Modern Life Is War - Fever Hunting

Chronique CD album (31:00)

chronique Modern Life Is War - Fever Hunting

« Steal my heart in the summer ! »

 

Il m'a fallu de longues années (pas loin de dix ans qu'il est sorti) pour enfin rentrer dans ce Fever Hunting, dernier long format de Modern Life Is War, charismatique groupe de hardcore originaire de la petite ville de Marshalltown, Iowa. Je ne sais pas exactement pourquoi. Witness, l'opus majeur du groupe, qui parlait justement du rapport à la vie dans ces petites villes paumées, était peut-être encore trop présent, au point qu'il avait pris toute la place et supportait difficilement la concurrence. Et quand, comme moi et tant d'autres, on a grandi comme kids dans ce genre de coin où rien ne se passe, et bien ça parle, et ça marque.

 

Et pourtant la recette ici est sensiblement la même que sur les précédents albums : un punk hardcore relativement mélodique agrémenté de nombreuses parties mid-tempo, sur lesquels les paroles dramatiquement « collectivement personnelles » de Jeffrey Eaton viennent ouvrir des brèches et frapper au cœur de l'intimité émotionnelle, des désillusions, de la lutte au quotidien pour s'en sortir.

 

C'est exactement la thématique du morceau qui m'a servi de déclic pour redécouvrir Fever Hunting : « Chasing My Tail », dont la phrase mise en exergue de cette chronique est la première ligne qui nous est hurlée à l'ouverture de cette piste, la troisième de l'album.

 

You've come at age the money must be made, the bills must be paid
I live hand to mouth and simplify
The things I can't afford to lose have multiplied.

Friends have scattered...I miss them all so much.

I'll see you at weddings and funerals.

We'll catch up and we'll wish each other well
Only time will tell. I wish you well.

 

Dans le hardcore en général, prendre le temps de lire les paroles donne souvent un autre regard sur la musique, notamment si celles-ci correspondent à des choses que l'on traverse, et c'est tout à fait ce qu'il m'a fallu pour enfin accéder au cœur de Fever Hunting. Parce que oui, au même titre que d'autres groupes tels Bane ou Have Heart, Modern Life Is War ont conquis une place spéciale dans le cœur de milliers de personnes à travers le monde, notamment du fait de leurs textes. Peut-être était-ce enfin le bon moment pour moi. Voilà tout compte fait ce qu'il me fallait pour rentrer dans ce quatrième album : il fallait que les années passent, pour justement pouvoir ressentir le vécu au fond des paroles, comme pour Witness des années plus tôt. L'extrait de « Chasing My Tail » un peu plus haut est totalement représentatif de cet état de fait. Voir des foules entières hurler ces paroles, presque toujours écrites à la première personne (directe ou figurée) et donc auxquelles on peut facilement s'identifier, sur un excellent live capté par Hate5Six, leur charge émotionnelle, m'ont fait rebasculer totalement du côté des rues de Marshalltown.

 

 

Jeffrey Eaton le dit, « les paroles de cet album reflètent le deuil de la croissance et des concepts de jeunesse comme l'infini des possibles. […] Nos vies suivent différentes trajectoires et butent sur différentes embûches, contre lesquelles il nous faut lutter, et malgré le fait de se rendre compte que l'on en a fait beaucoup, il y aurait beaucoup plus à faire. Mais les possibilités sont limitées. Certains trucs qu'on a foiré vont nous affecter pour toujours ».

 

Fever Hunting arrive après un hiatus de six ans du groupe, mais la sincérité qu'on leur connaissait est toujours là. Enregistré par Kurt Ballou, le son est – on s'en doute bien – excellent, et le hardcore de Modern Life Is War sert à merveille le propos servi. Plus âpre et direct parfois, tout en étant entraînant (« Media Cunt », « Cracked Sidewalk Surfer »), on retrouve le sens de la mélodie et des accords traînants chers au groupe, qui ne se renouvelle pas vraiment dans le style, sans toutefois sombrer dans la bête redite de leurs précédents efforts. Et c'est pour ça que le laïus un peu long sur les paroles intervient plus haut, parce que c'est finalement ce qui permet de faire vraiment le pas en avant, celui qui nous emporte.

 

Bref. Aucune prouesse technique particulière. Pas spécialement de renouveau musical. Et probablement un effort à faire pour nous, les non-anglophones de naissance, pour bien saisir tout ce qui passe à travers eux, le vécu partagé qui transpire dans les parties sing-along, cet exutoire expressif qui fait communauté et qui tire tout le monde vers le haut. On est ici à l'opposé du hardcore que l'on pourrait qualifier de « bas-du-front », « tough » ou ce genre de chose. Ce ne sont pas les mosh-parts qui s'empilent sur les disques de MLIW, mais bien des couches de luttes personnelles qui convergent derrière des mots simples, qui se magnifient en concert, et des lignes mélodiques qui portent les émotions vers une sorte de délivrance collective. Le tout avec une énergie pourtant résolument ancrée dans le hardcore.

