Knoll - As Spoken

Chronique CD album (40:35)

chronique Knoll - As Spoken

Aux États-Unis pullulent les représentants d’une frange du black metal où se diluent une galaxie de références à des sous-genres plus ou moins conspués par ses fanatiques les plus « kvlt » de la scène européenne. Entre la distorsion amorphe du shoegazing embrassée par Deafheaven et la crudité du post-hardcore délayée au cœur des fulgurances de Converge, le black s’y fait plus organique, parfois plus mélodique et même, disons-le, lyrique. Un critère qualitatif déterminant ? Ça, c’est à vous de voir.

 

Toujours est-il que cette tendance, si américano-centrée soit-elle, fait de belles vagues. Même engoncé dans son étiquette autoattribuée de « funeral grind », un groupe comme Knoll, fondé en 2017 – ça ne trompe pas – accuse le coup. Rompu depuis son premier album studio en 2021 à une musique où la brutalité du grind se décante dans le groove pesant du sludge tout comme les aspects les plus torturés et mathématiques du black de l’Oncle Sam. Imaginez Liturgy comme pare-chocs et un pot d’échappement estampillé Vattnet Viskar soudés à une carrosserie fait d’un alliage d’Anaal Nathrakh et de Katatonia. Un assemblage foutraque, même moche en apparence, mais dont l’alchimie parfaite ravage les cœurs et les cervicales.

 

En 2022, Knoll s’était déjà affranchi de Sludgelord Records pour voler de ses propres ailes à l’occasion de l’enregistrement de Metempiric. As Spoken confirme ce parti-pris comme gage de qualité certain, tant l’album entraîne l’adhésion de son auditeur sans la moindre surprise. Tout ce que Knoll sait faire, il l’y exalte au forceps : atmosphère enveloppante, brutalité cathartique et oppression sonore s’y côtoient dans son habituel amalgame de genres, qui s’allient et se dissocient avec une discontinuité savoureuse. Un sludge se distingue particulièrement dans "Wept Fountain" tandis que "Revile of Light" met l’accent sur les velléités funeral doom du skeud, lorsqu’ils ne se combinent pas brillamment comme sur "Fettered Oath". Une répartition très claire entre morceaux longs (5 à 6 minutes), résolument plus atmosphériques, et courts (2 à 3 minutes) où se déploient plus volontiers blast beats dévastateurs et touches noisy discordantes. Deux schémas qui divergent par leur construction, mais certainement pas au niveau du rythme de l’album. Les transitions, comme entre "Mereward" et "Guardian Blind", se ressentent ainsi clairement dans le crescendo d’un tempo glissant de l’ambient au blackened grind pur. Et ce sans que jamais ne s’atténue le sentiment de suffocation constante que parvient à distiller Knoll tout au long du paysage sonore qu’érige As Spoken de minute en minute.

 

Noire, suffocante, pesante, son atmosphère se construit au gré d’un chant guttural efficace – entre le grunt chthonien et le shriek glaçant – comme de riffs lancinants et enveloppants, et plus volontiers au gré des morceaux longs, au rythme plus lent et par conséquent mieux installé sur la durée. "Portraits" en constitue le point d’orgue, arrangeant ses parties ambient de blast beats parfaitement agencés sur leur pesanteur. Pour rehausser un genre aussi poussif que le grind, cette dissonance continue parfait la sensation d’oppression en comprimant la rapidité des notes lourdes et brutales que Knoll enchaîne si bien. Même en l’absence de la batterie et des parties vocales – qui se ressentent moins par leur omniprésence que leur prédominance dans la composition de l’album – sur "Utterance" en guise d’interlude ne laisse pas un moment de répit grâce à ses modulations grinçantes. Ce qui ne détonne même pas avec la fin de l’album, trop brusquement interrompue pour être vraie, au terme de la dernière déferlante de violence brute que constitue "Shall it to Be" jusqu’à sa toute dernière seconde.

 

Non, la vraie frustration je la situerais ailleurs. À savoir : le mois de janvier n’était même pas encore terminé, que Knoll sortait ce qui pourrait déjà bien être l’un des meilleurs skeuds de grindcore de 2024. À placer la barre trop haute aussi tôt dans l’année, il y a de quoi naviguer de déception en déception pour onze longs mois avant de remettre les compteurs à zéro ! Qui procède comme ça ? Eh bah, moi, en tout cas…

photo de Aldorus Berthier
le 20/02/2024

10 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 20/02/2024 à 09:47:36

La classe !
Bienvenue Aldo 😉

Moland

Moland le 20/02/2024 à 10:27:45

Excellent album, chouette chronique. Et bienvenue !

Pingouins

Pingouins le 20/02/2024 à 10:39:54

Ah il était dans ma liste d'écoutes celui-ci, donc let's go, merci pour la chronique !
Et du coup ben c'est surprise, oh ! Bienvenue dans cette équipe à la verve douteuse et aux goûts qui ne le sont pas moins :p
Et attention au Cromy en entrant, il aboie mais il est gentil :p

Moland

Moland le 20/02/2024 à 11:01:54

Pingouins j'ai pas la verve douteuse et mes goûts sont de bon aloi OKAYE. En revanche, je confirme l'assertion concernant le Cromy haha. 

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 20/02/2024 à 11:09:50

Merci pour l'accueil !
Ça a même été l'occasion de me le créer, mon compte ; cinq ans de lecture de COREandCO et je réussissais encore à faire l'impasse sur cette étape... 

el gep

el gep le 20/02/2024 à 11:57:18

Eh salut Aldo, bien ouéj' !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 20/02/2024 à 12:31:42

Bienvenue. Par contre causer de "Grind" sans parler de..."Grind":  Est-ce bien raisonnable ?

Xuaterc

Xuaterc le 21/02/2024 à 14:00:39

Salut Aldorus et bienvenue.
Chouette première chro!

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 21/02/2024 à 16:34:13

@Crom-Cruach C'est un parti-pris ; faut croire que sa dimension blackesque a largement pris le dessus quand je me suis lancé dans sa chronique.
Merci les gars !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 22/02/2024 à 19:35:55

You welcome

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • ULTHA au Glazart à Paris le 27 juin 2025
  • Devil's days à Barsac les 9 et 10 mai 2025
  • Seisach' 6 les 17 et 18 octobre 2025

HASARDandCO

Flagman - Tastes Incredible
Dragonland - Astronomy