Mekong Delta - In a Mirror Darkly

Chronique CD album (44:56)

chronique Mekong Delta - In a Mirror Darkly

Ça fait bientôt 20 ans que le bras allemand du Mekong (amis de la géografiction, bonsoir) déverse ses flots décibéliques le long de méandres techno-thrash aussi sinueux que passionnants. Depuis tout ce temps, son écosystème line-upesque a maintes fois muté, le seul rescapé des presque-débuts de la formation étant l’indéboulonnable Ralph Hubert. Et celui-ci remplit parfaitement son rôle de garant de la patte Mekong Delta, celle-ci perdurant contre vents djent et marées deathcore. Car en goûtant la madeleine de Proust In A Mirror Darkly, on se fait à nouveau chatouiller les naseaux par le parfum de ces temps anciens où Dances of Death et Kaleidoscope tournaient sur la mini-chaîne double K7 de nos années lycée. Arf, douce nostalgie du vieux con avant l’heure…

 

M’enfin on n’est plus en 1990, et bien que teuton (Tradizion? Ganz gut!), le groupe n’en est pas pour autant un adepte obtus du surplace artistique. En effet, au-delà de ce noyau musical immuable fait 1) de riffs et de structures rythmiques exigeants 2) d’une approche ambitieuse de la composition qui doit autant aux grandes BO épiques qu’aux compositeurs classiques 3) et d’une capacité intacte à développer une véritable trame narrative au sein de l’expression instrumentale pure, la musique de nos asiatophiles germanophones a évolué. Plus que jamais, sur ce 11e album le groupe réduit la voilure du côté des cavalcades thrash furieuses pour développer plus avant sa part d’obscurité progressive. La présence de Martin LeMar derrière le micro (depuis 3 albums maintenant) est le marqueur le plus évident de cette nouvelle orientation, son registre BruceDickinsonnien à sombre haut-de-forme ayant plus d’atouts pour retenir l’amateur de Dream Theater que le "Thrash maniac" ayant « Reign In Blood » de tatoué sur l’encolure. Mais même sans ses interventions – 2 des 7 titres proposés étant des instrumentaux, on ne change pas les bonnes habitudes –, les allemands continuent d’explorer des univers s’apparentant plus à de grandes cathédrales gothiques qu’à des troquets miteux pour thrasheurs embiérés.

 

…Ce qui ne veut pas dire pour autant que le groupe dénature son propos. Non non. D’ailleurs les 7 minutes et demi que durent l’accueil « Introduction + Ouverture » rappellent d’emblée à l’auditeur qu’il est avant tout venu assister à un travail d’orfèvrerie métallique de haute précision, à la fois virulent, millimétré et ambiancé, et que les pinaillages des pros de l’étiquette stylistique, on s’en cogne. Vous aviez apprécié Pictures At An Exhibition? Vous apprécierez donc In A Mirror Darkly. Il suffit de ne pas se focaliser sur Martin – quoiqu’il serait dommage de l’ignorer, celui-ci se débrouillant comme un chef pour faire monter la mayo’ au milieu du canevas souvent accidenté créé par ses collègues. A noter au passage que le line-up n’a pas bougé depuis 2010 – au départ près de Benedikt Zimniak, temporairement (?) compensé par Ralph –, ce qui est toujours un bon signe.  

 

Si le niveau reste toujours très élevé au long des 7 longs (entre 5 et 8 minutes) morceaux proposés ici, ma préférence va tout particulièrement à 3 d'entre eux. A « Janus » d’abord, qui garde une « thrash edge » évidente malgré certains détours progressifs alambiqués, et qui est emblématique de cette puissance évocatrice et de cette vision grandiose qui place le groupe au-dessus de la masse des touilleurs de thrash. A « Inside The Outside Of The Inside », le gros morceau instrumental de l’album, sombre et ambitieux, qui tient la dragée haute aux dernières productions de Vektor & co. Et enfin à « Mutant Messiah », LE morceau rassembleur de l’album, celui qui nous fait réaliser que, non, ce n’est pas forcément sur les titres instrumentaux que nos allemands sont les meilleurs.

 

C’est vrai, la musique de Mekong Delta peut être quelque peu éreintante, le groupe se refusant systématiquement à la facilité de plans trop évidents. Mais même dans ces moments où l’on se perd dans un foisonnant travail de dentelles, In A Mirror Darkly garde cette majesté et cette grandeur qui impressionnent. C’est vrai que je ne suis pas le plus grand fan qui soit du virage « dark’n’prog » actuellement entrepris, m’enfin le groupe n’a jamais été adepte de la bœuterie Sodomaniaque. Et objectivement, même au-delà des 3 morceaux magnifiques évoqués plus haut, ce nouvel album sue l’extrême qualité et l’ultra-précision par tous les pores. C’est pourquoi, comme on le ferait pour le dernier volume de l’Encyclopædia Britannica, on ajoutera ce nouvel album sur les étagères d’une discographie que, certes, on n’ira pas consulter tous les jours, mais dans laquelle on se replonge de temps à autre avec un mélange d’admiration, de délectation et de respect.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: c’est vrai, la pochette de In A Mirror Darkly est à chier. C’est vrai, la facette darkement proggy du groupe est de plus en plus prononcée. Mais nom d’un p’tit bonhomme: musicalement, peu de groupes tirent autant le metal – en l’occurrence le « techno-thrash » – vers le haut que Mekong Delta.

photo de Cglaume
le 06/06/2014

1 COMMENTAIRE

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 06/06/2014 à 18:03:38

Purée, ta chro m'a fait pousser l'acné.

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