Luna's Call - Void

Chronique CD album (50:41)

chronique Luna's Call - Void

Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se plonger dans des œuvres méritant de jouer dans la cour des Opeth (celui d’avant les pattes d’eph), Disillusion et du Edge of Sanity de Crimson. Pourtant, il y a presque deux ans déjà, un Veil of Imagination sorti de nulle part (ou presque : le Boston de Wilderun) nous offrait l’occasion de profiter à nouveau de ce genre de délices rares. Après s’être pleinement réjoui de ce petit plaisir qu’on avait l’impression de voler à une actualité métallique terriblement pauvre en la matière, on s’était résigné à ce que ce shoot de Death Prog magistral soit le dernier avant une durée indéterminée, mais probablement très longue…

 

…Or, Badaboum ! – un budget bruitage conséquent nous permet de reproduire avec fidélité le bruit de l’évènement improbable qui surgit sans crier gare – quasiment un an après cette parenthèse précieuse arrivait depuis l’autre côté de la Manche un Void tout aussi riche en fines dorures et soyeuses tentures. Quoique pour être tout à fait exact, le déclic se produisit plutôt deux ans après. Car tout comme ce fut Century Media qui propulsa Veil of Imagination sous les spotlights avec 9 mois de retard sur sa sortie officielle, c’est également avec trois bons trimestres de décalage que Listenable Records fera de même pour Void, envoyant pour l’occasion celui-ci jusque sur le paillasson de CoreAndCo.

 

Mais trêve de digressions calendaires : même réceptionné dix ans après que le match ait eu lieu, ce second album de Luna’s Call resterait un album de premier choix. Tout comme Versailles n’a pas franchement perdu en cachet trois siècles après que ses concepteurs – qui n’ont connu ni Twitter ni les voitures hybrides – aient livré la commande de Louis Croix-Bâton-V. Car Void est ce genre d’œuvre pensée dans les moindres détails, briquée dans ses moindres recoins, conçue et réalisée par les meilleurs artisans de son époque. Si vous maîtrisez les références disséminées plus haut dans cette chronique, vous avez une bonne idée de ce qui vous attend sur les 50 minutes de ce Vide particulièrement mal nommé. On y croise des morceaux mariant le brûlant d’un Death Metal viril-mais-contrôlé avec les subtilités du Prog et de la Musique classique. Des atmosphères tantôt poignantes, tantôt grisantes. Des pauses touchantes, rafraîchissantes, simples en apparence – Townsendiennes pourrait-on dire –, puis de grands élans orchestraux habillant des scènes semblant sortie de l'imagination de scénaristes hollywoodiens. Des chœurs évanescents, de fugaces fragrances orientales, quelques ondulations plus typées 70s, une basse gourmande…

 

… Une certaine idée du bonheur, quoi. Ou du moins de sa proche banlieue.

 

Pour bénéficier d’une note plus proche de la perfection, il manque cependant à l’album une ou deux de ces compos pouvant candidater de plein droit au titre de Nouveau Classique made in 20s. Eh oui, il faut la tête froide garder, et continuer de distinguer les héros contemporains des héros légendaires, sinon l'on risque de ne plus retrouver le Nord au sein de notre luxuriante Metalthèque. Pourtant, s'il n'est pas tout à fait le nouveau messie métallique, Void n’en est pas moins une formidable corne d’abondance dans laquelle il suffit de plonger l’oreille pour en extraire de larges bolées de frissons. On vibre notamment sur « Signs », à 5:00, quand une prière au débit saccadé s’élève au-dessus d’un fleuve oriental où barbote une vibrionnante trille électroïde. Puis à nouveau en toute fin de morceau, quand les chevaux s’ébrouent vigoureusement et que la course devient folle. On fond sur « Locus » quand, à 2:20, une coulée de véhémence veloutée nous emporte vers des palais inexplorés. On écrase une larmichette sur les confidences livrées le cœur à vif, à partir de 1:10 sur « Fly Further Cosmonaut ». En ne perdant pas de vue que ces brusques moments où la lumière devient plus forte, les traits plus nets, les couleurs plus vives ne sont que des pics réguliers et plus particulièrement remarquables émaillant une visite en des lieux déjà largement recommandables, même sans ces petits moments ponctuellement plus délectables.

 

On savait que, malgré une gastronomie ne risquant pas de figurer un jour au patrimoine immatériel de l’Humanité, les Anglais savent confectionner de délicieux cakes regorgeant de raisins secs, de fruits confits et autres sources de carries carabinées. Eh bien Void est un peu l’équivalent de ceux-ci. En moins violemment sucré, moins bourratif, et plus subtil... Quoi ? Oui, vous avez raison : en fait il n’a rien à voir avec ces christmas puddings étouffe-chrétiens, car beaucoup plus fin. Mais toutes justifiées soient-elles, vos objections ont pour conséquence d'anéantir le parallèle final sur lequel je comptais pour boucler la boucle sur la nationalité de Luna’s Call... Vous êtes pénibles à la fin ! Allez, retenez juste qu’en croquant dans ce deuxième album incroyablement gourmand, vous allez vous régaler !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: vous aviez épuisé tous les bonheurs procurés par le Veil of Imagination de Wilderun ? N’ayez crainte : Void est un nouveau festin conçu par des maîtres queux ayant étudié avec passion Crimson ainsi que les œuvres complètes de Disillusion et Opeth. Soufflant le chaud Death mélo et le sucre glace Prog, experts en orchestrations, en composition et en confection de soufflés qui ne retombent jamais, les Anglais de Luna’s Call livrent ici un petit chef d’œuvre de finesse et de puissance conjuguées.

 

 

 

 

photo de Cglaume
le 25/05/2022

2 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 25/05/2022 à 08:50:38

Un très bon album dans lequel je me suis plongé à de nombreuses reprises...avant de l'oublier complètement ! Faudra que je lui redonne du temps et de l'attention parce qu'il est vraiment bien torché.
Chronique très culinaire en tout cas qui laisse songer à une rédaction durant la pause méridienne  !

cglaume

cglaume le 25/05/2022 à 09:22:18

Mes chros sont écrites quasi tout le temps en mode digestion :D Ça coule mieux !

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