Mansfeld - Max und Moritz

Chronique CD album (59:34)

chronique Mansfeld - Max und Moritz

Ne faites pas comme si vous vous souveniez de l’existence de Retarded Noise Squad: je vous connais, vous opinez du chef juste pour me faire plaisir. N’empêche, si la prod’ maison et la folle entropie caractérisant Bananas nous avaient laissés quelque peu perplexes, on avait quand même ressenti de la sympathie pour ce Death expérimental, un peu Nawak, un peu orchestral, un peu électroïde, et vocalement œstrogénéisé aux entournures, qui rappelait une version joyeusement bordélique d’Unexpect. A défaut de véritablement craquer notre slip sur l’album, on avait salué, et même savouré la démarche. Eh bien figurez-vous que la chenille a mué en une nouvelle entité répondant à présent au (doux?) nom de Mansfeld (… pour mémoire la 8e piste de Bananas s’appelait « Morbus Mansfeld »). Notre mission, si vous l’acceptez, va donc être de juger si ce Mansfeld est bien un papillon, ou si la mue du groupe devra encore en passer par d’autres étapes avant que les Allemands méritent de se voir épinglés sur le « Wall of Fame » du Metal extrême bigarré.

 

Alors voyons voir… Côté prod’, que ce soit d’un point de vue global ou en se focalisant plus particulièrement sur ce qui coinçait auparavant (pour rappel: le son de la guitare), on constate une réelle amélioration. La musique du groupe nous coule dorénavant vive et cristalline dans le creux de l’oreille. A y regarder de plus près, on découvre que le groupe s’est donné les moyens de faire mieux en déléguant cette fois les tâches de mix (à JM Elias, Dubai – inconnu à mon bataillon) et de mastering, ce dernier étant confié à George Nerantzis (qui a également bossé avec Pain of Salvation, Nightrage, ou encore Abbath). Côté composition, le groupe n’a pas renoncé au faste et aux mille-feuilles foisonnants, mais a remis de l’ordre dans son écriture: on arrive donc enfin à comprendre ce qui se passe… A noter que si changement il y a eu, ce n’est pas uniquement pour améliorer la formule précédente. L’adoption du patronyme nouveau s’accompagne en effet:

1) d’un passage à la langue allemande, mise à profit pour conter l’histoire de Max et Moritz, deux chenapans germains dont les histoires renvoient aux prémices de la Bande Dessinée. A ce sujet je dois dire que, bien que les Rammstein, Tokio Hotel & co ont grandement contribué à décoincer le grand public, je reste de mon côté assez hermétique aux charmes de la langue de Goethe. Petit gloups, donc, en ce qui me concerne

2) d’une plus grande visibilité du chant féminin. Pour le dire autrement, les Allemands donnent à présent plus franchement dans le Beauty & The Beast Metal avant-gardiste que dans le Death metal proprement dit. Ce qui n’est « pas sale » en soi, mais ne me botte pas plus que ça. Car autant je peux être fan de groupes comme Chenille, Akphaezya, Stolen Babies, Kontrust ou encore Diablo Swing Orchestra, autant les excès théâtraux et le registre lyrique me fatiguent d’autant plus vite qu’ils s’incarnent dans un chant féminin, surtout si celui-ci n’affiche pas une personnalité particulièrement marquée. Ne me demandez pas pourquoi, cela doit être dû à la configuration particulière de mes branchements internes. On fait avec ce que l’on a hein…

 

Du objectivement mieux, du subjectivement moins bien: vous commencez à comprendre le pourquoi de la note tout là-haut…

 

