Jours Pâles - Éclosion
Chronique CD album (50:18)

- Style
Black Metal dysthymique - Label(s)
Les Acteurs de l'Ombre Productions - Date de sortie
26 février 2021 - Lieu d'enregistrement Studio Henosis
- écouter via bandcamp
Les premiers temps de l’année 2021 commencent fort pour Les Acteurs de l’Ombre. Comparativement peut-être plus fort encore que l’année précédente, grâce aux trois salves balancées successivement par ce label, trois lames de fond : Les Chants de Nihil (Le Tyran & l’Esthète chroniqué par notre Xuxu va flirter dangereusement avec mon Top 10 annuel), Blurr Thrower (belle pièce, bien chéper) et Jours Pâles. La sortie du prochain Wesenwille ne va certainement pas compromettre un tel élan.
Le premier opus de Jours Pâles, joliment intitulé Éclosion, est le fruit d’une histoire heurtée, puisqu’il s’agit du nouveau projet de Spellbound, le hurleur d’Aorlhac, « né des cendres » d’un autre, Asphodèle, quasiment mort-né puisqu’on ne lui doit qu’un premier et dernier album sorti en 2019. Interruption brutale qui interroge pour sûr. S’agirait-il d’un problème de casting ? Peu m’importe. Malgré cette destruction créatrice, visible dans la réutilisation du titre de l’album Jours Pâles, Spellbound conserve ses velléités d’écriture, sa vitalité de compositions, ses habitudes de travail. En effet, comme pour Asphodèle, tout un groupe d’artistes gravitent autour du vocaliste, et non des moindres avec le lead guitariste James Sloan de Uada et Gravelight et l’ancien bassiste de Shining, Christian Larsson (Gloson). Des guests viennent en appui : à nouveau Graf de Psychonaut 4 (pour "Des jours à rallonge") et Ondine de Silhouette (sur "Éclamé"), sans oublier Sylvain Bégot (Monolithe) et Lonn (Aorlhac) pour les guitares soli. La distance et le confinement n’ont pas été une entrave ici.
Nous en sommes habitués avec Ladlo (Maïeutiste, In Cauda Venenum, Triste Terre, …), mais nous avons de nouveau à faire une musique qui dégage un fort degré de sophistication et d’intellectualisation qui risque peut-être d’en faire fuir certains. Tant pis pour eux ! À l’image de l’artwork signé Onodrim et des lyrics ciselées par Spellbound lui-même, le corps et l’âme sont ici mis à nu dans leur plus froide et pénétrante imperfection par un Black Metal dysthymique qui met en branle des sentiments affligés. D’après ces propres dires, le frontman « poursuit les compositions et l’aventure avec un désir de continuité autant que de cassure. Ce pas en avant répond à un besoin de s’exprimer au travers des mêmes états d’âme et d’épaisses brumes dysthymiques tout en se dégageant des carcans du passé, délaissant les humeurs rock pour une évolution stylistique désormais tournée vers un metal toujours mélancolique mais aux relents plus agressifs et galopants. » Musicalement, les continuités sont bien présentes et claquent aux oreilles, et ce dès les premiers instants de "Illunés". Bien que peu nombreux à mon goût, ces « relents » souvent accompagnés d’une texture vocale plus grasse existent bel et bien. Et heureusement qu’ils sont là sur "Ma dysthymie, sa vastitude" (au milieu de la 4e minute), sur "Le chant du cygne" (à la 5e minute), sur "Éclosion" (emballement de la 3e minute), sur "Suivant l’astre" (entame bien catchy) et enfin sur "Des jours de rallonge" (4e), car ils donnent de la nervosité et de l’âpreté à un ensemble, qu’on ne saurait donc réduire à un simple bain musical de mélancolie éthérée et d’humeurs dépressives, telles que le suggèrent par ailleurs les premiers soupirs de "Éclamé" et du morceau éponyme ou encore l’outro musicale.
Le parolier, qui met toutes ses tripes sur la table, là devant nous, participe de manière claire et décisive à la force de frappe émotionnelle de cet album. Et à l’instar du dernier Aodon, je ne me vois pas ne pas partager avec vous certaines de ces phrases, certains de ces mots, sincères, habités et torturés, tantôt « illunés », tantôt obscurés.
Florilège conclusif :
"Illunés"
« Oh toi qui un jour est mort de ne pas être heureux
As-tu trouvé la paix en l'asile des cieux ?
Peux-tu enfin écrire aux heures d'éternité
Les strophes d'une vie qui t'aura consumé ?
Sens-tu que je m'épuise, en ce combat trop vain
Où mordre la poussière, semble être mon destin ?
Le chemin est trop long et la nuit qui m'étreint
Chaque jour un peu plus attise mon chagrin […]. »
"Ma dysthymie, sa vastitude"
« Allongé, misérable, impuissant et résigné
Seul dans cet univers jusqu'alors inconnu
Terre hostile d'où je voudrais m'évader.
Vide et pourtant à ras bord, débordant de vécu
Soubresauts de révolte, pour échapper au non-sens
Celui d'un quotidien voué à l'obsédant projet
D'envier, de mépriser, trahir, écraser
Le tout bien caché, derrière l'odieux visage
De l'hypocrisie […]. »
"Éclosion"
« […] Iniques destins desquels s’engonce la douleur
Piégés dans l’épaisse brume des ivresses
Asservis, meurtris, figés dans la paresse
Mais saouls de souvenirs, désireux d’espoir
À nouveau. Renaître, revivre.
Au chevet de nos tristesses, le temps s’est figé
Avec pour seules compagnons, des souvenirs
Qui semblent en permanence nous échapper
À l’abri du monde, éloignés des turpitudes
Du désastre ambiant, des sales habitudes
Attendant d’éclore, à nouveau, et réanimer
Ce défaillant parcours, tordu, vrillé. »
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