Look People - Crazy Eggs

Chronique CD album (53:16)

chronique Look People - Crazy Eggs

Affirmer qu’il est extrêmement rare qu’un album de Nawal Metal me sorte par les trous de nez s’apparente à une pure lapalissade. Voire à un euphémisme outrancier. Car l'éventualité que de joyeux lurons s’étant assignés pour mission de métisser notre univers musical réussissent à froisser mes terminaisons nerveuses de lapin jaune bienveillant relève de la plus haute improbabilité. Comment dès lors expliquer cette notre atrocement tiédasse, là-haut, à quelques pixels seulement de la mention « Nawak »? Pour trouver la clé de ce mystère, étudions aujourd’hui un cas d’école: Crazy Eggs.

 

Mais avant le Quoi, le Qui. Look People est une improbable formation de Fusion Nawak canadienne qui a fait un peu parler d’elle a la fin du siècle dernier. Ce n’est que trèèèèèès tardivement que j’ai découvert Boogazm, superbe 2e album dont je vous parlais aussi sec en ces pages – pas plus tard que l’été dernier. Comme à chaque découverte inopinée dans les travées obscures de la chapelle Nawak, la curiosité, ainsi que le sens aiguisé du devoir incombant à tout archéo-nawakologue qui se respecte, m’ont poussé à aller fouiller un brin le reste de la discographie des zozos. Et le moins complexe à acquérir des opus qu’on y trouve s’est révélé être Crazy Eggs, chant du cygne discographique aux œufs aussi fous que nombreux – 20 pistes quand même. D’où achat, puis chronique. Alors certes, la pochette de la chose laisse un peu à désirer, à moins qu’on adhère à l’esthétique des pires émissions télévisées de Stéphane Collaro… Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Mais vu le pédigrée des gugusses, cela ne présageait pas forcément une expérience discographique catastrophique. Sauf que finalement, si. On passe à la ligne, on s’allonge sur le divan, et on raconte ses malheurs au lecteur.

 

Allo Maman bobo…

 

En passant de Boogazm à Crazy Eggs, Look People a mué d’un Funk Metal particulièrement barré à un Nawak Metal expérimental carrément indigeste. Et si, dans ce mouvement, la basse de Chris Gartner n’a que peu perdu de son sexappeal, c’est bien la seule à s’en sortir. La gouaille de Jaymz Bee – qui nous avait également fait craquer lors du précédent épisode – ne suffit plus à faire de ses interventions de savoureuses lignes de chant décalées: tout cela sonne à présent comme de futiles et irritantes pantalonnades bobos. Et là où l’album de 1991 fournissait de bons petits titres regorgeant de craquages de slips sympathiques et bienvenus, celui de 1993 peine à maintenir l’intérêt, obéit à une muse dyslexique, quand il ne sombre pas carrément dans le dadaïsme le plus crasse en proposant de véritables tranches de foutage de gueule (cf. les 8 minutes insupportables de « Marbles Can Be Found » qui concluent l’album sur une succession inécoutable de délires sans queue ni tête). Et ce n’est pas la dédicace à Zappa qu’on peut voir dans le livret qui suffit à tout excuser. Car même en ignorant ces trop fréquents mini-exercices de style qu’on zappe dès la 2e écoute (« Mumbles », « Meatsaw », « Kooey Koo », « Auf Wiedersehen Polka », « Potato Bug Mangler »), beaucoup des « vrais morceaux » de la tracklist finissent par rendre neurasthénique. Et « Stop / Start » le premier, qui pourrait n’être qu’intelligemment tendu, mais qui s’avère en fait revêche et retors. Puis « Sheisssong », blagounette germano-kitch qui ne sert à rien. Le psychotique « Really Mean Guy » également, dissonant, décadent, et finalement fatiguant (heureusement la basse nous aide à tenir le coup). Et à partir de l’anecdotique « Crabby Crabby Lady » (qui est intéressé par un peu de Jazz Lounge avant-gardiste livré sur fond de bruits de centre commercial et parsemé de quelques craquages métalliques?), c’est la fin des haricots. Plus un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau (…on va aller crier famine chez Devin notre voisine). Parce que les seules bulles d’oxygène auxquelles on aurait pu se raccrocher (« Talkin Gibberish » / les doigts claquent mais en soins palliatifs, et « Ass Juice Face » / oui le Funk Metal peut être confus et éparpillé) se dissolvent dès qu’on essaie d’y agripper l'oreille.

 

Soyons fairplay: en grattant un peu il est possible de trouver quelques rares sources de plaisir sur ces 53 minutes. Souvent liées à la généreuse basse de Chris Gartner, d’ailleurs. Avec ses vigoureux coups de fouet, « Spank » offre par exemple un shoot énergique de rythmique joyeuse. Dommage que la chose soit gâchée (entre autres) par les interventions avant-gardisto-snobinardes de Jaymz. « Looking For A Job That Doesn't Suck » (qui bénéficie d’un clip bien cintré) réussit quant à lui à expérimenter tout en restant à peu près du bon côté de la crise de nerfs. Deux pistes plus loin la touche Tribal&Bidons de « Where I’m At » s’avère assez sympa… Toutefois le titre ne décolle jamais vraiment. Reste « Cosmic Fishing », aventure psyché-cosmique plutôt réussie qui fait figure de relative exception. Le morceau est néanmoins loin de justifier l’achat de l'album.

 

Fait révélateur (ou pas): le groupe a splitté l’année même de la sortie de cette omelette Nawak qui nous casse les œufs. Tout n’est donc pas incohérent dans cette histoire. Essayons néanmoins de positiver cette expérience en affirmant qu’il est bon que toute règle ait ses exceptions – y compris l’équation Nawak + Lapin = Love. Cela offre en effet un peu d’espoir aux cas désespérés. Aux carmélites qui rêvent de faire carrière dans le porno tout en n’ayant pas à renoncer à leurs vœux. Ou aux sexagénaires paraplégiques qui espèrent un jour gagner un concours de danse Hip-hop. Rien n’est jamais gagné d’avance, rien n’est jamais foutu: tout peut arriver, même une note sous la moyenne attribuée sur CoreAndCo à un album affichant l’étiquette « Nawak »!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: on a beau être un fan inconditionnel de Nawak Metal – et du très bon Boogazm, l’album précédent de Look People – il faut être tout particulièrement tolérant envers le nonsense musical, les expérimentations ineptes et l’avant-gardisme à trois balles pour apprécier Crazy Eggs. Ce qui n’est malheureusement pas notre cas…

photo de Cglaume
le 21/03/2021

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