Allez, puisqu’on a déjà les 2 bottes dedans, continuons avec ce qui ici refroidit mes ardeurs. Pour commencer nombre de morceaux sont longs, dépassant souvent la limite des 6, 7, voire 8 minutes. Et comme, malgré une démarche un peu plus focalisée qu’auparavant, le groupe continue d’en coller plein partout et d’enchaîner les couches et les breaks, ça finit par fatiguer. D’autant que nos amis sont dorénavant plus dans une démarche narrative que dans l’optique cyclique de morceaux répétant refrains et couplets. Alors forcément, ça n’aide à développer ni accroche ni mémorabilité. Autre aspect qui me défrise – mais qui colle logiquement avec l’étiquette Beauty & The Beast – Mansfeld trempe régulièrement sa muse dans une recette trop généreusement crémeuse et portée sur les larmichettes. En écoutant « Vorwort », le début de « Zweiter Streich » ou encore « Schluß », on s’englue dans un doux pathos dégoulinant qui a tendance à brosser le poil de votre interlocuteur dans le sens inverse de la marche.

 

Là, c’est dit.

 

Maintenant, en tout objectivité, Max und Moritz est une œuvre aussi ambitieuse que généreuse. Le nawakophile s’y voit généreusement servi avec, entre autres frivolités, le riff introduisant « Erster Streich » qui reproduit fidèlement le caquètement d’une poule, « Vierter Streich » qui se lance à 2:37  dans des divagations se terminant 20 secondes plus tard sur un break Jazz décalé, et « Sechster Streich » qui passe à 2 doigts du titre de grosse buterie Nawak avec son début délirant dans l’esprit Trollfest / Zmey Gorynich (... dommage que le titre perde en pétulance par la suite). Et pour continuer la liste de ces caractéristiques qui demeurent malgré le changement d’enseigne, on notera que les orchestrations du passé sont devenues plus fines, divers instruments classiques (mandoline, accordéon, saxophone, cor, clarinette, tuba, violoncelle…) s’invitant individuellement dans tel ou tel titre pour y apporter une véritable valeur ajoutée. Cela offre d’ailleurs quelques-uns des moments les plus jouissifs de l’album, comme ce passage à 3:15 sur « Letzter Streich », entre une pause Electro planante et des plans de guitare Mathcore, lors duquel un accordéon modeste mais généreux s’épanche sur fond de Metal paisible. Ou comme le superbe final de « Vierter Streich » où un hautbois tricote sa douce complainte sur un mélange de batterie alerte, de guitare saccadée et de stridulations électroïdes. D’ailleurs, à présent que cette chronique m’a conduit à plonger profondément les mains dans les entrailles de l'album, je réalise que sa seconde moitié – final larmoyant mis à part – est bien plus gourmande que la première. Du moins est-ce comme cela que la chose se présente depuis mon terrier.

 

Moyenne bâtarde entre ce qui me gratouille vilainement et ce qui me chatouille agréablement, le 7/10 attribué à Max und Moritz ne veut pas dire grand-chose pris hors contexte. Si vous avez eu le courage de lire tout ce qui précède, vous savez le pourquoi du comment. Et vous aurez donc compris si l’album est fait pour vous ou non. De mon côté je ne désespère pas que le groupe réussisse à me convaincre plus pleinement sur son prochain album. On ouvre les paris…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Retarded Noise Squad est mort, vive Mansfeld! D’un Death expérimental se dispersant tel un Unexpect atteint du trouble de l’attention, les Allemands sont passés à un Beauty & The Beast Metal avant-gardiste, ambitieux et impressionnant, mais qui loupe de peu son entreprise de séduction sur le rugueux chroniqueur qui s’agite en ces pages…

photo de Cglaume
le 04/02/2021

2 COMMENTAIRES

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 11/02/2021 à 19:01:40

Lapin, tu nous expliques la pochette? 😊

cglaume

cglaume le 11/02/2021 à 21:22:15

Voilà l'explication:
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Max_and_Moritz

"First Trick: The Widow
The boys tie several crusts of bread together with thread, and lay this trap in the chicken yard of Bolte, an old widow, causing all the chickens to become fatally entangled."

Du coup ça illustre le titre "Erster Streich".

Ça va comme ça? :)

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