Kunamaka - Kunamaka's Ladies
Chronique Vinyle 12" (1:05:28)

- Style
Nawak Dandy Avant-Rock - Label(s)
Les Editions Incendiaires - Sortie
2011 - écouter via bandcamp
On était en 2008. Sur le 2e album du groupe, intitulé Tales From The Dead, apparaissait une grosse mouche. Mais royale, hein, la mouche. D'autant que – en y regardant de plus près – on s’apercevait qu’en fait de drosophile, il s’agissait d’un assemblage organico-mécanique habile au sein duquel les ciseaux jouaient manifestement un rôle essentiel. Bref: on nageait en plein imbroglio nawako-vangardiste alors même que pas une note ne nous avait encore atteint. A l’époque, même le patronyme du groupe nous faisait miroiter monts et merveilles. C’est que pour l’occasion, celui-ci s’était retrouvé richement enluminé en The Big Royal Kunamaka Orchestra, ceci afin de mettre en avant la contribution des nombreux artistes invités à mettre la main à la pâte. Le terme "Orchestra" rappelait par ailleurs à notre bon souvenir l'excitante et encore fraîche expérience des premiers albums de Diablo Swing Orchestra et autre Vladimir Bozar’n’ Ze Sheraf Orkestär. Et, hosannah au plumeau d’essieu: il se trouve que ça suivait méchamment côté zic’, le groupe proposant une fusion classieuse à la Faith No More 2e époque, enrichi d’accents subtilement System Of A Downiens. Sans compter toutes les incongruités diverses et variées qui ouvraient au groupe les portes richement ornementées du Nawak Metal (…/Rock).
« Laisse, je vais deviner: la suite de l’histoire, c’est que tes zigotos se sont réveillés d’une longue murge qui aura duré 7 ans, et qu'ils nous reviennent avec un nouvel opus? »
Alors pour la murge, je n’ai eu ni confirmation, ni réfutation. Par contre les affirmations calendaires ci-dessus sont carrément à côté de la plaque. Parce que la vérité est malheureusement plus triste que ça: Kunamaka n’est plus. En effet le groupe est froid et raide comme un Mr Freeze depuis belle lurette, enterré après un dernier tour de piste effectué à la Coopérative de Clermont-Ferrand en mai 2012 (à ce propos, lire l’interview accordée par Manu Siachoua en ces pages). Par contre ce n’est qu’il y a quelques petits mois que ma pomme a découvert l’existence d’un ultime album, Kunamaka's Ladies, objet de toutes nos présentes attentions. Parce que eh, oh: on n'allait pas non plus passer la chose sous silence sous prétexte que pour vous en parler on a autant de trains de retard qu’il peut en circuler entre Paris et Clermont pendant 3 ans!
Pour parler de ce dernier opus-et-puis-s'en-vont, il faut (ou du moins "on peut") commencer par l’emballage. Parce que c’est le 1er contact que l’auditeur (fétichiste, puisque celui qui achète encore de la musique via un média physique tend à devenir un être à part de nos jours…) aura avec l’objet. Et nom de Zeus quel objet! Parce que si le digipack de Tales From The Dead était déjà superbe, là c’est carrément l'orgie packagatoire! Car Kunamaka's Ladies est proposé sous forme d'un coffret double vinyle contenant, en plus de 2 rondelles transparentes grand format: 1) des « cartes postales » (dédicacées si vous êtes sage) 2) un mini-poster au recto duquel figurent les textes des chansons 3) une version CD 4) et une magnifique BD déclinant l’univers fantasmagorique du groupe. Ouawh!, pour le dire plus clairement.
« Alors: le contenu est-il à l’avenant du contenant? »
Oui. Fin de la chronique.
Bon, OK: on développe. Kunamaka's Ladies, c’est du Kunamaka pur jus, plus du neuf. On retrouve donc cet univers classe et pince sans rire, fouillé, varié, ces sombres délires, cette dernière piste consacrée aux remerciements… Et la voix du maître de cérémonie, Lord Gomez, qui prêche, chevrote, se confie, assène, caresse et se casse la voix. On retrouve également ces quelques incursions occasionnellement plus extrêmes amenées par une guitare montrant les crocs et un chant « shriek-core », le tout affiliant de loin ces passages à une sorte de black avant-gardiste.
« Et le neuf alors? »
Eh bien au lieu d’évoquer Faith No More ou SOAD, ce chant du cygne nous fait plutôt penser aux compatriotes d’Aspirateur de Langue, sans cuivre toutefois. Oh sur « My Precious » on pense parfois encore à la paire Tankian / Malakian. Et « Foxy Zombie » comme « Looking For Captain Hook » proposent certaines réminiscences Pattoniennes bien sympas. Mais l’attitude est dorénavant plus indolente, plus délicate, plus dilettante. De fait, de « Nawak Smart’n’Groovy Fusion Rock », le groupe semble être passé au « Slightly Nawak Dandy Avant-Rock » (ouais, j’adore me tripoter l’étiquette stylistique… Et alors? Ce n’est pas sale!). De plus le violoncelle a disparu, tandis que le synthé a semble-t-il pris un peu de grade, qu’il s’amuse à coller des passages électro, à se maquiller en orgue Hammond ou en piano classique. Par contre, si j’avais un reproche à émettre, c’est que l’accroche est globalement moins évidente sur ce 3e opus que sur Tales. « Claws And Blood » est un peu trop dans les geignements et l’inconfort. Sans parler de « Pinhead’s Girl » et « Looking For Captain Hook » qui n’arrivent pas vraiment à transformer l’essai.
Heureusement, les bons moments sont plus nombreux que les semi-déceptions. Et l’on ressort de l’écoute de l’album avec dans la tête d’indélébiles bouts de « Your Picasso Girl », « Everybody Loves Surprises » (une touche de The Cure, une basse de velours), « Zombie Bitch » (excellent refr…[Shut Uuuuuup!!]), « Foxy Zombie » ou du tube « My Precious » et de son irrésistible refrain Chrome Hoof-goes-ska.
Kunamaka's Ladies est donc la continuité logique de ce monde à part que l’on avait adoré sur Tales From The Dead. Dommage qu’il ne réussisse pas à surpasser son grand-frère dans notre petit cœur de rocker. Et encore plus dommage qu’il mette un point final à l’aventure Kunamakienne. Mais on se consolera avec les élucubrations du nouveau groupe de Manu: Ultra Zook.
PS: le groupe a récemment mis l’ensemble de ses albums sur Bandcamp… Courrez-y!
PPS: la bête a été masterisée par Alan Douches aux West West Side Music studios. Le son est donc largement meilleur que celui des Aspis.
La chronique, version courte: Kunamaka's Ladies est le dernier et ultime album de Kunamaka. Dans une veine Nawak Dandy Avant-Rock, le groupe continue à jouer les Patton classieux, mais en obliquant cette fois en direction de la voie défrichée par leurs compatriotes d’Aspirateur de Langue – sans l’aide de cuivres toutefois. C’est du tout bon, même si on préfère toujours Tales From The Dead.
0 COMMENTAIRE
AJOUTER UN COMMENTAIRE