 

'Cause heaven knows you're sinking and I know we're much the same...
So cheers to our rebel hearts...
Not just another fuck you...
But a bedside love song for a chosen few

 

Si vous ne connaissez pas encore Modern Life Is War, je ne saurais que vous conseiller de vous embarquer dans l'incontournable Witness, d'en lire les paroles, et de faire la même chose devant des live du groupes pour constater à quel point ils ont eu cette importance pour beaucoup de gens. Et donc, logiquement, de répéter la chose avec Fever Hunting.

 

Voilà. A défaut d'avoir encore réussi à m'engouffrer dans la trilogie de nouveaux EP du groupe (Tribulation Worksongs), j'ai enfin pu donner à Fever Hunting la place qu'il mérite dans la discographie du groupe, au moins pour moi, avec cette chronique sortie un peu comme ça d'au milieu de nulle part, d'un regain d'affection pour eux, écrite un peu à l'arrache et comme elle venait, au débauché de ce que réécouter leur musique a fait ressurgir en moi sur le moment.

 

A écouter parce que « The world is not against you, my dear, it just doesn't care ».

D'accord, ça, c'était sur Witness. Mais ça ne change rien, parce que Fever Hunting nous dit la même chose, qu'il faut surtout se souvenir d'une chose : « Your friends are precious & they're slipping away. Your time is precious & it is slipping away ».

Et aussi « You'll have to live with your own wasted life. If you believe you are here to create, seek love & knowledge and you will find a way ».

photo de Pingouins
le 27/02/2022

12 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 27/02/2022 à 10:29:20

Comme tu le dis si bien, la rencontre avec un album n'est parfois pas immédiate, des fois, il faut que l'on soit dans un état d'esprit particulier, à un moment précis de nos vies

Xuaterc

Xuaterc le 27/02/2022 à 10:31:08

Je n'avais jamais entendu parler de Modern Life Is War, je vais me pencher sur Witness

Pingouins

Pingouins le 27/02/2022 à 10:37:13

Xuxu : Jette un oeil au live inclus dans la chronique, ça donne une bonne idée de l'importance du groupe. Et si t'as les paroles sous les yeux, c'est mieux ;)
La première du live s'appelle "The Outsiders".

Xuaterc

Xuaterc le 27/02/2022 à 13:16:06

J'ai beaucoup aimé Witness, surtout Marshalltown
Et quelle buterie ce live, ça me manque les fosses comme ça!

Pingouins

Pingouins le 27/02/2022 à 15:57:34

Eh ouais Witness c'est quand même quelque chose et Marshalltown aussi. "The world isn't against you my dear, it just doesn't care", c'est une ligne franchement marquante.

Et pour ma 50ème ici j'avais envie d'un groupe qui me parle plus que les autres, d'où cette chronique :)

pidji

pidji le 27/02/2022 à 17:21:53

Yes Xuxu se met au hardcore 😁
Excellent album en tout cas, toujours aussi plaisant de se le réécouter. Ce que je suis exactement en train de faire !

Tookie

Tookie le 27/02/2022 à 18:00:31

Ce qu'il y a de bien avec MLIW c'est qu'ils sortent des albums qui sont indémodables. Parce que comme tu le dis : y'a pas de renouveau, pas de prouesse, juste du hardcore bien foutu, pas bas de front mais pas prise de tête non plus...et c'est vrai, en plus de la forme, le fond est vraiment cool.

Xuaterc

Xuaterc le 27/02/2022 à 20:05:21

"Yes Xuxu se met au hardcore"
J'ai toujours eu un fond de HC. J'ai beaucoup écouté et vu en live
https://www.youtube.com/watch?v=TGusQRZNeNc

Freaks

Freaks le 27/02/2022 à 20:15:43

Un album très très chargé émotionnellement, un crève cœur total et en même temps ça reste hyper galvanisant.. Un must absolu!
Une discographie impeccable exception faite du dernier triptyque, plutôt dispensable.
Nickel la chro! ;)


Crom-Cruach

Crom-Cruach le 28/02/2022 à 11:01:18

Faut que je me penche sur ce combo que j'ai injustement boudé pendant tant d'années (poil au nez).

Rafff

Rafff le 02/03/2022 à 19:08:44

Top ! C’est con qu’ils n’avaient pas mis + d’extraits de textes d’auditeurs dans la réédition de Witness où ils nous avaient invité à leur envoyer un message pour leur dire ce que l’album représentait pour nous. Au passage une -courte- interview qui avait été faite avant leur passage au Hellfest : https://www.coreandco.fr/interviews/modern-life-is-war-juin-2018-338.html

Pingouins

Pingouins le 03/03/2022 à 08:15:39

@Tookie : Clairement on peut y revenir quelques années plus tard et ça marche toujours.
@ Freaks : Merci de m'avoir remis sur la bonne voie :)
@ Crom : Pas convaincu que ce soit tout à fait ton style de prédilection dzans le hxc mais sait-on jamais !
@ Rafff : Merci :). Pour les extraits de texte, Eaton revient dessus et sur pourquoi 10 dans une interview dans un podcast sur youtube (c'est un peu long mais assez intéressant : https://www.youtube.com/watch?v=ceo27McyYwo ).

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