Jason Bieler (And The Baron Von Bielski Orchestra) - Houston We Have A Problem
Chronique CD album (01:06:31)

- Style
Rock, Pop & co - Label(s)
Autoproduction - Sortie
1998 - écouter via bandcamp
Je n’essaierai même pas de faire semblant… Oui, c’est vrai : depuis la découverte du très bon Postcards From The Asylum (il y a à peu près deux ans de cela), j’ai développé une forme relativement aiguë de bielerophilie – monomanie qui n’a rien à voir avec le fait de boire de la Kanter’ en soulevant des haltères, vous êtes graves quand même, des fois… Ceci explique cette pulsion qui me pousse, depuis lors, à aller coller mes oreilles sur tout ce qui est estampillé du nom de ce grand barbu dont l’inspiration apparemment sans limite le tient éloigné de toute date d’expiration.
Houston We Have a Problem est un premier album un peu particulier. Et pas seulement parce que celui-ci est sorti 20 ans avant le suivant, alors même que son concepteur faisait encore partie de Saigon Kick. Ce qui en fait un opus particulier – « bancal » même, dirait le ronchon qui a marché par inadvertance sur une brique Lego, et s’est conséquemment tapé la tête contre le chambranle de la porte après un premier bond de surprise et de douleur – c’est qu’il s’agit d’une collection foutraque de morceaux censés être à l’état de démo, balancés au petit bonheur dans une grande marmite d’une grosse heure.
Bon alors pour ce qui est du côté foutraque, OK, pas trop de contestation possible… D’ailleurs on va y revenir.
Le côté « démo » en revanche, soit c’est de la fausse modestie, soit c’est la manifestation d’un perfectionnisme maniaque. Parce que, certes, si l'on compare ces titres anciens à ceux sortis ces dernières années, on peut remarquer un degré de finition moindre. OK, plus de la moitié des pistes se terminent sur un fade out un peu facile. N’empêche que, dans leur écrasante majorité, ces compos ressemblent autant à des démos que Tonton-en-chasse-neige-sur-une-piste-verte ressemble à Alberto Tomba.
L’appel de Jason Bieler à Houston date donc de 1998. Et pourtant, vous savez quoi : la patte unique du bonhomme est déjà là, bien affirmée, séduisante, unique. C’est que Mister B. n’est pas du genre à nous faire le coup de la pirouette transformiste, plus connue sous le nom de « J’arrête le Glam pour le Groove Metal, because je suis trop un Cowboy From Hell » ! Même voix fortement typée que celle des 20s, même aptitude à nous couler dans des mélodies irrésistibles, même envie de toucher à tout, même impression régulière d’écouter une version légèrement Pop de Waltari… L’amateur a ici largement de quoi se lécher les babines !
« Foutraque, par contre, tu disais, Houston We Have a Problem ? »
On peut dire ça oui. Car – si on veut caricaturer un brin – il s’agit d’une sorte de compilation sucrée/épicée/acide qui rassemble sans vrai souci de cohérence trois grandes familles de compos (… je simplifie outrageusement).
La première de ces familles correspond à la dimension « sucrée ». Il s'agit de la « mafia des titres roudoudou-bisous-bisous », à la douce coloration laiteuse, et dont la haute teneur en ouate tiède n’empêche pas la fourniture de titres hautement recommandables. Parmi ceux-ci on citera « My Love », hymne serein et réconfortant qu’un Devin Townsend pastoral aurait pu lui aussi composer. « Divine », qui se drape dans des voiles orientaux, cultive un mystère nonchalant, et diffuse des fragrances rétrofuturistes un peu décalées. Ou encore l’insouciant « Shadows », qui sourit aux papillons et rafraîchit ses orteils dans la rosée.
Le second de ces clans incarne la dimension « épicée ». C’est celui des petits tubes directs, croustillants, à énergie hautement communicative. Tel « Control », frais comme du bon pain, décidé comme un jogger, qui riffe comme le grand-frère posé du « Brio » de Big Soul. Tel « One Fine Day », à la tranquillité vivifiante. Tel « Who Do You Love », au subtil parfum cubain et à la chemisette légère. Ou encore « Ariane », qui ajoute quelques touches synthétiques waltariennes à un riffing jumeau de celui de « Control ». Du matos de premier choix, donc, idéal pour aller courir dans la campagne, un week-end de mai.
La troisième de ces cliques est la plus mal famée. La voilà, la dimension « acide » de ce foutoir musical. Elle rassemble des pistes qui, pour certaines, ressemblent plus à des expérimentations hasardeuses qu’à de véritables créations bieleresques. Qu’ont-elles en commun ? Un socle électroïde souvent assez sommaire – rappelez-vous, on est en 1998, les beats sonnent encore carton & papier crépon. Si la chose passe encore assez bien sur un « Jupiter » typé mais écoutable, cela devient largement plus pénible sur « End of an Era », erreur de jeunesse instrumentale ayant l’élégance d’une flaque de vomi est-allemande, sur « How Long », qui mêle piano kitch, ambiance 80s mitée, et bzoïng irritants, ou sur « Oh Yeah », qui dégaine une BAR et des sonorités préhistoriques qui, dans le meilleur des cas, rappellent le « Vogue » de Madonna et le « Rock It » de Herbie Hancock.
Là, vous savez tout. Enfin presque : ce sera tout à fait le cas quand j’aurai évoqué ces clins d’œil fréquents que Jason lance aux Beatles, sur le refrain de « Control » par exemple, de manière plus évidente encore sur « Before The Fall », et carrément sous forme d’hommage explicite au sein de « John And Paul ». Alors oui, on peut en effet appréhender Houston We Have a Problem comme une drôle de pochette surprise, de laquelle on extrait tantôt les confiseries les plus délicates (la majorité du temps), tantôt des jouets en plastoc made in Taiwan (ci et là). Pour peu qu'on en ait été informé à l'avance, et qu'en conséquence on se soit arrangé pour éviter Mr Hyde afin de se concentrer uniquement sur le Dr. Jekyll, ce premier album s’avère avoir un charme fou. D’ailleurs, gage de qualité indiscutable (!), nombre de ses morceaux sont allés rejoindre ma playlist « C’est pas parce qu’on est à une réunion de famille qu’on doit forcément écouter de la merde ».
La chronique, version courte : Houston We Have a Problem, c’est le grand fatras free style dans lequel un Jason Bieler toujours investi au sein de Saigon Kick rangeait les morceaux composés à ses heures perdues. On y trouve de ces pépites qui nous ont rendus chou-crac-love 20 ans plus tard. Mais aussi des expérimentations hasardeuses faites de carton-pâte et de beats émoussés. Heureusement, les compos de qualité dominent également en quantité, ce qui explique que ce premier album solo ait, tout comme les suivants, une place spéciale dans notre petit cœur de fan transi.
2 COMMENTAIRES
el gep le 23/03/2025 à 11:33:54
C'est donc un week-end très Pop foutraque sur Core And Co, dis-donc...
cglaume le 23/03/2025 à 11:50:38
'xact 🙂😉
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