Killing Spree - Camouflage!
Chronique CD album (45:46)

- Style
SaxDrumCore - Label(s)
Resistants Records - Date de sortie
13 septembre 2024 - écouter via bandcamp
Oyé, Oyé, jeunes pupilles de l'avant gardisme qui violente les écoutilles, venez, entrez!
Ohé Ohé, capitaines abandonnés des expérimentations musicales perchées, entrez, venez!
Mais attention, ici "avant-gardiste" ne signifie en rien "nawak". Ici, pas de golri, pas de trololo, ni de fusion tropico, pas de recyclage et encore moins de métissages. Killing Spree est une paillasse musicale, un laboratoire auditif où se livre des expériences uniques.
Dans le Bécher de gauche, Matthieu Metzger, saxophoniste génial et talentueux connu (surtout) pour sa présence dans Klone, (mais aussi) dans l'orchestre National de Jazz, auteur d'une thèse sur Meshuggah qui date mais qui a fait date.
Dans l’Erlen Meyer de droite, Grégoire Galichet, batteur de Deathcode Society, de Glaciation, de Vent Debout et professeur chez DrumStick. Bref, deux composés plutôt actifs et aux propriétés organoleptiques développées.
On ne sait quel quidam féru d’expérimentation a eu la riche mais risquée idée de mélanger les deux mais l’émulsion est heureuse.
Pas vraiment Ying et Yang, plutôt Bing et Bang. Ici, la complémentarité danse le tango avec la supplémentarité juste avant de lui coller un pain dans la tronche. A moins que ce soit l'autre qui ait commencé. Résulte de cette expérience alchimique, Killing Spree, duo improbable au langage musical incongru.
Facile à décrire ? Oui, c'est de l'expérimental à base de Saxo trafiqué, augmenté, désanalogisé, fucked-up-é et complété par une batterie jazzonomique et métrogroovique. Parfois, une voix, parfois un borborygme. Et c'est parti pour 50 minutes. Le matériel est neuf, rarement vu, très rarement entendu mais diablement bien rodé, il y a du talent et de la connaissance derrière la folie.
Facile à écouter? Oui, oui et non. Je ne m’offusquerai donc pas des condescendants "mais c'est quoi ce truc?" et des ironiques "mais c'est pas de la musique" mais, cette fois, il faudra tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de les déclamer. Avant-gardiste, oui, mais on reste dans le musical. Il y a des structures, des thèmes musicaux comme autant d'indications GPS pour que l'auditeur puisse se retrouver.
Certaines sonorités saxophoniques sont parfois dures. Ce n’est pas le sax de lover des années 80 qui plaisait à Georges Michael. On est plus proche du travail de Zu en plus brut peut-être, un peu trop. L’ensemble saxo/batterie remplit l’espace, grâce à des overdubs aussi variés qu'empilés, mais la musique du duo aurait pu prendre un peu plus d’ampleur avec une véritable basse, plus ronde, ou quelques incursions synthétiques pour donner plus d’assise à l’ensemble.
Facile à apprécier ? Non mais ce n'est pas parce que c'est difficile à apprécier que ce n’est pas appréciable. Ici, le plaisir de l’auditeur se mérite, se découvrira au fur et à mesure que son conditionnement à des musiques plus "populaire" s’érodera; il ne pourra pas faire l'économie d'une attention et surtout d'une belle largesse d’esprit. Si on ne crie pas immédiatement génie, on ne peut que reconnaître la réussite de l’intention, la qualité du travail d’enregistrement et la singularité de l’approche.
Élitiste? Pas forcément mais il va falloir beaucoup de légèreté à l’auditeur pour atteindre les altitudes vers lesquelles Killing Spree veut nous faire décoller. En outre, l'ascension est longue car avec ses presque 50 minutes, on aura le temps de se déboucher des oreilles ou au contraire de les avoir qui sifflent un peu trop. Mais le duo est pédagogue et vous donnera quelques sucreries à déglutir pour soulager les tympans comme "Corrida de Muerte" ou "Camouflage!"…
Le travail sur le saxophone rappelle un peu celui d'un autre taquineur de anche, d'un autre maître de la respiration circulaire : Colin Stetson. Mais là où Stetson a une approche plus jazz-fusion, plus éthérée, Metzger ajouté à son jeu une coloration métal subtile et délicieuse. Il y a définitivement une volonté de lourdeur, de noirceur dans Killing Spree qui justifie pleinement sa présence dans nos colonnes. Adolphe Sax qui aurait inventé le saxophone parce que, disait-il, « On sait que, en général, les instruments à vent sont ou trop durs ou trop mous dans leurs sonorités » aurait probablement loué l’approche dure proposée ici de cet instrument que l'on découvre étonnamment riche.
Enfin la voix adopte une couleur plutôt growlée, assez caverneuse. La prestation est crédible mais n'ajoute pas grand chose finalement, aussi du fait de sa discrétion (sauf sur l’excellent morceau qui clôture l’album où elle se fait plus rock). Elle n’a rien de reprochable mais son absence n’aurait probablement pas gêné.
Une oeuvre comme Camouflage aura du mal à se satisfaire d'un barème décimal ici un peu inadéquat et à la grille d’évaluation trop petite pour contenir tous les axes de notation proposés par cet album. Il est expérimental et à juger en ce sens. Et si la notion de tubes lui est étranger, il offre cependant une véritable écoutabilité qui lui évitera sans aucun mal d’être relégué dans le tiroir des chelouteries oubliés. On le retrouvera donc plutôt chez les discographes éclairés ou chez les discographes curieux.
On aime bien : l’idée originale, cohérente et bien menée…
On aime moins : un album très conséquent et très particulier
3 COMMENTAIRES
cglaume le 15/02/2025 à 10:31:44
J'ai essayé... Mais pas accroché
Crom-Cruach le 15/02/2025 à 21:27:26
J'ai pas essayé mais quelle chronique !
Aldorus Berthier le 19/02/2025 à 00:53:14
Mois j'suis la Suisse : essayé, kiffé et quelle chronique !
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