La Fin De La Société Telle Que Nous La Connaissons - Melancolia

Chronique CD album (35:57)

chronique La Fin De La Société Telle Que Nous La Connaissons - Melancolia

Ils ne sont pas nombreux les groupes contemporains ayant réussi à développer un univers bien à eux, sans recours à des copier-coller trop évidents. Il faut dire que, lorsque l’on évolue dans un peloton fourmillant constitué de centaines de milliers (de millions ?) d’artistes tout aussi décidés à percer, et que derrière soi le passé regorge lui aussi de créations originales, il est compliqué d'espérer raisonnablement produire de l’inédit... Pourtant le miracle se produit parfois, de loin en loin. Et quand cela arrive, c’est comme lorsqu’une éclipse se prépare : ça ne se loupe pas ! Vous me voyez venir avec mes énormes sabots : La Fin De La Société Telle Que Nous La Connaissons (qu’on condensera par la suite en LFDLSTQNLC) a réussi à atteindre ce rare  eldorado créatif. C’est d'ailleurs pour cette raison qu'on n’a plus lâché les zigs depuis la découverte de l’EP Cirkle, sorti en 2006.

 

Pour les Bayonnais qui font aujourd'hui l'actualité, la rareté de la niche artistique se double d’une rareté discographique, Melancolia – le nouvel album aujourd’hui à l’honneur – n’étant que leur deuxième manifestation discographique en 20 ans de carrière. C’est donc un petit évènement dont il est question ici, comparable à la naissance d’un bébé panda, ou à l’élection d’un président américain sachant situer Bucarest sur une carte du monde.

Mais commençons par rassurer les rares personnes de bon goût connaissant et appréciant le millésime précédent : oui, Melancolia reste sur les rails que le groupe arpentait déjà en 2017. Même violoncelle mélancolique, même amour des mélanges improbables, même univers poético-décalé, même proéminence de la pratique instrumentale sur le lancer de postillons. Les différences sont ténues, restent cantonnées à la marge. La dimension Nawak, par exemple, s'avère plus subtile encore qu’auparavant. La basse semble plus présente, plus motrice. Après, est-il bien nécessaire de passer des lignes et des lignes à comparer la tourte truffe & pignons de pin avec le cake au saumon et aux noix ? Les deux sont tout autant susceptibles de régaler les papilles les plus exigeantes – d’ailleurs si le cœur vous en dit et l’estomac vous le permet, pourquoi ne pas déguster ces œuvres jumelles l’une après l’autre, plutôt que de faire des choix ?

 

Chez LFDLSTQNLC, le cocktail maison est constitué en respectant grosso-mélancolo toujours les mêmes proportions. À savoir 40% de sombres drapés nostalgiques, sur lesquels le gothique cafardeux pourra à loisir projeter ses tourments existentiels. S’il aime les premiers Katatonia, il appréciera d'ailleurs des titres tels que « Dark Inception » ou « Crescendown ». À cela vous ajoutez 40% de Metal musclé du riff – assise Thrash, ombres Black, secousses meshugguiennes, voire Death gojirien (... ce sont des voisins) à la fin de « Hikki ». Kris, le préposé au médiator, vient d’ailleurs parfois se racler les cordes vocales en mode shriek, histoire d'épauler un Mathieu souvent mixé en retrait. Et l’on complète ce mélange par 20% d’épices diverses : de l’Electro discrète, des soubresauts Ragga/Dub, de l’accessibilité Pop/Rock, de l’harmonica, du chant robotique, des gamelles, des bidons, des gamelles des chars et des bidons – excusez-moi, je m’égare.

 

Pour éviter le track-by-track laborieux, en général le mieux est de ne lister que les toutes meilleurs pistes de l'œuvre chroniquée. Ici la tâche s’avère relativement ardue, l’ensemble de celles-ci étant de haute volée. Ce sont les pistes faibles qu’il serait plus rapide de lister – une seule, selon le baromètre IPSOS-LapinJaune, « Last Star », douce caresse sur la joue peut-être un brin trop fragile et consensuelle pour ma constitution de gros rustaud. Hormis cela, rien que du bonheur, et ce dès la gouteuse mise en bouche intitulée « Crashline ». « Cutoff » – premier extrait officiel de l’album – fait également partie du haut du panier. Mais on lui préfère encore un brin « Hikki », titre au riff à la fois mordant et chaloupé, au chant gentiment fêlé, et au violoncelle forcément langoureux. Ainsi que « Melancolia », qui ondule au rythme de pulsations Synthetic Pop, dégouline en gouttes améliepoulinesques, transitionne en mode Ragga coulant, puis s’épanouit en une grosse armada Violoncelle Metal – le morceau aurait pu constituer un superbe final. Sauf qu’il y a plus dément encore pour assurer de grandioses aurevoirs : « Highway 21 », un véritable western Jungle Metal orchestral traversé par une mandoline tout droit sortie de chez Krav Boca, un harmonica emprunté à Sergio Leone, des stries guitaristiques Indus, ainsi que des beats furieusement débraillés à la Igorrr : une véritable orgie de sensations singulières et de finesse de composition... 

 

C’est ce qui s’appelle conclure un album avec panache !

 

Alors si vous trouvez que votre quotidien manque de poésie sombrement nostalgique, de pétillant insolite, et d’intelligence métallique, on peut dire que l’agenda des sorties fait drôlement bien les choses : vous n’avez qu’à cliquer en direction de votre web-disquaire préféré pour soutenir l’avant-garde du gratin hexagonal et offrir un grand coup de frais à vos oreilles ainsi qu’à votre système hormonal !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Melancolia confirme ce que l’album précédent et Cirkle annonçaient déjà bruyamment. À savoir que La Fin De La Société Telle Que Nous La Connaissons est un intriguant objet métallique non clairement identifié. Une formation singulière qui – au vu de son intitulé comme des langoureuses complaintes de son violoncelle – pourraient sembler uniquement destinée aux âmes sombres et autres goths aristocratiques fans des vieux Katatonia. Mais qui s’avère incroyablement plus riche et musclée que cela, entre accessibilité Pop/Rock, impact Metal extrême, et foisonnement créatif faisant feu de mille bois – Electro, Ragga, ambiances cinématographiques et/ou orchestrales... et plus, puisqu’affinités !

 

 

photo de Cglaume
le 22/05/2024

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • ULTHA au Glazart à Paris le 27 juin 2025
  • Seisach' 6 les 17 et 18 octobre 2025
  • Devil's days à Barsac les 9 et 10 mai 2025