Job For A Cowboy - Moon Healer

Chronique CD album (39:12)

chronique Job For A Cowboy - Moon Healer

J’ai une certaine affection pour les groupes affublés d’une phrase en guise de nom : plus ils sont longs et/ou bizarres, mieux ils captent mon attention. Pour le meilleur (Last Days of Humanity, <3) comme pour le pire (We Butter The Bread With Butter, mais quelle dégueulasserie, si au moins ils avaient rajouté de la confiture par-dessus…) D’autant que la tendance lorgne davantage, à mon grand regret, vers la seconde tendance, du côté de la plupart des genres que j’aime le moins, deathcore en première ligne. Et ce n’est pas le premier EP de Job for a Cowboy qui me fera dire le contraire.

 

Pourtant, un sursaut death plus traditionnel dès leur premier album, puis tech sur Demonocracy avant un dernier virage prog assez chiadé sur Sun Eater peut donner de quoi ne pas trop s’inquiéter sur la suite de leur rodéo. Et ce ne sont même pas dix ans d’écart qui vont altérer cette appréhension pour Moon Healer, au vu d’un artwork déjà magnifique, mais surtout stylistiquement dans la continuité de son prédécesseur. Quitte à faire du cosmos son terrain de jeu, autant gratter tout le système solaire ; à quand Pluton et la ceinture de Kuiper pour les prochains albums ? Et là je dois malgré tout avouer avoir le cul entre deux chaises, l’une en paille bien rembourrée l’autre en vieux fer tout rouillé. D’un côté j’adore Moon Healer, qui semble confirmer une approche death très pluraliste chez JiFAC, de l’autre se ressent encore le stade du balbutiement dans l’exécution de la formule.

 

De breakdowns lourds en blast beats harmonieux, de virtuosité mélodique en agressivité raffinée, Moon Healer navigue entre prog bourru et tech fulgurant, rehaussé d’un nappage death mordant. Sur un équilibre aussi ténu que maîtrisé. L’enchaînement de tempos, de rythmiques et de mélodies effréné que propose JiFAC construit en filigrane un univers sonore typé sci-fi somptueux dans lequel on navigue aussi à l’aise qu’entre un skeud d’Obscura et de Fallujah. Sa dimension tech se ressent avec force autant sur des breaks nombreux et savamment distillés (mention à « Beyond the Chemical Doorway ») que sur un usage savant de la basse sur ses possibilités organiques (la palme à « Into the Crystalline Crypts » qui évoquerait les plus belles heures de Rings of Saturn). JiFAC peut même se targuer de coups d’éclats musicaux du plus bel effet, à l’image de l’intro et l’outro d’« A Sorrow-Filled Moon » et leur emploi presque ambient de la guitare électrique, ou de soli longs mais émérites dans leur complexité (je vous renvoie de nouveau à « Into the Crystalline Crypts », quel morceau de fou décidément).

 

Mais voilà, tout cela est bien beau, mais ça pue quand même un peu le foutraque à plein nez. Comme si, pour assembler entre elles les briques les plus chères et les mieux polies, JiFAC n’avait pas encore trouvé le bon ciment. Lorsque la fulgurance technique recherchée n’occulte pas en partie la difficulté à trouver la meilleure accroche pour en suivre les circonvolutions (« Etched in Oblivion »), le manque de solidité dans leur enchaînement dénude le tech ainsi produit de toute sa beauté (« The Sun Gave Me Ashes So I Sought Out the Moon » ; bon je sais que je fais des phrases trop longues mais là avec des titres pareils on peut pas dire que je sois aidé). Coïncidence ? Le meilleur morceau de l’album (et aussi le dernier) « The Forever Rot » s’affranchit de la plupart de ces écarts. Rien à voir avec son tempo plus lent et moins saccadé ; ses fulgurances techniques y sont simplement mieux encadrées, et par conséquent leur maîtrise infiniment mieux mise en valeur.

 

Gageons qu’à vouloir contenter une horde de fans tenaillés par dix ans d’attente (plus sept ans de retard par rapport aux prévisions initiales, selon lesquelles Moon Healer aurait dû sortir en 2017), JiFAC se soit trop évertué à vouloir démontrer son savoir-faire. Vous aimeriez, vous, que votre génie mathématique de petite sœur s’évertue à vous plomber une soirée entière de développements sur sa solution à la conjecture de Hodge ? Impressionnant certes, mais malgré toute la bonne volonté du monde difficile de ne pas perdre le fil au bout d’un moment.

photo de Aldorus Berthier
le 12/03/2024

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