suivants, Where Dreams Go To Die est une occasion supplémentaire de se laisser envoûter par les univers hétéroclites de Jason Bieler, sa voix ensorceleuse, ses mélodies évidentes, son talent insolent. Le métalleux convaincu s'en voudrait presque de céder à ce point à un Prog Metal/Rock aussi moelleux... Mais il ne peut lutter. Et l'on accepte donc avec une délectation résignée cette débauche magnifique de chœurs généreux et d'inventivité lumineuse.

photo de Cglaume
le 19/05/2024

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