Mel-P - Anima Asylum

Chronique CD album (52:05)

chronique Mel-P - Anima Asylum

Je me souviens, quand j’étais minot, de ce bouquin haut perché dans la bibliothèque des parents, coincé entre des dicos thématiques, un recueil de nouvelles érotiques et les romans autobiographiques de Cavanna. Il affichait crânement [...un titre du genre...] « Les Sorciers de Sarthe » au-dessus d’une représentation naïve – dans un style medievalo-paysan – du Malin. Il y avait là de quoi impressionner un jeune collégien. Et c’est manifestement ce qui arriva puisque c’est ce souvenir lointain qui, près de 25 ans plus tard, fait partir ce début de chronique dans les gravillons du hors-sujet caractérisé. Quel lien entre ce souvenir et le sujet d'aujourd'hui? C’est qu’il se passe manifestement des choses pas claires dans les environs du Mans. Comment expliquer sinon la présence en ces lieux en apprence si calmes de 1) la passerelle spatio-temporelle Sebkha-Chott qui relie notre espace-temps au monde perverieux (la version mâlement trash de « merveilleux »!) d’Ohreland 2) Mel-P, la source vive d’une fusion nouvelle, hautement improbable et pourtant – garanti sur contrat – tellement évidente, entre un metal moderne Meshugojirien et un dub psychédélique tripant? Vous avez 10 minutes, après je ramasse les copies…

 

Bon, ça c'était pour la description au lance-pierres de l’univers Mel-Pien, mais pour bien faire les choses, il va être nécessaire de s’arrêter un peu plus longuement sur les contours de cet excellent Melting-Pot musical. Tout d’abord, rassurons nos amis bourrins: sur Anima Asylum, 1er album du groupe après un EP sorti en 2006, vous allez être exposés à un metal tranchant étendant ses décibels d'un bûcheronnage hypnotique à la Meshuggah jusqu’au death le plus houleux en passant par l’indus, le tout louchant régulièrement sur l’héritage de la famille Duplantier, et étant vernis tantôt au groove, tantôt à la mélodie. Sauf que, tel un Ninjaspy s’envoyant de gros tarpés 6-feuilles (minimum), le groupe interrompt régulièrement la machine à débiter du bois pour aller faire risette aux étoiles à bord d’un grand planeur à fleurs, ceci le long de trips psychédéliques à rallonge pleins d’échos divers, de percus fantomatiques, de scintillement électro-kaléidoscopiques et d'autres accords délicats versés en petites pluies fines. A l’occasion d’une escapade plus rigide dans ses bottes (au début de « Otium »), le groupe pourra également rappeler Kong, mais à l’opposé, sur la fin « world chamanique » de « Persequor », les ambiances développées se rapprocheront plus d’un Carlos Santana ayant abusé du calumet de la paix. Bercé par les ronronnements d’un basse rastaféline, on pensera parfois aux hymnes les plus coolos des Bad Brains, avant qu’une lead miroitante et lumineuse ne nous fasse à nouveau atterrir en terres Klonospheriennes.

 

Tiens, au fait: vous ai-je dit que l’exercice est 100% instrumental? Non? Eh bien relisez donc cette ligne…

 

Malgré ce créneau musical fortement typé, les manceaux arrivent à apporter des couleurs variées à leurs compositions, se montrant sous un jour plus bucolique sur « Nyourk Reliquus », plus marin sur « Cheewed Arbor », plus world sur « Persequor » et plus guerrier sur « Letabilis ». Mais loin de s'en contenter, Mel-P tente encore d’autres expériences, donnant de la trompette par-ci, procédant à des injections légères d’electro par là, déployant des orchestrations pleines de cordes un peu plus loin… Il faut bien ça pour déchirer avec autant d’experte précision et de plaisir partagé le délicat hymen de ces terres musicales encore vierges il y a peu. Et l’expérience ne se cantonne pas à des sensations inédites, mais part carrément sur le terrain de l'audiorgasme lors de superbes morceaux – dont on pourrait juste reprocher un peu la longueur parfois excessive, bien que cet aspect soit justifié par le côté « trip hallucinatoire » de la démarche. Parmi la sélection partiale effectuée par votre très dévoué web-scribouillard à grandes oreilles, « Otium » est le premier de ces voyages merveilleux mariant groove meshugghien et pauses planantes pleines de distorsion psyché-funky. « Sollicitudo » monte le niveau d’un cran encore, mais « Cheewed Arbor » et son grand final orchestral, tout comme « Persequor », ne laissent en rien retomber la pression. C’est néanmoins sur l’exceptionnel « Letabilis » que l’orgasme connaitra son apogée, le discours mordant d’un Coluche – alors candidat aux plus hautes fonctions – renforçant l’impact d’une duberie tendue enserrée entre des attaques gojiriennes caoutchouteuses aussi dévastatrices qu’über groovy. Un must!

 

En fait c’est simple: Anima Asylum est un coup d’essai... Et un véritable coup de théâtre – pour ne pas dire de maître! Il y aurait sans doute moyen de condenser un peu les compos pour gagner en immédiateté et en impact… Mais finalement, est-ce bien le propos de Mel-P? Bref, voilà donc une chouette découverte, et un vrai coup de cœur.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Gojira, Kong et Meshuggah se livrant à une partouze new age sur les coussins moelleux d'une grande tente aux couleurs vert, jaune et rouge, de gros tarpés coincés au coin du bec et des dreads plein les casquettes. Improbable, incroyable, immanquable.

photo de Cglaume
le 27/11/2012

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